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par Antoine Champagne - kitetoa

Avec la France, les Five Eyes deviennent les Six Eyes...

Dans son édition du 13 décembre 2017, Intelligence Online révèle que la France va intégrer le groupe des Five Eyes. Du moins officiellement. Parce qu'officieusement, c'est déjà le cas depuis un certain temps.

Dans son édition du 13 décembre 2017, Intelligence Online révèle que la France va intégrer le groupe des Five Eyes. Du moins officiellement. Parce qu'officieusement, c'est déjà le cas depuis un certain temps.

Selon Intelligence Online, qui avait déjà révélé en juin 2016 la signature des accords Spins officialisant la participation française aux Five Eyes, notre pays rejoint l'alliance d'échange de renseignement entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle- Zélande et l'Australie et "certains documents émanant du renseignement US pourraient ainsi être estampillés "Five Eyes+FR"".

Toutefois, selon Intelligence Online, la France recevra beaucoup plus que ce qu'elle donne.

Cela reste à prouver. Il convient de s'interroger sur les raisons qui poussent ce cercle très fermé créé après la deuxième guerre mondiale à s'ouvrir aux frenchies.

Nous l'avions évoqué dans nos colonnes, la Rand Corporation, un think tank américain très proche des milieux militaires et du renseignement aux Etats-Unis avait indiqué en mars 2015 que la France devrait désormais remplacer le Royaume-Uni comme allié privilégié des Etats-Unis au sein des Five Eyes, vu sa contribution :

the time may have come to bring France into the exclusive intelligence-sharing club known as “the Five Eyes,” which includes long-standing U.S. allies Canada, the UK, Australia and New Zealand. The price of membership for France is high because Paris would be expected to give as well as to take. But in light of the strategic convergence between Paris and Washington, both Americans and the French would have much to gain.

Le temps est peut-être venu de faire entrer la France dans le club privilégié de partage d'informations issues du renseignement connu sous le nom de "Five Eyes" qui inclue les alliés de toujours des Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle Zélande. Le prix de la participation de la France est élevé car elle devrait contribuer autant qu'elle bénéficierait de cette entrée. Mais au regard de la convergence stratégique entre Paris et Washington, les Américains comme les Français auraient beaucoup à y gagner.

Et la France donne. Depuis un moment.

On  se souvient de l'affaire des méta-données fournies par la France à la NSA. En 2013, donc, on apprenait au détour des révélations basées sur les documents d'Edward Snowden que la France, sans doute dans le cadre de l'accord "Lustre", avait livré 70 millions de communications aux Etats-Unis. Scandale, articles, la NSA sortait le "Spanous©" : ces communications ne concernaient pas les citoyens français, mais étaient issues d'écoutes sur les terrains d'opérations extérieures. Soit...

Il faut dire que la France est bien mieux placée que les Américains pour écouter ce qui se passe sur le continent Africain. La guerre froide ayant été remplacée par la "guerre contre le terrorisme", cela pose problème à Washington et a certainement pesé dans la décision d'intégrer la France dans un cercle plus restreint.

Cette image issue des premiers documents Snowden montre la faible connectivité des Etats-Unis avec l'Afrique par rapport à l'Europe

En outre, la France a une société qu'elle chérit au plus haut point : Alcatel Subarine Networks. Celle-ci pose les câbles sous-marins qui font transiter toutes ces informations éveillant l'appétit des espions. Contrôler les câbles, c'est contrôler les écoutes. Fleur Pellerin avait d'ailleurs gaffé dans une interview aux Echos en 2013 :

Le savoir-faire d'Alcatel Submarine Networks (ASN) est en effet unique ; il couvre la production, l'installation et la maintenance des câbles sous-marins. C'est une activité stratégique pour connecter l'Outre-Mer et tout le continent africain en haut débit. Il y a aussi un enjeu lié à la cybersurveillance et la sécurité du territoire. Nous sommes favorables à une solution qui maintienne l'intégrité d'ASN et son ancrage national. Je rappelle que d'éventuelles prises de participation seraient de toute façon soumises à une revue du Trésor au titre du décret sur l'investissement étranger en France.

Bref, nous rejoignons officiellement les Five (Six) Eyes mais nous contribuons depuis bien longtemps à l'immense place de marché mondiale des espions ou s'échangent des pétaoctets de données personnelles sur des citoyens qui n'ont rien à se reprocher mais sont scrutés comme de potentiels criminels. Et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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