Béthune Rétro : des symboles racistes et nazis au milieu du rockabilly...
La mairie reste silencieuse sur cet entrisme de l’extrême droite
Depuis les années 2000, le festival Béthune Rétro est un rendez-vous annuel pour les passionnés de rockabilly. Le concept consiste à faire revivre l’esthétique et l’ambiance des années 1950-1960 à travers la musique, les véhicules anciens et les marchés vintage. L’an dernier, un groupe néonazi avait été exclu à la dernière minute ; cette année, plusieurs symboles fascistes et nazis ont été repérés pendant l’événement.
Le festival a lieu dans le centre-ville de Béthune et se distingue par une programmation musicale gratuite et abondante, incluant plusieurs dizaines de concerts sur trois jours, ainsi que des expositions de véhicules anciens, des concours d’élégance et des marchés de vêtements et d’objets rétro. L’organisation de Béthune Rétro met également l’accent sur la participation active des visiteurs, qui adoptent des costumes d’époque et participent aux différentes animations, contribuant ainsi à une immersion complète dans l’univers du rockabilly.
Le bémol de cet engagement est que l’ambiance rétro semble parfois glisser vers des manifestations plus réactionnaires. Parmi les voitures anciennes à la consommation astronomique, certains participants collent des autocollants « Where is Greta ? », en référence à Greta Thunberg et à sa lutte contre le changement climatique.
D’autres, immergés dans la culture américaine, finissent par assimiler et arborer des codes racistes et suprémacistes blancs, encore largement en vogue dans les milieux d’extrême droite aux États-Unis.
David B., membre du Collectif antifasciste du Bassin minier, explique : « Béthune Rétro est un festival qui a lieu chaque année depuis une vingtaine d’années. Il est centré sur le thème des années 1950 1960 américaines et attire de nombreux groupes de bikers. Dans le passé, le festival a déjà été l’objet de polémiques, notamment lorsqu’un groupe a été annulé en urgence il y a quelques années en raison de publications néo nazies sur leurs réseaux sociaux ».
Cette année, le collectif a été alerté par plusieurs signalements de symboles racistes, dont l’un, repéré à plusieurs reprises durant le festival : le drapeau des États confédérés d’Amérique. Ce drapeau représentait les États du Sud pendant la guerre de Sécession (1861–1865), opposés à l’abolition de l’esclavage défendue par Abraham Lincoln et les États de l’Union.

Dès la fin du conflit, le drapeau a été réinvesti par le Ku Klux Klan, organisation terroriste suprémaciste blanche fondée en 1865, qui en a fait un symbole de lutte contre les droits civiques des Afro-Américains. En France, ce symbole a été récupéré par certains groupuscules identitaires d’extrême droite, notamment les Brizak de Nancy et l’Alvarium Angers, ce dernier dissous par le ministre de l’Intérieur en 2021 pour appels à la haine raciale et violences en réunion. En 2024, à Nice, lors d’un meeting organisé le 6 octobre, Julien Odoul (membre du Rassemblement National) a posé en photo aux côtés d’un militant affichant plusieurs insignes suprémacistes blancs, parmi lesquels figurait le drapeau confédéré.
Des symboles nazis et suprémacistes blancs en vente
Alerté par des visiteurs du festival, photos à l’appui, le Collectif antifasciste du Bassin minier n’est pas très surpris. S elon certains membres du collectif : « ce genre de symboles et d’idées a toujours été présent à Béthune Rétro, depuis quelques années en tout cas, mais plutôt en marge et de manière discrète. »
David B. explique à Reflets : « je trouve choquant que ces symboles soient là, exposés au grand jour et vendus à un événement comme celui-ci, dans l’indifférence générale. Autant je comprends que les symboles les moins connus et les dog whistles passent inaperçus, mais à côté, il y a des insignes clairement xénophobes (têtes de porc, “Si t’es pas content retourne dans ton pays” sur fond de drapeau français, etc.) qui ne laissent aucun doute possible. »
Reflets a pu consulter une série de photos prises pendant le festival. On y voit quelques drapeaux confédérés, mais plus choquant encore — et explicitement antisémite — l’insigne des SS-Totenkopfverbände. Cette division, créée en avril 1936, utilisait la Totenkopf comme symbole pour orner les pattes de col des militaires opérant dans les camps de concentration.
Ce design spécifique aux SS-Totenkopfverbände désignait les unités que l’on sait aujourd’hui responsables de l’extermination des opposants politiques, des homosexuels et, bien entendu, des Juifs lors de la Shoah.

Sur certains stands qui vendaient des écussons et des patchs, on pouvait trouver des symboles nazis, la Totenkopf et des blasons de la 33e division SS « Charlemagne », division d’infanterie de la Waffen-SS pendant la Seconde Guerre mondiale.
Étaient également proposés à la vente des symboles nordiques tels que le vegvisir ou le kolovrat, aujourd’hui très prisés par les néonazis et les suprémacistes blancs, également le logo du Punisher, détourné par l’alt-right américaine, ou encore le blason du groupe néonazi « Roussitch ».
Les références anti-musulmans n’étaient pas absentes non plus : « Je suis Charles Martel », « Protégez-vous, adoptez un porc », « France pur porc », etc. Il s’agissait d’un véritable défilé de symboles d’extrême droite qui n’oubliait évidemment pas le régime de Vichy, donc un patch représentant le drapeau de la Légion française des combattants (LFC), accompagné de la mention « Maîtres chez nous ».
Un ambiance « facho compatible »
Béthune est la ville de Caroline Parmentier , députée du Rassemblement national, qui a publié pendant des années sur les réseaux sociaux des propos racistes, antisémites et homophobes. Élue censée incarner la stratégie de « dédiabolisation » du RN, elle est malgré tout défendue par Marine Le Pen qui, en réponse aux révélations de Mediapart, s’est félicitée d’avoir « arraché » Parmentier à « cette pensée-là », comme si le RN n’avait jamais été construit ni n’était toujours composé de racistes, d’antisémites et d’homophobes.
L’élection de Caroline Parmentier a-t-elle eu une influence négative sur la ville de Béthune ? David B. le croit : « je pense que le contexte politique, notamment après les législatives, avec l’élection de Caroline Parmentier au niveau local et les résultats du RN au niveau national, fait que l’extrême droite ne ressent plus le besoin de se cacher. Ce qu’ils disaient discrètement, ils peuvent désormais l’affirmer au grand jour, et sans que la plupart des gens ne s’en offusquent. La diffusion des idées du RN a clairement normalisé ce type de symbolique dans l’espace public. »
Pas très Rock & Roll...
Making of :
Contactée, la mairie n'a pas souhaité répondre à nos questions.