Des hommages à l’OAS, ça passe. Critiquer la police, beaucoup moins.
Louis Aliot s’en prend à L’Empaillé
Dans son numéro 11, publié à l’automne 2023, le journal L’Empaillé a osé — si l’on peut dire — dénoncer frontalement la politique lepéniste menée par le maire RN de Perpignan, Louis Aliot. L’article pointait « son idéologie autoritaire, raciste et anti-féministe », rappelant les racines néofascistes et antisémites du parti de l’élu. Le journal soulignait également sa nostalgie assumée de l’Algérie française et des terroristes de l’OAS.

Fondé en 2016 dans l’Aveyron, L’Empaillé est un journal trimestriel indépendant. Depuis 2021, il a étendu sa diffusion à l’ensemble de la région Occitanie, avec un tirage compris entre 22.000 et 29.000 exemplaires. Disponible dans les kiosques, les librairies, les cafés associatifs ou encore les centres sociaux, il relaie les luttes sociales, écologiques, féministes et antiracistes, tout en menant des enquêtes critiques sur les pouvoirs politiques, économiques et médiatiques.
C’est donc ce numéro 11 qui provoque la colère de la mairie RN, au point de valoir à l’équipe du journal des poursuites judiciaires. L’article publié en octobre 2023 dénonçait la politique autoritaire, raciste et anti-sociale de la municipalité, en soulignant notamment les origines néofascistes du RN et les liens de certains collaborateurs municipaux avec l’extrême droite radicale :
« Derrière cet écran de fumée, il ne faut pas creuser bien loin pour remettre Aliot à sa place. La plupart de son équipe qui n’était pas au RN l'est désormais, peu ou prou. Anaïs Sabatini est devenue député RN, l’adjoint à la culture André Bonnet est friand sur Twitter des posts de médias d’extrême droite comme Valeurs actuelles ou F de souche, et l’adjoint en charge de l’aménagement Charles Pons portait l’étiquette RN aux dernières sénatoriales. Évidemment, il y a celles et ceux qui étaient déjà de fidèles lepénistes : Frédéric Gourier (adjoint aux quartiers sud), au FN/RN depuis 12 ans et communicant d’Aliot depuis quelques années, et Xavier Baudry (adjoint au quartier ouest) un ancien policier passé par le mouvement d’extrême droite Renouveau étudiant et le GUD, et actuellement membre des intégristes de la Fraternité Saint-Pie X. Ajoutons les cadres locaux du RN Sophie Blanc (élue depuis député RN) et l’adjointe à l’éducation Marie-Thérèse Costa-Fesenbeck, ainsi qu’un émissaire de "Debout La France" (parti souverainiste proche du RN), l’adjoint aux sports Sébastien Ménard.” »
De plus, le journal, alors que les associations locales le font aussi, trace un petit portrait de la nostalgie coloniale affichée par Louis Aliot.
« Mais c’est surtout avec les nostalgiques de l’Algérie française et de la colonisation qu’Aliot fait des heureux : une subvention rondelette de 100.000 euros a été allouée au "Cercle algérianiste" à l’occasion de son congrès consacré à "l’œuvre coloniale" et à "l’apport de la France en Algérie". La mairie a notamment organisé une exposition sur les victimes du FLN et a renommé une esplanade de Perpignan au nom de Pierre Sergent, ancien chef de l’OAS en métropole, responsable de dizaines d’assassinats. Mais cette réécriture de l’histoire franco-algérienne à Perpignan ne date pas d’hier : c’est le maire précédent qui avait inauguré la stèle pour l’OAS au cimetière nord, et qui avait installé la mise en berne des drapeaux français le jour de la commémoration des accords d’Évian. Pourtant Josie Boucher, qui participe au collectif "Pour une histoire franco-algérienne non falsifiée", estime que cela va plus loin : "Notamment pour le 60ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, lorsque la ville s’est transformée en capitale des Français d’Algérie, avec invitation d’anciens de l’OAS, attribution du titre de citoyen d’honneur à des membres des familles de militaires putschistes, etc. Pujol n’aurait pas été jusque là, lui l’a fait sans complexe" ». »
Il ne s'agit pourtant pas d'un supposé ressentiment de la part du journal contre le maire puisque le cœur du contentieux repose sur les critiques adressées à la politique sécuritaire de la municipalité. L’article incriminé relayait une partie de l’enquête du média Blast sur la « milice municipale » — près de 200 policiers, certains arborant des insignes néofascistes — et dénonçait le « harcèlement » policier dans les quartiers populaires de la ville. La mise en examen de L’Empaillé fait suite à une plainte pour injure déposée par Philippe Rouch, directeur de la police municipale, que le journal avait qualifié de « caïd » orchestrant des opérations policières très médiatisées :
« Au passage, nous relevons qu’Aliot "a embauché un caïd de la police nationale parisienne, Philippe Rouch, qui enchaîne les saisies de drogues, largement médiatisées". C’est cette phrase qui nous vaut actuellement d’être mis en examen par la juge d’instruction de Perpignan, après une plainte pour injure déposée par ce directeur de la police municipale. »
On ne peut pas oublier que plusieurs agents municipaux ont fait l’objet de poursuites pour violences. En 2024, l’un d’eux a été condamné à six mois de prison avec sursis. En février 2025, quatre policiers municipaux sont mis en examen pour agression sexuelle sur un jeune homme de 23 ans. Malgré cela, la mairie RN continue de soutenir sans réserve ses policiers. Lors d’un conseil municipal, Louis Aliot a même lu publiquement un tract syndical exigeant leur « libération immédiate » et le « lavement de leur honneur ». De son côté, Philippe Rouch a ordonné à ses agents de suspendre leur travail de terrain en signe de solidarité.
Le maire de Perpignan a perdu son procès contre Blast. Ceci aura évidemment très probablement une influence sur le procès intenté contre l'Empaillé.
En attendant, face à cette tentative d’intimidation judiciaire, L’Empaillé réaffirme son engagement à enquêter sur l’extrême droite, à défendre la liberté de la presse, et appelle à un soutien massif à la presse indépendante.