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par drapher

Communication de l'Elysée : destruction du modèle social au PMU du coin

Macron nous prend pour des cons, et en plus ça le fait kiffer

La vidéo de communication élyséenne préparatoire au discours d'Emmanuel Macron au 42e congrès de la Mutualité Française est une œuvre d'art de politique populiste. Mais elle est surtout une déclaration du démantèlement à venir du modèle social français et de l'Etat providence — basée sur de grossières affirmations parfaitement fausses. Explications.

Vidéo de propagande du régime français - Crédit photo : ©Elysée & BFM Propaganda - Licence : © Sodome et Gomorrhe (publique)

Cette vidéo à proprement parler hallucinante — ou hallucinatoire selon la capacité de chacun à la déchiffrer— a été parfaitement étudiée par les dir'comm de l'Elysée et savamment calculée par le média de propagande BFMTV. Laissons-nous bercer par l'explication présidentielle du "problème" des aides sociales que ce dernier entend bien régler :

"Tout le système social, on met trop de pognon"

Comment comprendre cette phrase ? Qu'entend-on par le "système social" ? Qui est ce "on" ? Emmanuel Macron devrait savoir que s'il parle des caisses de retraite, allocations familiales, caisse de santé, ce n'est pas lui et ses amis gestionnaires de l'Etat qui collectent la totalité des fonds ensuite reversés aux citoyens : cet argent n'est pas collecté par les seuls impôts, et s'il comporte des taxes ce n'est pas Bercy qui tient la comptabilité du "système social français". L'État peut changer des taux de prélèvement, peut remettre en cause des règles mais ce n'est pas lui qui collecte tout l'argent, ce n'est pas lui seul qui le gère. Loin de là.

Les cotisations sociales représentaient près de 90% des recettes des régimes d’assurance sociale des administrations de Sécurité sociale à la fin des années 80. Aujourd'hui elles sont à peine à 65%. Mais durant cette période la part des impôts et taxes est passée de 5 % à près de 30 %. Le "pognon" que Macron et ses potes "donnent" en protection sociale au bon peuple — même s'il est bien plus important qu'il y a 30 ans — représente en réalité moins d'un tiers de la "cagnotte sociale française".

Continuons d'écouter Emmanuel 1er, Grand Timonier de France et convaincu de tout gérer, même l'argent qui n'arrive pas dans les caisses de "son" Etat :

"On déresponsabilise et on est dans le curatif (…) on doit mieux prévenir et mieux responsabiliser tous les acteurs (…) ça va nous coûter moins cher, à vous, et à nous"

Là, on frise le discours managérial incompréhensible : qui est déresponsabilisé ? Le curatif de quoi ? Quels acteurs ? Et au final ça va nous coûter moins cher, mais qui donc est encore ce "nous" et surtout : y a-t-il un problème de coût ? Regardons des extraits du dernier rapport des comptes de la sécurité sociale :

L'équilibre des comptes du système social français en 2017, et mieux encore dans les années qui viennent - solidarites-sante.gouv.fr - Notre pognon a payé ce rapport
L'équilibre des comptes du système social français en 2017, et mieux encore dans les années qui viennent - solidarites-sante.gouv.fr - Notre pognon a payé ce rapport

Les différentes branches
Les différentes branches

Même le prévisionnel est bon, c'est dingue
Même le prévisionnel est bon, c'est dingue

Ce que Macron ne semble pas avoir compris — ou feint de ne pas comprendre — c'est qu'en réalité le système social français est presque à l'équilibre et qu'il ne coûte pas à l'Etat par les dépenses intempestives des bénéficiaires mais par les transferts de dépenses causés par des politiques au bénéfice du patronat :

Ahaha : on nous taxe pour compenser les cadeaux au privé en reversant au "système social"
Ahaha : on nous taxe pour compenser les cadeaux au privé en reversant au "système social"

Oui, 3,8 milliards d'euros sont partis des caisses de l'Etat vers les recettes de la sécu pour compenser les baisses de cotisations voulues par… Emmanuel Macron sous Hollande. Le système social français est simple : moins de cotisations égal moins de recettes. Moins de gens qui travaillent égal, là aussi, moins d'impôts, moins de recettes. Quant aux dépenses elles sont sous haute surveillance en permanence depuis deux décennies au moins. Et c'est là, qu'en réalité, on comprend que le système social pourrait être à l'équilibre depuis longtemps si l'on n'avait pas baissé les recettes en permanence et seulement cherché à faire baisser les dépenses…

Cette petite annonce publiée dans le Monde devrait aussi faire réfléchir quant à l'escroquerie en cours sur les "économies" que l'Etat veut réaliser sur la protection sociale, parce qu'il n'a "plus assez d'argent" pour tout financer :

6 milliards offerts aux 1% : qui va payer la facture ? Ben, les pauvres, justement…
6 milliards offerts aux 1% : qui va payer la facture ? Ben, les pauvres, justement…

Au PMU de l'Elysée, on parle "des pauvres"

"On met un pognon de dingue dans des minima sociaux et les gens ils sont quand même pauvres !"

Réponse de café de PMU : "Mais oui Manu, t'as raison, et tu sais pourquoi ? Parce que les salaires sont misérables dans ton pays et que l'Etat que tu diriges fait tout pour qu'ils le restent. Les "pauvres", comme tu les appelles, ils ont tous envie de gagner leur vie correctement et de se passer de ces minima sociaux, parce qu'ils vivront mieux. Mais comme tu fais des cadeaux aux plus riches et que tu aides les entreprises à moins payer pour contribuer à ces mêmes minima sociaux, tu comprends bien que tu te fous de notre gueule ouvertement et qu'à un moment ça va se voir, tu crois pas ?"

"Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu'ils sortent de la pauvreté."

Réponse de café de PMU : "Là, Manu tu atteints le mur du çon en terme d'analyse de comptoir de la problématique sociale française : les pauvres qui sont nés pauvres ne l'étaient pas il y a 40 ans, si ça t'a échappé. On t'explique vite fait : une famille d'ouvriers vivait très bien en 1970 avec un seul salaire, et si tu ne le sais pas, une part considérable de la population, près de 40%, gagne moins de 1500€ par mois dans ton pays aujourd'hui. Avec cette somme, on est "pauvre", comme tu dis. On touche des aides sociales, ou quand on a perdu son boulot des minima sociaux, ou même on n'en touche pas. Mais dans tous les cas on arrive pas à finir le mois et on se serre la ceinture. Et ce n'est pas un manque de "responsabilisation" ni de "volonté" pour sortir de la pauvreté qui joue Manu, c'est parce que ta politique et celle de tes potes depuis des années a tout fait pour que les entreprises délocalisent, génèrent des bénéfices monstres sans contrepartie, aspirent de l'argent public comme des baleines tout en leur permettant d'exploiter les pauvres, comme tu les appelles, un peu plus chaque année."

Finir avec la politique du soin à plusieurs vitesse et le plat de lasagne

"Honnêtement le truc je l'ai lu, on comprend rien (…) On rembourse entièrement des soins parce que ce sont des soins qui évitent de payer beaucoup plus (…) On avait un système de soins où les types avaient plus intérêt à aller vers de gros soins (…)

Réponse de café de PMU : "Ah, là c'est fort Manu : on est nombreux à avoir eu de gros soins dentaires à faire et on avait pas franchement d'intérêt à les faire plus que des petits, niveau remboursement. Mais on doit pas tout piger et mal gérer notre budget soins et remboursements dentaires. Par contre les prothésistes et autres dentistes expliquent que ton système ça va faire des soins bas de gamme remboursés à 100% : des soins pour les pauvres. Avec des prothèses bas de gamme bien moches. Mais quand t'es pauvre c'est un peu normal de pas avoir les prothèses des riches. Faut pas pousser non plus."

Toute cette diatribe présidentielle absurde, avec des raccourcis débilitants — cette analyse digne de Tonio au comptoir du "Rendez-vous des chasseurs" — n'a qu'un but : expliquer au populo qu'il [Manu Macron] va exploser le système social pour obliger les "assistés" qui touchent les minima sociaux à se mettre au boulot en les "responsabilisant". La vision de Macron est toute résumée dans cette vidéo : les "pauvres" coûtent à la société, et même si les comptes de la sécu vont bien "je fais comme si ce n'était pas le cas, moi Manu" pour invoquer une nécessité de privatiser encore un peu plus le système social. Ce qui va survenir avec la réforme des retraites cet automne, puisqu'elle ne sera plus basée sur la solidarité mais sur de l'épargne personnelle. Une retraite "à points", comme ils disent.

La réalité que cache Macron, c'est que le pays, demain, si une politique économique de la demande était effectuée — basée sur du mieux-disant social fait de hausses des salaires, d'impôts ciblés sur les plus riches, de hausse des prestations sociales et de relance étatique par des chantiers écologiques, doublée d'un arrêt des cadeaux fiscaux aux multinationales et autres grandes fortunes — se porterait mieux. Bien mieux. La pauvreté diminuerait. Les gens travailleraient bien plus. Les recettes de l'Etat s'amélioreraient. La protection sociale serait une bénédiction au lieu d'être une charge. Même les déficits publics diminueraient. Etonnamment, cette politique est menée pas loin de chez nous, au Portugal. Mais Macron n'en a cure : sa mission n'est pas d'améliorer la situation du plus grand nombre.

Tout le monde devrait le savoir aujourd'hui. Enfin, normalement.

A bon entendeur
A bon entendeur

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