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par Jacques Duplessy

Covid : « La situation n'est pas bonne mais on ne sait pas ce qui va se passer »

L'épidémiologiste Catherine Hill fait un point sur l'épidémie

Le niveau de circulation du virus reste élevé, même si les indicateurs sont à la baisse. Catherine Hill s'inquiète que les leçons du fiasco de la stratégie de dépistage n'aient pas été tirées.

Terrasse parisienne, vendredi 21 mai 2021 - © Reflets

Alors, ce déconfinement, vous êtes allée en terrasse ?

Catherine Hill (rire) Non, la météo n'était pas très favorable... J'ai vu les images de ces regroupement. Les indicateurs continuent de descendre, mais le niveau de circulation du virus reste élevé. La question est : est ce que ça va tenir ou est-ce que la tendance va repartir à la hausse ?

Et votre avis pour cet été ?

On a actuellement 38 millions de personnes protégées sur 67 millions de Français : 12 millions ont eu le Covid, à la date du 18 mai 9,9 millions sont complètement vaccinés et 16,5 millions ont reçu leur première dose depuis 14 jours, donc sont partiellement immunisés.

Il reste donc 29 millions de personnes à risque, ce qui n'est pas rien. Sachant qu'on à toujours 24% des plus de 80 ans environ 20 % des plus de 75 ans et 48 % des 50-64 ans qui ne sont pas vaccinés, ça laisse pas mal de personnes non protégées.

Le nombre de personnes en réanimation reste aussi très élevé, avec 3844 personne au 19 mai. Mais il est difficile de savoir ce qui va se passer. Je me méfie des modèles qui proposent des prédictions car il y a de très nombreuses hypothèses à prendre en compte. La philosophie des modèles est utile, mais ça s'arrête là.

Ce qui est clair est qu'on continue de prendre les mauvais indicateurs pour gérer l'épidémie, en premier lieu le nombre de malades qu'on trouve. Ce n'est pas sérieux car le chiffre dépend de combien on teste de personnes.

Période où l'on peut contaminer - Catherine Hill
Période où l'on peut contaminer - Catherine Hill

Le Président Macron vante sa gestion de l'épidémie, vous réagissez comment ?

Ils ont flingué l'économie et laissé mourir 108.000 personnes. Qu'ils ne viennent pas nous dire qu'ils ont bien géré la crise ! On ne parle plus des morts, ils ont disparu du paysage, tout le monde s'en fiche...

Les politiques ont manifesté beaucoup d'agitation mais il n'y a pas eu de stratégie. Par exemple, la surveillance des eaux usées, qui est très instructive, n'est pas intégrée à une stratégie. La dernière agitation en date concerne les tests salivaires dans les écoles. On a testé 250.000 enfants sur 6 millions et le gouvernement a crié à l'exploit. Puis on a fermé les classes quand il y avait un élève positif. Mais ça ne servait à rien. Ca permet juste de dire qu'ils font quelque chose. Si on avait fait 250.000 tests salivaires groupés, on testait toutes les classes, et là on savait comment le virus circulait dans les écoles.

La politique de test a été un fiasco. On a testé trop peu et n’importe qui : on ne trouve qu’une petite partie des cas (1 sur 10 en juin 2020, 1 sur 3 aujourd’hui). On a testé trop tard : on attend les symptômes qui arrivent vers le 5ème jour. Ajoutez deux jours en moyenne pour le test PCR et un jour pour le résultat du test. On est alors à 8 jours de contamination. Or la plupart des gens sont contagieux 10 à 12 jours Dans ce contexte, la recherche des contacts et l'application TousAntiCovid sont peu efficaces : moins d’un cas trouvé sur 3 est un contact d’un cas connu.

Quand faut-il tester ? - Catherine Hill
Quand faut-il tester ? - Catherine Hill

Et non seulement le dépistage a été un fiasco mais, en plus, cela a couté très cher. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la Santé, au 4 avril 2021, on a réalisé 70,1 millions de tests virologiques (57,7 tests PCR et 12,4 tests antigéniques). Si le coût moyen d’un test est de 54€, le coût total pour la Sécurité sociale est de 3,8 milliards !

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