Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par drapher

"Bonjour, ma vie privée n'est pas à vendre"

Les sujets de la surveillance numérique, de la collecte de données personnelles ont beau être relayés parfois et par périodes dans les médias, rien ne semble vraiment changer. Surtout dans la perception concrète du problème. L'Etat d'urgence, soutenu par plusieurs lois anti-terroristes de circonstances a installé dans les esprits une forme de nécessité étatique de la surveillance, établissant ainsi une sorte de mantra politique. Celui du "moins de liberté pour plus de sécurité".

Les sujets de la surveillance numérique, de la collecte de données personnelles ont beau être relayés parfois et par périodes dans les médias, rien ne semble vraiment changer. Surtout dans la perception concrète du problème. L'Etat d'urgence, soutenu par plusieurs lois anti-terroristes de circonstances a installé dans les esprits une forme de nécessité étatique de la surveillance, établissant ainsi une sorte de mantra politique. Celui du "moins de liberté pour plus de sécurité". Un peu comme avec Georges Walter Bush, en 2001 — après les attentats du 11 septembre, et dans le cas de sa "guerre totale contre le terrorisme" — qui déclarait "Si vous n'êtes pas avec nous, c'est que vous êtes contre nous"; les dirigeants politiques français laissent entendre que ceux qui luttent contre la surveillance en ligne, ou la refusent, sous prétexte de défendre les libertés, lutteraient aussi, en quelque sorte, contre la sécurité de l'ensemble des citoyens.

Le problème que pose cette confrontation entre les promoteurs de la sécurité et leurs détracteurs, c'est qu'elle ne se place jamais sur le terrain plus vaste de la place que peut choisir de prendre — ou non — le citoyen dans les dispositifs de traçage Internet et de pillage de ses données personnelles. Le "système socio-économique en ligne" est devenu liberticide et les instances étatiques l'ont laissé proliférer sans jamais le cadrer, le contraindre ou même seulement le réguler, permettant ainsi — à ces mêmes instances — de laisser se mettre en place une société dystopique inconcevable il y a encore quelques années. Celle de la fin de la vie privée, du profilage de masse de la population et du totalitarisme algopolitique.

Légal, alégal, illégal, ou létal ?

L'algopolitique — dont Reflets tente de définir les contours depuis un certain temps — est un nouveau modèle de gouvernance, entièrement axé sur les données et leur traitement statistique à vocation prédictive et/ou d'influence, mais aussi parfois de répression. L'algopolitque est intéressante en termes de gestion du pouvoir, à plusieurs titres. Le premier est qu'elle est silencieuse, n'a pas besoin de se nommer, et n'existe pas en tant que telle dans les faits. Les "outils électronique de gestion des populations" ne sont donc pas connus, ni mis en avant. Les pouvoirs en place peuvent ainsi laisser croire à leur propre capacité visionnaire, leur compétence à décider au mieux dans le cadre de leur politique, alors qu'il n'en est rien. Ce sont les machines qui leur donnent les informations censées représenter des tendances, des prédictions, des réalités statistiques : sociales, économiques, politiques, sociologiques, sécuritaires, religieuses. De façon collective ou ciblée et individuelle.

Ces dispositifs — basés sur des outils logiciels de traitement de Big data — sont légaux. Rien ne les définit juridiquement : les algorithmes de deep learning (et de data mining) au cœur des logiciels de "stratégie décisionnelle" (l'un des termes marketing utilisés pour parler des outils de l'algopolitique) ne font pas l'objet d'un encadrement particulier. Les données qu'ils traitent, par contre, font elles —normalement — l'objet de dispositions légales. Et sans les Big data, les systèmes dits intelligents ne le sont plus : le cœur de la capacité de perfectionnement, d'auto-amélioration et de précision de ces derniers est basé sur la quantité de données pouvant leur être fournies. Et c'est à ce moment là que la problématique du légal, de l'a-légal (sic) et de l'illégal se pose, en termes de collecte des données. Problématique, qui, fonction de la qualité et de la quantité de ces données… peut devenir létale.

Dis-moi tout ce que tu es, je te dirai ce que tu vas faire

Le principe même du traitement des Big data à des fins statistiques ou prédictives, d'influence, de gestion, d'optimisation économique, sociale, sécuritaire, dans une société ultra connectée, se confronte immanquablement au concept de vie privée. L'algopolitique, qu'elle soit marketing ou gouvernementale a besoin de s'affranchir du concept de respect de cette fameuse vie privée. Elle a besoin de collecter le maximum de données personnelles pour pouvoir être efficace, voire devenir efficiente. C'est ainsi que la plupart des contrats commerciaux indiquent à l'utilisateur que les données le concernant peuvent être cédées, vendues à des tiers.

L'Etat s'est lui-même arrogé le "droit de capter quand il le souhaite" les données de connexion des utilisateurs du réseau sur le territoire national, avec les fameuses boites noires. Et auparavant, l'Etat s'est doté des outils nécessaires pour capter toute ou partie de vos données transitant sur le réseau — à des instants T — grâce à l'implémentation de sondes logicielles gouvernementales, les décidément si discrètes Interception Obligatoires légales (IOL).

Ce que veulent à tout prix connaître les IA des systèmes stratégiques — quels qu'ils soient — est… votre vie privée. Ce que vous êtes. Vos habitudes. Vos comportements, vos relations, votre environnement, vos achats, vos lectures, vos énervements, vos refus, vos attachements, votre façon d'envisager le monde qui vous entoure. Tout ce qui vous définit intéresse les IA. Qu'elles utilisent ces données pour vous intégrer à un profil global statistique de ciblage marketing, ou de façon individualisée pour aider les démarcheurs des campagnes électorales, c'est votre vie privée qui est aspirée par ces machines, puis stockée, et traitée. Le but est de savoir qui vous êtes, en tant qu'objet statistique, pour savoir ce que vous faites, allez faire, ou non. Afin de savoir par exemple quel message — le plus acceptable — apporter de façon générale à l'ensemble des objets constituant la statistique dont vous faites partie (la population française) ou encore pour vous soumettre les propositions d'offres commerciales, culturelles, les plus adaptées à votre profil. La fameuse personnalisation.

Des trillards de données pour tous les soumettre ?

Le leak des données de 198 millions d'Américains stockées sur le cloud Amazon (RNC Files) par des entreprises à la solde du parti Républicain — données ayant donc été utilisées pour la campagne de Donald Trump — est un moment intéressant dans l'évolution du nouveau monde de l'algopolitique. C'est l'instant où il est clairement établi que la data est le cœur du nouveau système "en marche", qu'elle est collectée massivement avec tous les les moyens possibles, qu'ils soient légaux ou non, et qu'elle est basée sur la destruction de la vie privée du plus grand nombre. Sans aucune option, même la plus élémentaire, pour préserver cet espace personnel.

Un peu comme si en entrant dans un magasin ou un bâtiment administratif, vous étiez obligé de prononcer une phrases clef comme "Bonjour, ma vie privée n'est pas à vendre" pour que l'on ne scanne pas votre cerveau afin de récupérer les informations qu'il contient, et les revendre ensuite.

Mais, attendez, pour ne pas se faire piller sa vie privée, aujourd'hui, il y a vraiment un moyen légal, administratif ?

Ah non, pas vraiment.

Et techniquement ?

C'est compliqué.

Reste donc "l'hygiène" : générer le moins de données possibles, éviter la technologie au maximum, ne pas "polluer" l'écosystème des Big data avec ses propres données.

Et s'en remettre au politique, en lui faisant part avec fermeté de la nécessité de stopper ce mouvement, incompatible avec la démocratie ? Sauf que s'il s'en sert lui aussi pour mieux soumettre sa population, ce n'est pas gagné.

Surtout quand l'idée même que la collecte de données n'est pas arrêtable. Une sorte de mal — qui s'il n'est pas souhaitable — deviendrait acceptable. Comme chez les assureurs, par exemple ? Mais tout ceci — paraît-il — est de l'ordre du troll. Comme IOL ?

Restons ouverts et positifs. Nos vies privées sont déjà vendues au plus offrant. Il paraît que jusque là, tout va bien…

A suivre : "En France aussi nous avons nos spécialistes de l'influence par les Big data : le cas Spalian"

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