Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Budgétisons, qu’ils disaient

Revenons à nos moutons… Voici donc que toute ma production était mise en cases dans un super logiciel répondant au doux nom de MS Project. J’ai expliqué combien le calcul du temps attribué à chacun de mes textes était arbitraire. Là où l’on m’attribue quelques minutes, il me faut parfois une heure ou plus. A l’inverse, un texte prévu sur plusieurs heures pouvait aussi bien me prendre quelques minutes. Pourquoi l’agence s’entête-t-elle à mettre mon travail en cases ?

Revenons à nos moutons…

Voici donc que toute ma production était mise en cases dans un super logiciel répondant au doux nom de MS Project.

J’ai expliqué combien le calcul du temps attribué à chacun de mes textes était arbitraire. Là où l’on m’attribue quelques minutes, il me faut parfois une heure ou plus. A l’inverse, un texte prévu sur plusieurs heures pouvait aussi bien me prendre quelques minutes.

Pourquoi l’agence s’entête-t-elle à mettre mon travail en cases ?

Simplement parce qu’elle facture tout. La moindre action de l’un des salariés vient s’inscrire dans le grand livre de comptes matérialisé par les “timesheets”. Quoi c’est ?

Un truc totalement improbable. Un autre logiciel, dans lequel chaque salarié inscrit en détails le temps passé sur chaque budget.

Cela permet de savoir si pour un budget de 15.000 euros (un exemple, hein…), on a pas dépensé 18.000 euros en laissant travailler 12 personnes pendant 15 jours…

Enfin normalement.

Parce que comme pour toute mise en cases de l’activité humaine, il y a un hic terrible. Ce hic, c’est justement le facteur humain. Imprévisible, irrationnel par nature.

Imaginons que j’ai sous les yeux un très beau cahier des charges pour créer un site et la newsletter qui va avec. Le tout pour un budget de 70.000 euros. Ben oui, on est dans la com’ ou on n’y est pas.

Je met déjà quelques personnes à travailler sur le dossier pour le remporter.

Comme j’ai des idées de fou, je gagne le budget. Bien sûr, il n’y a pas que les idées. Les relations “one to one” entre directions générales peuvent aider pour remporter des budgets, mais ça, on en parle jamais. Tabou.

Bref, j’ai gagné. Là, je planifie un coup.

Il me faut un peu de Directeur de la création, un peu de Direction artistique, un peu de graphiste, un peu de création de contenu, un peu de flasheur (en fait beaucoup), un peu d’expert bases de données, un peu de techos pour la mise en place de tout ça (quand on passe du papier cadeau à la technique qui va permettre à l’emballage de ne pas être boursouflé de pliures bien laides), etc.

Je calcule leur temps nécessaire. Je budgétise (ça fait tant…) et je met en regard le budget. Je vérifie que je gagne de l’argent.

Go, on est partis.

Sur le papier, c’est super. Je vais engranger des bénéfices.

Dans la réalité, c’est moins drôle.

Finalement, après avoir fait plancher la création pendant des jours (un peu plus que prévu, mais ça valait le coup vu que notre proposition est d’enfer), on se rend compte que le client n’est pas enchanté et qu’il faut revoir tout ça.

L’ego du Directeur de la création est atteint. C’est grave. On va lui montrer à ce client que son PQ, on va le rendre tellement génial avec notre site et notre newsletter, que la terre entière va en vouloir pour garnir ses toilettes. La puissance de la création (artistique ?) en action!

On retravaille (et là, on commence à sortir gravement du périmètre des prévisions initiales).

On représente au client.

Ca va mieux, mais il y a encore une bonne dizaine d’aller-retours. Dans la com’, on parle de “retravail”.

Paf, on continue d’éclater les mises en cases.

Maintenant, la Direction de la création, qui ne fait que dans l’intellectuel, l’artistique, la Création (avec un grand C), comme son nom l’indique, refile le bébé aux techniciens.

Et là…. c’est le drame. Ces cons (dans la com’, tout le monde est le con d’un autre) de techniciens disent qu’ils ne peuvent pas faire un truc pareil. Personne ne les a consultés en amont. Ca marchera pas. “Techniquement, c’est impossible”. Il faut revoir la copie.

Re-zut, on continue de sortir des clous.

Entre temps, il a fallu faire appel à des “free” parce que la création ne s’en sortait pas. Raison officielle : trop de travail. Raison officieuse, on a pas les ressources en interne pour produire une campagne qui tienne la route en termes créatifs. En d’autres termes, on est pas assez inventifs…

Bilan des courses, la mise en cases n’a pas fonctionné aussi bien que l’on aurait pu le souhaiter.

Pas grave. On avait budgétisé, tout le monde a rempli n’importe quoi dans ses timesheets, MS Project a été chauffé à blanc et, comme dirait l’autre, faire et défaire, c’est toujours travailler.

Restera à passer le cap de la publication des résultats… Mais c’est encore une autre histoire.

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