Dans l’Est de la France, l’épidémie de covid19 explose
Le professeur de médecine Jean-Philippe Mazzucotelli alerte
Chirurgien à l'hôpital de Strasbourg, il témoigne des conséquences de l'épidémie et alerte sur le manque de moyens en matériel. Il demande aux personnels de santé de profiter du temps qui reste avant l'explosion des cas pour se préparer. Il s'emporte contre la mauvaise communication gouvernementale qui n'a pas permis de prendre la menace au sérieux.

"On va vers une catastrophe sanitaire, alerte le Pr Jean-Philippe Mazzucotelli, chirurgien cardiaque au CHRU de Strasbourg. Notre courbe épidémique suit celle de l’Italie avec quelques jours de retard. L’Italie qui a 5000 lits de réanimation est dépassée. Ca risque d’être pareil chez nous."
La situation la plus grave est à Mulhouse et à Colmar. Dans ces hôpitaux, les services de réanimation sont saturés. « Des cas très graves sont envoyés dans les hôpitaux voisins. A Strasbourg, on a reçu 10 malades de ces hôpitaux dimanche. On a 150 malades Covid19, dont 50 en réanimation. Il nous reste 10 lits de réa de libre. », raconte-t-il.
Le professeur déplore vivement que le matériel manque. « C’est de la folie, on n’a pas la base. Les masques FFP2 (NDLR avec un filtre) sont en nombre très limité et réservés aux personnels au contact direct des patients. On économise les masques au maximum. A Colmar, c’est pire. Dans 48 heures, ils n’ont plus de masques du tout, plus de gel hydroalcoolique. Et aux dernières nouvelles, il n’était pas prévu que l’hôpital soit ravitaillé, mais j’espère que ça va être fait. Et ils manquent de respirateurs pour la réanimation. »
Parmi ses craintes le manque de personnel et l’épuisement de ceux qui sont en première ligne.
Pour le moment, les internes et les étudiants en médecine ou en soins infirmiers ont été appelés en renfort. « Certains appuient les services de réanimation d’autres le dépistage du virus. Des anesthésistes-réanimateurs et infirmiers spécialisés de cliniques privées se sont proposés de nous aider. Ils vont être les bienvenus. »
En attendant la vague à venir, l’hôpital de Strasbourg se prépare. « On transforme la salle de réveil de la chirurgie en salle de réanimation et aussi des lits dans le service de soins continus. On avait un tout petit peu de matériel de réanimation en stock. Des fournisseurs nous ont livré des petits appareil d’assistance à la ventilation qu’ils avaient en stock. Pour des malades assez simple à ventiler ça marche. Mais pour certains ça ne suffit pas. On a quatre patients qui nécessitent une circulation sanguine extra-corporelle. »
« L’armé sera sans doute un renfort nécessaire, estime le professeur. Il faudra leurs hélicoptères ou avions médicalisés si on doit transporter des patients sous assistance respiratoire ailleurs sur le territoire. On en n’est pas là, mais il faut anticiper. L'épidémie va être vite. »
Le chirurgien veut aussi alerter ses confrères : « Je dis aux collègues : préparez-vous à ce qui arrive, organisez-vous, profitez du temps que vous avez. Il y a un vrai problème de communication du gouvernement et des agences régionales de santé (ARS). L’objectif était de ne pas affoler la population. C’est une erreur. C’est fou qu’on ait maintenu les élections. Du coup, les gens se disaient, puisque je peux voter, je peux me balader tranquille. »
Même si la situation est grave, le médecin rappelle des chiffres importants : « environ 98 % vont s’en sortir. quelque 80 à 85 % resteront à la maison. Et 15 % passeront par l’hôpital, dont 5 % en réanimation. Mais le problème est que ça peut faire beaucoup de monde en même temps. C’est pour ça que rester chez soi est fondamental pour atténuer le pic de l’épidémie. Cela va sauver des vies. »