Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

De la justice et de l'éthique

En 1994 j’observais ce qui allait devenir Internet. J’échangeais des mails avec des gens un peu partout dans le monde. Cela court-circuitait les barrières habituelles. Plus de chargé(e) de la communication, plus de secrétariat. Je basculais d’un monde organisé verticalement dans un monde auto-organisé horizontalement. Mon instinct me disait qu’une vision auto-régulée de la planète et de ses habitants n’était pas impossible dans un avenir plus ou moins proche.

En 1994 j’observais ce qui allait devenir Internet. J’échangeais des mails avec des gens un peu partout dans le monde. Cela court-circuitait les barrières habituelles. Plus de chargé(e) de la communication, plus de secrétariat. Je basculais d’un monde organisé verticalement dans un monde auto-organisé horizontalement. Mon instinct me disait qu’une vision auto-régulée de la planète et de ses habitants n’était pas impossible dans un avenir plus ou moins proche. Bref, celui-ci s’annonçait plutôt radieux. L’information allait enfin circuler, sans frontières, sans barrières humaines, sans contrôle. Chacun pourrait se faire sa propre opinion. Et agir en conséquence. Il y a quelques jours, à l’Open World Forum, j’expliquais à un auditoire que s’il était incongru de se départir de ce qui fait notre unicité, en publiant nos informations personnelles, nos pensées intimes, sur les serveurs d’une entreprise privée, il était encore plus dangereux de laisser les Etats s’approprier ces informations. Reflets a alerté longuement depuis 2011 sur les dangers de certaines infrastructures étatiques reposant sur le Deep packet Inspection. Edward Snowden a montré jusqu’où pouvait s’étendre la curiosité maladive des Etats. A tel point que l’on peut se demander dans quel esprit paranoïaque peut naître l’idée d’une mise sur écoute de la population mondiale. Que fait la planète, que font ses habitants pour réclamer justice après ces révélations ? Rien.

Que font les êtres humains, pourtant très bien armés avec Internet, pour réclamer justice après la fabrication de la crise économique et financière par leurs élus et le monde de la finance, deux univers étrangement poreux ? Rien.

Que font les humains pour réclamer justice après des années de guerre sale, de torture, d’assassinats indiscriminés de civils à grands coups de missiles, de drones et de décisions secrètes à la Maison-Blanche ? Rien.

Que font les humains pour réclamer justice après les effets de décennies d’une diplomatie occulte, ayant mené des opérations peu avouables, armé des terroristes pour contrer tel ou tel danger supposé ? Rien.

S’il existe bien des « complotistes », comme le système aime à les définir, pour alerter sans relâche, une très grande majorité reste silencieuse.

A quoi vous sert Internet ? A suivre les tweets sur la Nouvelle Star ? A plonger dans le buzz de la politique, des petites phrases aussi ridicules qu’insignifiantes ? Peut-être est-il temps, enfin, 20 ans plus tard, de reprendre le contrôle sur ces outils et de publier jusqu’à ce que la morale commune, l’éthique, viennent, portées par des millions de voix, obtenir justice.

Restaurer un minimum d’équilibre serait en effet utile. Avant que tout ne bascule dans un inconnu qui risque d’être violent.

La violence engendre la violence, comme l’a rappelé la famille de Rémi Fraisse à l’adresse de ceux qui seraient tentés de répondre à la mort de leur fils par les mêmes moyens que ceux de l’Etat.

Celle qui vient, peut-être, sera générée par la violence imposée aux Hommes. Celle qui consiste à siphonner de la manière la plus gloutonne et la plus violente possible tout ce qui peut l’être. Au plus grand bénéfice d’une toute petite oligarchie. Ce n’est pas nouveau, mais le rythme s’accélère.

Jean Jaurès dont on célèbre actuellement le centenaire avait eu ces mots en juin 1906 :

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Si les Hommes se soumettent à la puissance étatique, c’est parce qu’ils acceptent un contrat social. Généralement quand une des parties ne respecte pas sa part d’un contrat, celui-ci devient caduque, la Justice se chargeant de solder les comptes. Mais ici… Quelle Justice viendra déterminer que l’Etat s’est mis au service de puissances privées oubliant qu’il était au service de ceux qui l’ont fait, les citoyens ?

La récente publication des LuxLeaks montre par exemple la mise à disposition par le Luxembourg d’outils pour que les entreprises multinationales puissent éviter de payer des impôts sur leurs bénéfices. Qui était Premier ministre du Luxembourg et précédemment ministre des Finances du Grand Duché ? Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission Européenne. Nul doute qu’il aura a cœur de lutter contre l’optimisation fiscale pour mener à bien son grand projet visant à "mettre la croissance et l’emploi au cœur des priorités de la prochaine commission".

Que doivent faire les citoyens d’un Etat qui :

  • Ne se conçoit que comme puissance visant à réprimer là où le dialogue devrait prévaloir ?
  • Ne se conçoit que comme un outil du système pour préserver ce dernier ?
  • Se considère au dessus des lois ?
  • Vote des lois d’exception ?
  • Oppose un TINA définitif au lieu de dialoguer avec les auteurs de propositions alternatives ?
  • On ne co-construit pas l’avenir. On le construit au bénéfice d’une oligarchie.

Il n’y a pas d’issue par le haut possible.

Cet entêtement est particulièrement dangereux. Pour nous et pour les générations qui viennent.

A terme, la réponse des citoyens, si elle passe par les urnes ne peut qu’être particulièrement mortifère avec l’arrivée d’une Marine Le Pen ou d’un Jean-Luc Mélenchon au pouvoir, tous deux aussi empêtrés l’un que l’autre dans des idées du passé sclérosantes et violentes. Elles ne reposent que sur la haine des autres. Des « étrangers » pour l’une, des « riches », pour l’autre. Ce n’est pas de haine dont ce monde a besoin, mais de justice, de morale commune, de dialogue, d’éthique.

L’alternative à une sortie par les urnes est une "révolution". L’Histoire a prouvé qu’elles ne sont jamais parfaitement spontanées et qu’elles sont souvent sanglantes.

Ce n’est pas non plus ce dont un peuple a besoin. Il a bien plus intérêt à une co-construction de l’avenir et à bénéficier du respect qui lui est dû de la part de ceux qui sont censés travailler pour lui, sur la base d’un contrat social signé par les deux parties.

On est bien loin ces temps-ci d’un respect ou d’une co-construction. Nicolas Sarkozy avait tracé la voie, François Hollande y marche sans vergogne, lui-président. A ses côtés, Manuel Valls, sans doute atteint du même complexe que Nicolas Sarkozy. Il a un furieux besoin d’occuper l’espace et d’écraser toute contestation.

Etonnanement, l'étincelle évoquée par l'auteur en août 2012 ne vient pas. Chaque mois, en France comme ailleurs, s'empilent scandales, prises illégales d'intérêts, corruption, évasion fiscale, rien n'est épargné. Un scandale chasse l'autre, chaque fois plus éloigné de l'éthique, de la morale commune, de la justice.

Le traitement médiatique, pour ceux qui continuent de lire la presse ou d'écouter la radio n'est pas propice à une rébellion des populations.

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Quant à Internet, lorsqu'il ne sert pas à suivre à la seconde près les frasques de Nabila, il sert à manipuler l'opinion, le vote des électeurs. Ne craignez rien, ce n'est que l'une des "expériences" de Facebook. Rien de grave.

 

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