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par drapher

#Citizenfour : #Snowden aurait pu annoncer que le monde était dirigé par des #aliens

Le documentaire de Laura Poitras, Citizenfour, est unique en son genre, par de nombreux aspects. Le principal est qu’il montre sans détours, en direct, le plus grand lanceur d’alerte de tous les temps dénoncer la pire « affaire d’Etat » de tous les temps. Le WaterGate est une bluette sans grand intérêt à côté des révélations d’Edward Snowden. Que pouvons-nous retirer de cette histoire incroyable, saisissante, effroyable, alarmante ?

Le documentaire de Laura Poitras, Citizenfour, est unique en son genre, par de nombreux aspects. Le principal est qu’il montre sans détours, en direct, le plus grand lanceur d’alerte de tous les temps dénoncer la pire « affaire d’Etat » de tous les temps. Le WaterGate est une bluette sans grand intérêt à côté des révélations d’Edward Snowden. Que pouvons-nous retirer de cette histoire incroyable, saisissante, effroyable, alarmante ? Snowden aurait pu délivrer les preuves que le monde était dirigé par des aliens, l’effet aurait été le même : stupéfaction, indignation, incrédulité, et au final… rien. Comme si rien ne pouvait être fait contre quelque chose d'invisible ? Avons-nous basculé dans un monde différent sans nous en rendre compte, dans lequel le pire n’est jamais certain, et l’escalade toujours au bout du tunnel ?

Science-fiction

La situation d’Edward Snowden, installé dans une chambre d’hôtel à Hong Kong — filmé par Laura Poitras et interrogé par deux  journalistes, Glenn Greenwald et Ewen MacAskill — est digne d’un roman d’espionnage. A l’échelle planétaire. Les premières explications du jeune informaticien sur les programmes d’interception des communications et de surveillance mondiale, Prism, XKeyscore, Tempora, laissent les journalistes abasourdis, incrédules.

Snowden a des rires nerveux lorsqu’il explique les capacités des systèmes de collecte massive de données de la NSA (Agence de sécurité américaine) et du GCHQ (agence de renseignement britannique). Le lanceur d’alerte utilise d’ailleurs le terme de « science-fiction » pour tenter d’expliquer aux journalistes les possibilités offertes par ces systèmes. Les exemples que donnent Snowden sont intéressants, parce qu’ils permettent de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la collecte massive des données effectuées par la NSA et le GCHQ. « Tout est intercepté et stocké, en permanence, à l’échelle planétaire, vos mails, vos mots de passe, vos communications, ce qui permet à tout moment, de choisir n’importe qui, et d’aller fouiller sur tout ce qu’il a écrit, dit, dans le passé, puis de le faire en temps réel » dit en substance l’ex-agent de Booz Allen Hamilton, la société sous-traitante de la NSA.

Les journalistes ont la mâchoire qui se décroche en regardant, hagards, les documents officiels fournis par Snowden qui démontrent la réalité de ses affirmations. Puis viennent les révélations sur la participation des opérateurs Internet et de téléphonie à la surveillance des usagers…

Populations anesthésiées et dirigeants aux ordres ?

Les alternances entre des tribunaux de justice d’Etat, des tribunes où Jacob Appelbaum vient expliquer les capacités de surveillance stupéfiantes des services gouvernementaux américains, des journaux télévisés qui relayent les premiers articles de Glenn Greenwald, et Snowden cherchant à s’échapper de sa chambre d’hôtel, sont un enchaînement vertigineux de situations uniques ayant pour point commun, une même question : que sont devenues les libertés individuelles et le droit à la vie privée ? La planète entière découvre la machine implacable constituée en secret par le gouvernement de la plus grande puissance mondiale, les USA, — une machine totalement illégale, bafouant toutes les conventions internationales, les Constitutions. Et pourtant, malgré de nombreux débats publics aux Etats-Unis, l’affaire reste en l’état.

Snowden parvient à fuir Hong Kong, aidé par Wikileaks, trouve refuge en Russie, l’Allemagne se plaint des écoutes du téléphone portable de sa chancelière, mais finalement, Barak Obama vient calmer toute velléité à l’encontre des pratiques de la NSA. Un discours, pas d’excuses, des chefs d’Etats européens qui grognent pour la forme, mais rentrent très vite dans le rang : nos vies privées sont piétinées quotidiennement et continueront à l’être. Circulez, il n’y a rien à dire, ni à contester. Les populations ne sont pas descendues dans les rues pour demander l’arrêt des systèmes d’interception de communications et de collectes de données, les gouvernements n’ont pas menacé les Etats-Unis ou l’Angleterre de mesures de rétorsions.

Snowden aurait pu démontrer que des aliens dirigeaient la planète, l’effet aurait été le même, et la réponse citoyenne, politique, tout aussi faible. Comme si, face à la réalité, même la plus incroyable qui soit, l’anesthésie prime sur toute autre réaction.

Une affaire qui touche aux fondements de nos sociétés

Citizenfour démontre quelque chose que la plupart d’entre nous soupçonne, mais verbalise avec difficulté : que reste-t-il de la démocratie tant vantée par ceux-là mêmes qui la bafouent en piétinant nos vies privées ? La démocratie, dans sa dimension de liberté des individus (d’expression, de propriété privée, de droit à la vie privée, de circulation, etc…), et non pas comme système politique en tant que tel, est le cœur de la dynamique occidentale moderne. Que peut-il se passer si cette liberté est mise sous surveillance intégrale par des administrations ou des groupes privés, que chacune de nos actions, nos paroles peut être captée, analysée, classée ?

Le propre d’un système totalitaire est de n’offrir qu’une place déterminée et limitée par ce même système, aux individus qui le constituent. Edward Snowden a permis de découvrir que ce système totalitaire existe, qu’il est en place et que nos vies sont déjà classées. Prêtes à être fouillées, compulsées, analysées. Qui peut prétendre savoir comment et par quelle intelligence, elles seront un jour utilisées à des fins de répression ou de censure ? Personne. Nos libertés sont déjà bafouées. Nous ne sommes plus en démocratie, et presque personne ne s’en soucie. Le constat est affligeant, mais le travail de Laura Poitras, Glenn Greenwald, Ewen MacAskill, et le courage d’Edward Snowden doivent servir à quelque chose. Sans quoi, quand il sera trop tard, nous ne pourrons pas dire : « nous ne savions pas ».

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