Apnée : une semaine avant le grand plongeon
Alors ? Détendu ?
A quelques jours du stage de plongée en apnée (en mer) avec Umberto Pelizzari, j’avoue être traversé par des sentiments antagoniques. Il y a l’excitation, l’impatience, la joie de revivre des sensations extrêmes. Mais aussi l’inquiétude. Car on ne peut pas exclure totalement le risque d’accident.
Allongé à la surface de l’eau, ma respiration se calme peu à peu. J’en prends le contrôle. Je ne respire plus par réflexe, mais en le désirant, en prenant conscience de chaque bout d’inspiration et de rejet de l’air. D’une respiration centrée sur les poumons, je passe à une respiration qui alterne respiration thoracique et respiration abdominale. Les bébés respirent en gonflant et vidant leur « ventre ». Pas en gonflant leur torse. Ils sont généralement plus détendus que les adultes.
J’observe le fond sans bien le percevoir. Mes yeux vont et viennent, je suis dans une piscine sans fin. L’eau est cristalline. Mon rythme cardiaque se ralentit. Généralement, au repos, je tourne en dessous des 60 pulsations minutes. Je suis probablement plutôt dans les 55 pulsations désormais. J’entame un canard et me voilà parti vers le fond. Je tente de faire le vide dans mon esprit. Ne penser à rien. Pas évident. Notre cerveau a une vie personnelle et il n’est pas certain que l’on puisse lui imposer le silence et le vide. Les mètres défilent. Dix mètres. Tout va bien. 15 mètres, rien à signaler. Dix-huit mètres : mon corps m’envoie soudain mille milliards de signaux hystériques. « Tu vas mourir, respire ! Respire ! Respire TOUT DE SUITE ! ». Compliqué alors que 18 mètres nous séparent de la surface.
Mon cerveau reprend les commandes : tu as encore plein de temps. La pression te joue un tour et te fait croire que tu n’as plus de réserves. Détends-toi. OK. On continue. Vingt mètres : mon corps n’est toujours pas d’accord. Du tout ! Des spasmes très forts partent du bas ventre pour tenter de provoquer une inspiration. Ça devient compliqué…
Pour comprendre ce qui se passe à cet instant, je vous invite à retenir votre respiration. En dehors de l’eau, ça marche aussi, à peu près de la même manière (moins la panique de savoir que l’on est encore à 20 mètres sous l’eau). Retenez-là jusqu’à ce que vous ne puissiez vraiment plus. Pas jusqu’au moment où vous avez vraiment besoin de respirer. Non. Bien au delà. Jusqu’au moment où vous ne contrôlez plus le fait de retenir votre respiration. Le moment où votre corps prend le dessus sur votre esprit et re-déclenche le mouvement respiratoire contre votre volonté. Voilà. Normalement vous y êtes, votre diaphragme fait de grands bonds dans votre bas ventre et tente de vous imposer une inspiration. Tous vos organes internes font des bonds.
Voilà ce que je ressens en arrivant à 20 mètres. Je peux encore reprendre le dessus avec mon esprit et calmer mon corps. Mais je n’ai jamais tenté d’aller beaucoup plus loin.
Parce que je n’ai jamais recherché à atteindre un « record » personnel (sauf une fois vers vingt ans en mer, seul, à un peu plus de 20 mètres, tiré par un poids abandonné au fond (et relié par une corde à la surface). Également parce que j’ai presque toujours plongé seul ou avec quelques amis (Alex et Igor dont j’ai déjà parlé dans un articles précédent). Mais nous chassions plus que nous ne plongions vers de grandes profondeurs. Et plonger à ces profondeurs sans une équipe pour surveiller, n’est pas une très bonne idée, notamment en cas de syncope.
A quelques jours du grand plongeon, je me demande ce qui va se passer si je descends au-delà de 20 mètres. Les contractions internes, les spasmes vont-il devenir de plus en plus forts ? Le but de mon corps, à partir de 18 mètres est littéralement de déclencher un mouvement de panique interne pour me faire remonter. Que va-t-il tenter au-delà ? Mystère.
Au delà de ce problème physique qui s’applique à tout le monde, il y a ma forme personnelle. Manque d’entraînement, problèmes de santé, âge, tout milite contre. Sauf à se dire qu’il n’y a pas d’âge pour faire des dingueries... on a vu et revu des chasseurs sous-marins avec des cheveux blancs.
Dans quelques jours, je vais faire de la piscine (apnée statique), des sessions de formation technique (« dis-donc Umberto, comment on fait pour lutter contre les spasmes du ventre vers 20 mètres ? ») deux sorties en mer par jour… Il est prévu de descendre en poids constant, c’est à dire à la force des palmes, le long d’un câble, mais aussi en poids variable, avec une gueuse. Je n’ai jamais pratiqué ce dernier type de descente avec un matériel professionnel. Ce sera donc une nouveauté et l’idée m’enchante, évidemment.
Je sais que la barrière des 20 mètres (21 pour être précis) est principalement dans ma tête. De la même manière que pouvait l’être il y a des années celle des 10 ou des 15 mètres. Mais il faut bien l’avouer, je ne suis pas complètement à l’aise avec l’idée de la faire exploser...