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par Jacques Duplessy

Calais : la résistance à l'inhumanité par l'humour

Les migrants sont toujours « emmerdés  » quotidiennement par les forces de l'ordre

Arbre de noël décoré avec des grenades lacrymogène, peinture d'un passage piéton pour les migrants, les bénévoles moquent la répression qui s'abat sur les demandeurs d'asile.

Un sapin de Noël à la décoration très particulière - DR

Alors que les policiers et leurs auxiliaires découpent les tentes au cutter des migrants ou les détruisent au bulldozer, confisquent quasi-quotidiennement leurs effets personnels, donnent des coups de couteau dans les réservoirs d’eau ou perturbent les distributions alimentaires, des bénévoles de nombreuses ONG tentent de mettre un peu d'humanité dans cette folie sécuritaire.

Et la lutte passe aussi par l'humour, comme en témoigne deux actions entreprises par des bénévoles du Secours Catholique.

Françoise, une religieuse catholique, manie la dérision dans son action pour soutenir les migrants. Pour Noël, des bénévoles et des réfugiés ont décoré un arbre avec des grenades lacrymogènes qui pleuvent quasi-quotidiennement sur eux.

Il y a quelques temps, elle avait aussi peint, avec le jésuite Philippe Demeestère (celui qui a mené une grève de la faim pour exiger de l'Etat une prise en charge digne de ces personnes) un passage clouté au beau milieu d’une route nationale à Calais. A quoi ça sert ? A rien. Mais cela permet de rappeler dans l'espace public l'existence de ces personnes.

Imaginez la scène. A trois heures du matin, la fringante octogénaire et le prêtre partent seau de peinture blanche et pochoirs en cartons à la main pour badigeonner une signalisation pour faciliter la traversée des migrants. « De nombreuses personnes traversaient cette route très passante à cet endroit pour aller prendre une douche dans le local du Secours Catholique, raconte sœur Françoise. On avait demandé à plusieurs reprises à la mairie de mettre des panneaux pour inciter les voitures à ralentir et éviter les accidents, mais ils n’ont rien fait. Alors on s’est dit, on va la peindre cette signalisation ! Philippe et moi, on s’est porté volontaires. On s’est dit, si on se fait prendre par la police, ils n’oseront pas nous faire trop de mal à nos âges. Et puis, ça ferait du bruit dans la presse. »

Pas si sûr, comme l'illustre l'affaire Geneviève Legay, 73 ans, gravement blessée après avoir été poussée par un policier lors d'une manifestation. Mais, bon, l'espoir fait oser.

Sur place, nos dangereux conspirationnistes peignent des petits bonhommes sur la route pour sensibiliser les automobilistes. La religieuse rit encore de ce bon coup. Inutile, peut-être ? Mais l'important est de ne pas invisibiliser ces demandeurs d'asile.

En dehors de ses opérations spéciales, Françoise anime des ateliers de dessin ou de couture. La maison du Secours catholiques reçoit jusqu'à 700 migrants chaque jour pour un café, un peu de chaleur et pour recharger le précieux téléphone portable. Sa petite communauté accueille aussi régulièrement chez elle pour quelques nuits au chaud. Un acte tout naturel pour cette femme qui a passé une vingtaine d'années en Afrique. « Il n’y a pas longtemps, c’était six Syriens et tout récemment une Érythréenne avec ses deux petites filles. Elles ont finalement été expulsées en Allemagne », raconte-t-elle.

Philippe Demeestère, l'aumônier du Secours catholique, a, lui, décidé de planter régulièrement sa tente avec les exilés. Juste pour être là, avec eux, partager des fragments de leur vie.

Sœur Françoise ne mâche pas non plus ses mots contre les autorités. « L’État et la mairie de Calais font tout pour rendre la vie infernale aux migrants. Ils les emmerdent au maximum pour reprendre un verbe présidentiel. C’est révoltant. »

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