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Dossier
par Rédaction

Antisémitisme sur X : bien plus que de simples dérapages

Plongée dans des spaces organisés par un membre français du FMI

Depuis l’achat de Twitter par Elon Musk, la liberté d’expression à l’américaine semble piétiner la loi française. Dans les Spaces d’un certain Philippe Grenier, économiste au Fonds Monétaire International (FMI), une troupe d’antisémites semble finalement avoir trouvé un cadre pour propager leurs idées nauséabondes. Minolo ou John Connor : voici quelques figures d’un réseaux informel profondément anti-juif.

Des "Spaces" aux contenus antisémites, un imagerie nazi. - © Reflets
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Après les massacres du 7 octobre, commis par le Hamas, puis les représailles de l'État hébreux, la polarisation autour du conflit israélo-palestinien atteint un niveau jamais vu. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le monde assiste « en ligne » à un nettoyage ethnique brutal, dont les contours s’apparentent à un génocide « en cours » en Palestine.

L’État israélien, qui rappelle, lorsque sa politique militaire est critiquée, qu’Israël est le foyer des Juifs ayant subi la Shoah, emploie des méthodes belliqueuses dignes de criminels de guerre.

Face à des images qui, malgré tout, sont filtrées par les médias, la violence s’impose sur les écrans du monde. Pendant que certains continuent à soutenir Israël dans l’inacceptable, d’autres utilisent les « Spaces » sur le réseau social X pour raviver la haine du « Juif ».

L’extrême droite, le lobby et les Juifs

@PhilippeGrenier a commencé à attirer l’attention à partir de fin 2023, lorsqu’il organise quelques « Spaces » pour parler de ce qui se passe à Gaza et, bien évidemment, d’Israël. Reflets à pu retracer ses activités sur Internet grâce à son premier pseudonyme utilisé sur la plateforme X et Linkedin. Derrière le pseudonyme actuel, « Philippe Grenier », se trouve Nordine A., économiste, ex-fonctionnaire à la Banque Centrale Européenne et actuellement employé au Fonds Monétaire International.

Pour animer ces « Spaces », Nordine A. alias Philippe Grenier, met en place un processus de manipulation de l’information connu dans la fachosphère française : la réinformation. Soral lui-même a remplacé « réconciliation » par « réinformation », terme forgé par le fasciste Henry de Lesquen, pour en faire le slogan Égalité et Réinformation.

La haine se déverse facilement. Dans ces Spaces sur X, ça parle du « lobby juif » et, quand cela dérape, il faut reformuler et plutôt évoquer le « lobby israélien », « relais israélien », « le lobby » ou tout simplement « Qui ? ». Tout est fait pour entretenir le confusionnisme ambiant. À cela se rajoutent, les « dog whistles visuels » comme l’abat-jour, les gros nez, le - 88, HH, SS, Ziclon - des symboles nazis… Et un langage codé : « sauterelles », « chouifs », « youpin », « serpichouifs », « slchwif », etc.

Pour Reflets, l’historienne Stéphanie Courouble-Share, spécialiste du négationnisme, décrit le terme lobby, qu’il soit qualifié de « sioniste » ou de « juif », comme un mot qui « renvoie immédiatement au concept de complot et à l’idée d’un pouvoir juif, une version des Protocoles des sages de Sion. Dès lors que l’on se focalise sur un lobby prétendument spécifique à une communauté – en l’occurrence, les personnes de confession juive –, on alimente cette vision conspirationniste vis à vis de la communauté juive. ».

Sur le « Qui ? », l’historienne rappelle qu’en « octobre 2021, le tribunal correctionnel de Metz avait tranché. Le « Mais qui ? » brandi par Cassandre Fristot, militante d’extrême droite et ancienne membre du Front national (FN), lors d’une manifestation contre le passe sanitaire, constitue une « provocation publique à la haine raciale. ». Elle avait été condamnée à six mois de prison avec sursis. Le parquet avait requis trois mois.

Copie d’écran de deux profils sur X s’exprimant dans l’audio ci-dessus - Copie d’écran
Copie d’écran de deux profils sur X s’exprimant dans l’audio ci-dessus - Copie d’écran

Le 15 janvier 2024, dans un espace intitulé : « 🔥 La France 🇫🇷 en Déclin : Causes, Conséquences et Solutions ! », Nordine A. a ouvert le sujet en évoquant l’ouvrage « très connu » d’Oswald Spengler, intitulé Le Déclin de l’Occident. Ce livre, ainsi que le concept de « Révolution conservatrice », constitue l’une des matrices idéologiques de l’extrême droite radicale en France. En novembre 2022, des membres du GUD Paris ont créé le Cercle Oswald Spengler, qui fait ouvertement la propagande des milices armées suprémacistes blanches aux USA, mais aussi de milices palestiniennes comme « La Fosse aux lions » et les « Brigades Izz al-Din al-Qassam ».

Copie d’écran du canal Telegram Cercle Oswald Spengler crée par des membres du GUD Paris en novembre 2022. - Copie d’écran
Copie d’écran du canal Telegram Cercle Oswald Spengler crée par des membres du GUD Paris en novembre 2022. - Copie d’écran

Sans surprise, dans l’un de ses premiers Spaces intitulé « Comiques silencieux », il parle de Dieudonné, de SOS Racisme et de « Rire contre le racisme ». Il accuse ce dernier d’être à la merci du « lobby sioniste ». Plus tard, dans un Space en février 2024, où Nordine A. a tenté de comprendre à quel moment ses auditeurs ont pris conscience de l’existence supposée du « lobby », il évoque l’affaire de l’abbé Pierre, accusé (à tord selon les antisémites, NDLR) de négationnisme. La sémantique et le récit utilisés par @PhilippeGrenier sont choisis : il emploie tout le vocabulaire raciste et xénophobe sous forme de « citations », sans jamais expliquer ce qu’il entend par racisme ou xénophobie.

« Cette histoire de racisme entre les Noirs et les Arabes… Moi, j’ai l’impression qu’il suffit d’avoir grandi en France, n’importe où… Déjà, le racisme, il faut le définir, ça veut dire quoi ? Moi, ce que je vois, c’est que c’est souvent les mêmes... qui créent des profils sur Internet, qui insultent, avec des drapeaux algérien... Le racisme, il existe, c’est clair, mais j’ai l’impression qu’il est amplifié par les relais du lobby pro-Israël, qui font ça. » Propos tenus par Philippe Grenier dans un Space en novembre 2023.

De plus, il y a ce que Nordine A. dit directement et, une fois le cadre posé, ce que les intervenants osent exprimer : imprécisions, fake news, approximations et complots qui ciblent à 99 % les « Juifs », les « sionistes » ou les « relais » de l’État d’Israël.

Dans un Space tenu le 9 février 2024, un certain @DilosYog, dont le compte est actuellement suspendu, affirme que le Ku Klux Klan a été fondé par Albert Pike, franc-maçon à la merci des « juifs ». Plusieurs historiens réfutent cette affirmation, et cela rappelle la fameuse théorie du complot du judéo-maçonnique.

« C'est intéressant, de voir aussi, l’intérêt à faire monter l’antisémitisme. Moi, je pense que le producteur industriel de l’antisémitisme, c’est l’État d’Israël. ». Propos tenus par Philippe Grenier dans un Space en novembre 2023.

Ce qui ressort énormément dans les Spaces à travers différents formes d’expression, c’est que les personnes de confession « Juive » ne seraient pas neutres et que, une fois entrés dans le monde du travail et occupant des postes dans différents secteurs, elles feraient du lobbying pro-sioniste. Cela permet de mettre d’un coup, tout les personnes de confession Juive dans un même sac, la stigmatisation est totale.

La stratégie du « Dog-Whistling »

Le dog-whistling repose sur une stratégie de communication caractérisée par une rhétorique et une sémantique dans lesquelles des propos sont délibérément formulés pour être compris et avoir du sens, uniquement, pour ceux et celles qui possèdent un arrière-plan ou des connaissances spécifiques sur un sujet précis.

L'expression provient de l'idée que, tout comme un sifflet pour chiens émet un son audible uniquement pour les chiens, ces messages contiennent des sous-entendus ou des codes xénophobes et racistes perçus uniquement par un groupe ciblé. Cela permet à leurs auteurs de maintenir une façade de respectabilité.

Dans un Space sur X, le dog-whistling prends forme à travers la rhétorique qui s’impose, mais aussi par le biais des photos de profil - symboles, chiffres, logos, etc. - des utilisateurs et des références littéraires qui sont évoquées : Le Printemps des sayanim du négationniste Jacob Cohen, Les Chroniques du sionisme de l’antisémite Youssef Hindi, ou des œuvres de Georges Bernanos. Plus récemment, suite à la censure du compte antisémite @Minolo, une discussion a eu lieu autour du livre Le Mondialisme en archives de Pierre Hillard, une figure de la littérature antisémite française, dont les propos tenus lors d’une conférence ont notamment conduit à la dissolution du mouvement catholique intégriste Civitas, le 4 octobre 2024.

Copie d’écran d'un compte de \@Minolo - Copie d’écran
Copie d’écran d'un compte de \@Minolo - Copie d’écran

À propos de Youssef Hindi, l’historienne Stéphanie Courouble-Share, explique que « le rôle de Hindi est central en ce qui concerne l’établissement de liens entre le conspirationnisme musulman et le mouvement complotiste soralien. » Ces alliances ou convergences ont également pu être observées, poursuit l’historienne, aux États-Unis, « où les néonazis ont affirmé leur soutien à la cause palestinienne. »

L’un des participants réguliers, depuis le début de l’année 2024, aux Spaces de Nordine A. alias @PhilippeGrenier est précisément @Minolo, un internaute très actif sur X qui possède plusieurs comptes, dont certains sont aujourd’hui fermés : @187Cremieux, @Xminolo, @minolochon, @MCremieux, etc. Mitolo, ou Minolo, dans la vraie vie, s’appelle Karim A., un auto-entrepreneur quadragénaire qui habite dans la région parisienne. Il s’agit d’un antisémite décomplexé qui n’hésite pas à utiliser l’imagerie nazie pour illustrer son profil : casquettes nazies, portrait de Goebbels, croix gammées, et autres symboles similaires.

Copie d’écran d’un Space le 2 juin 2022 où la photo de profil de \@Minolo affiche une image identifiable de Goebbels. - Copie d’écran
Copie d’écran d’un Space le 2 juin 2022 où la photo de profil de \@Minolo affiche une image identifiable de Goebbels. - Copie d’écran

De même, @Minolo n’hésite pas à tenir des propos homophobes dans les spaces ou en commentaire tels que : « Comme le Yahvé le payday (pédé, NDLR). » Certains de ceux qui le fréquentent dans les Spaces le qualifient de « menteur compulsif ». Il change souvent de photo de profil ou de compte, mais dans les Spaces, il est toujours reconnu à sa voix.

Reflets a pu obtenir des enregistrements de ces Spaces, qui totalisent des dizaines d’heures. Comme le disent eux-mêmes les organisateurs : « Nous discutons, nous libérons la parole, nous on lit les livres, on lit Wikipédia, des articles », mais tout cela est filtré à travers un biais informationnel et des éléments de langage souvent identifiés dans l’extrême droite la plus antisémite qui existe en France.

Le dog-whistling s'appuie souvent sur des références culturelles pour évoquer des idéologies racistes, sexistes ou anti-LGBT. L'homophobie est désormais un trait présent chez de nombreuses personnes qui s'identifient comme musulmanes et participent à ces espaces, surtout chez celles et ceux qui sont les plus radicaux. @PhilippeGrenier, lui aussi, n’a pas pu s’empêcher, à l'instar de l'extrême droite, d’exprimer des propos considérés par les personnes concernées, comme homophobes et transphobes lorsque des personnes LGBT ont participé à la cérémonie des JO à Paris.

Capture d’écran de posts sur X où \@PhilippeGrenier tient des propos concernant des personnes LGBT ayant participé à la cérémonie des JO à Paris. - Copie d’écran
Capture d’écran de posts sur X où \@PhilippeGrenier tient des propos concernant des personnes LGBT ayant participé à la cérémonie des JO à Paris. - Copie d’écran

@PhilippeGrenier, qui se présente comme une personne d’une grande intelligence et qui privilégie le factuel, manque à de nombreuses reprises d’informer ses auditeurs que certaines propositions de lecture sont issues du milieu littéraire antisémite français.

Comme Jacques Bainville, lecture proposée lors d’un Space : « s’il a un côté un peu romancier, il a écrit un livre qui s’appelle _L’Histoire de France, et même s’il fait partie de ce qu’on appelle l’extrême droite ... enfin l’extrême droite... L’Action française... c’est quand même un auteur qui est lu, assez transversal_. ».

Polarisation et radicalisation

Les Spaces sur X sont devenus des lieux propices à la radicalisation, où des discours haineux et des idéologies extrémistes se normalisent sous couvert de liberté d’expression. Ces espaces offrent une plateforme non modérée où la désinformation, le racisme et l'antisémitisme se diffusent rapidement, renforçant les clivages sociaux.

En cultivant un sentiment d'appartenance autour de ces discours, certains acteurs attirent des individus vulnérables à la manipulation. Cette radicalisation en ligne ne reste pas confinée au virtuel : parfois elle alimente des violences bien réelles dans la société civile, en exacerbant les tensions et en inspirant des actes motivés par la haine.

« Je ne serais pas étonné que, parmi ces "Spaces" ou même d'autres, certaines personnes émergeront comme des personnalités très influentes. » Propos tenus par Philippe Grenier dans un Space en novembre 2023.

X, de son côté, établit un cadre pour une utilisation bienveillante des Spaces, rappelant que tout comportement inadéquat est soumis aux Règles de X, qui renvoient à la loi en vigueur dans les pays où les délits ont été commis.

À ce sujet, Philippe Grenier, insiste régulièrement sur le respect de la loi française chaque fois que les discussions dérapent. Dans un tweet datant du 4 décembre 2024, il écrit : « Organisez vos propres Spaces. Ici, toute personne qui dépasse la loi sera bloquée et dénoncée. ».

Pour comprendre les responsabilités des hôtes et co-hôtes en tant qu’intermédiaires dans la mise en place d'un outil d'information et de discussion sur X, Reflets a contacté l'avocat Olivier Iteanu, spécialiste du droit numérique.

Selon lui, la législation applicable est celle du droit de la presse (Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, NDLR), « car il s'agit bien d'un cadre de communication publique. Un Space n'est pas un espace privé ; il se déroule dans un espace public et permet l'expression de tous. »

Interrogé sur les propos à caractère raciste, homophobe, mais aussi sur la diffamation, les injures, etc., l'avocat poursuit : « Qu'il s'agisse des hôtes, co-hôtes ou intervenants, tous et toutes sont soumis à cette même législation française en vigueur. »

Reflets a également pu identifier, via les @, Monsieur Wael M., alias @Flaco sur X, président d’une SAS dans le domaine des transports. Celui-ci a tenu à plusieurs reprises des propos ouvertement antisémites, comme on peut l’entendre dans le Space publié ci-dessus.

Il est important de comprendre que des milliers d’auditeurs et d’auditrices ont accordé du temps à ces Spaces, qui, quasi systématiquement, se concentrent sur des personnes de confession juive ou pro-sionistes. Sans minimiser le pouvoir et l’influence d’institutions juives telles que le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF), l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), l’Organisation Juive Européenne (OJE), ou d’autres acteurs non-juifs sur la politique française et européenne, la perception d’un complot absolu est erronée et déformée de la réalité.

Pour décrypter ce phénomène de radicalisation lié à l’influence israélienne en France, le journaliste et essayiste Dominique Vidal, interviewé par Reflets, commence par réaffirmer les propos qu’il avait tenus en 2004 dans Le Monde diplomatique : « Le "lobby juif", jusqu’à présent, en France, seule l’extrême droite utilisait cette expression qui, en deux mots, résume tous les fantasmes antisémites : la finance juive, les médias juifs, le pouvoir juif, bref une version modernisée des Protocoles des Sages de Sion. » Puis, poursuit-il, « une partie du problème réside dans le fait que ces institutions juives, en général pro-sionistes, perçues par les Français comme représentant "les Juifs de France", défendent inconditionnellement la politique de l’État d’Israël ».

Pour Dominique Vidal, « Tous les Juifs ne sont pas pro-sionistes. L’assimilation des Juifs à l’État d’Israël, mitraillée dans les médias par ces acteurs juifs et non-juifs, aboutit à une mécanique multi-versatile. Dans un contexte de guerre totale à Gaza, cette assimilation contribue indirectement à la montée de l’antisémitisme ordinaire, surtout chez les jeunes issus de l’immigration, où leur colère, qui est dirigée envers Israël, finit par se démultiplier en racisme envers les Français de confession juive qui, sans leur accord, se voient attribuer une prise de position politique qui ne leur appartient pas. Le mouvement Not In My Name, pendant la deuxième Intifada, a voulu mettre cela sur la table. »

Actuellement, nous explique le journaliste, quelques-uns de ses confrères ont littéralement arrêté de travailler sur la politique israélienne, car ils ont subi trop de pressions. Faits corroborés également par le collectif AJAR.

De facto, ces Spaces démontrent que certains acteurs pro-palestiniens radicalisés cherchent à tout prix à polariser le débat, et vont à leur tour profiter de cette « assimilation » pour faire monter, eux aussi, l’antisémitisme. En novembre 2023, un auditeur, suite à des questionnements sur la position politique d’Eric Zemmour, a incité les participants à s'interroger sur la « vraie raison » derrière l'immigration en Europe, en insinuant « Qui » en serait responsable. Bien évidemment, il est question du « grand remplacement », une théorie forgée dans les années 40/50 par d'anciens SS, selon laquelle les « Juifs » seraient à l’origine du métissage en Europe pour anéantir la race blanche. À aucun moment Philippe Grenier n’est intervenu pour questionner ou dénoncer ce complot antisémite.

Dans un Space en 2023, un certain KANAN, qui est en réalité Balagan (aujourd’hui connu sous le pseudo @Panzer), a raconté son histoire : il voulait « brûler » son camarade de classe parce qu’il était juif. @JohnConnor lui répond : « T’as attendu la 4ème (…), moi la 6ème direct, d’entrée, antisémitisme décomplexé direct. »

Libération, dans un article publié en mai 2024 et titré « Plongée dans ces "Spaces" sur X où s’expriment au quotidien racisme, antisémitisme et islamophobie, sur le ton de la blague », avaient déjà identifié ce @Balagan comme ayant un profil ouvertement négrophobe et antisémite.

Camille, qui suit depuis longtemps ce groupe, a accepté avec beaucoup de réticences, car « ces personnes sont dangereuses », de témoigner pour Reflets : « @Minolo et @Balagan (@Panzer) ont une relation particulière, ils se connaissent dans le réel et à l’époque ils faisaient des Spaces dits "lectures" où ils lisaient des pamphlets antisémites, des passages de Talmud détournés pour dire par exemple que les Juifs se marient avec des enfants de plus de 3 ans et 1 jour. Ils sont clairement homophobes également, n’aiment pas les Noirs, bref ils véhiculent énormément de haine sur les Spaces, et ceci depuis trois ans. »

Dans un Space tenu par @ChouifSlayer (tueur de Juifs, NDLR), un certain ami de @Minolo, @JohnConnor, tient, à la fin de ce Space, des propos d’une violence extraordinaire : « À mort les Juifs », répète-t-il deux fois.

Ce personnage, @JohnConnor, s’appelle Walid K., ex-auto-entrepreneur dans la région parisienne, a participé à des Spaces même lorsqu’il était incarcéré, et est l’une des personnes les plus négrophobes, homophobes, antisémites et violentes gravitant dans ce réseau. En juillet 2023, il se moquait de la mort de Samuel Paty dans un Space, tout en rigolant.

Copie d’écran d’un Space animé par \@JohnConnor, avec \@PhilippeGrenier et \@Minolo comme co-hôtes le 15 novembre 2024. Photo de profil de \@JohnConnor et l’un de ses posts.
Copie d’écran d’un Space animé par \@JohnConnor, avec \@PhilippeGrenier et \@Minolo comme co-hôtes le 15 novembre 2024. Photo de profil de \@JohnConnor et l’un de ses posts.

Début 2024, @JohnConnor participe à un Space animé par @PhilippeGrenier, où il se présente sous le pseudonyme de @JohnSoral. Depuis, les Spaces réunissant @Minolo, @PhilippeGrenier et @JohnConnor sont devenus réguliers.

Une utilisatrice de X, Louise, qui a été victime de harcèlement par ce groupe informel (hors @PhilippeGrenier) , explique à Reflets qu’ils sont des partisans de Soral. « Ils travaillaient en meute sur les Spaces et leur discours est calqué sur ceux de Soral, Bassem, etc. »

Le cyberharcèlement comme mode d’action

Le samedi 30 novembre, notre journaliste Ricardo Parreira, après avoir contacté plusieurs associations luttant contre l’antisémitisme en France, publie un message d’alerte sur la plateforme X pour informer les utilisateurs des contenus à caractère antisémite diffusés dans les Spaces animés par Nordine A, alias Philippe Grenier et Karim A. alias @Minolo.

Suite à la publication du post, un déferlement d’injures et d’attaques à l’encontre du journaliste s’ensuit.

Le lendemain, dimanche 1er décembre, plusieurs heures de Spaces sont organisées dans lesquels il est pris pour cible. De nombreuses personnes le dénigrent, l’insultent, l’injurient et certains, plus à l’aise, le qualifient de « juif sioniste », de « journalope au service des Juifs et de la Hasbara », ou encore de « journaleux faf juif collabo », pour finir avec la question « Par Qui est-il financé ? ».

Copie d’écran d’un Space tenue par \@PilippeGrenier et \@Minolo. - Copie d’écran
Copie d’écran d’un Space tenue par \@PilippeGrenier et \@Minolo. - Copie d’écran

Sans que notre journaliste soit au courant, son compte X a été usurpé par Monsieur Wael M., alias @Flako, qui, depuis mai 2024, entretenait un faux compte en se faisant passer pour Ricardo Parreira. Cela confirme que notre journaliste était dans le viseur de ce groupe bien avant la publication du post du 30 novembre 2024.

Copie d’écran du compte usurpé de Ricardo Parreira, tenue par \@Flako. - Copie d’écran
Copie d’écran du compte usurpé de Ricardo Parreira, tenue par \@Flako. - Copie d’écran

Son premier post illustre bien le caractère et le but de cette usurpation d’identité : monter les uns contre les autres. Dans le post, @Flako affirme que c’est @dahk2779, un compte pro-palestinien, qui aurait insulté Ricardo Parreira en le traitant de « sale Juif », tout en taguant la Police nationale, Tsahal et la LICRA.

Un autre membre de ce groupe informel, @Sulax, Valentin W., participe à cette vague de harcèlement qui s’abat sur le journaliste. Lors d’un Space tenu le 1er décembre 2024, après avoir confirmé que M. Parreira écoutait anonymement le Space, il tient ces propos à son égard : « Si je veux dire que ta mère est une pute, je peux », « Et si je veux dire que les chambres à gaz n'ont jamais existé, je le peux aussi. »

Reflets a pu recueillir plusieurs témoignages corroborant que ce genre d’usurpations, de harcèlement et de violences sexistes est fréquent et cible surtout des femmes.

Victoria, une internaute sur X nous raconte : « Ils traquent les gens, volent leur photo de profil et l'utilisent dans des Spaces, débarquent en groupe pour vous humilier publiquement, vous insultent et vous menacent en prétendant qu'ils ne vont pas vous lâcher... Qu'ils vont vous retrouver... »

Louise, une militante féministe, raconte qu’elle avait osé dénoncer leur négrophobie, homophobie et antisémitisme il y a quelques années : « Ils m'ont traquée, volé ma photo de profil pour l'utiliser dans les Spaces, et ont débarqué en groupe pour m'humilier publiquement avec des insultes comme pute à..., salope, suceuse de.... »

De même pour Samara, qui se présente dans les Spaces comme une femme féministe d’origine arabe : elle a été traitée de sioniste ou d’agent infiltré du Mossad : « J'ai été victime de @JohnConnor et de @Resilient pendant des mois. La technique est toujours la même : viser les femmes, et d'autant plus si elles sont de gauche. Une campagne de dénigrement a été lancée avec des insultes comme pute, salope, et des attaques sur ma voix et mon physique. »

Beaucoup de questions se posent sur l’utilisation de la plateforme X, qui peine à évincer le contenu haineux. Le Digital Services Act (DSA), visant à responsabiliser les plateformes face au contenu haineux en ligne est désormais en vigueur.

Néanmoins, plusieurs affaires, comme le retour de comptes antisémites et néonazis ou l’utilisation de la plateforme pour soutenir Donald Trump par Elon Musk, montrent que X cherche à polariser et à fasciser davantage les esprits, coûte que coûte.

Pour l’instant, les minorités de genre, de confession ou d’ethnie peuvent s’appuyer sur PHAROS pour faire effacer certains contenus. Cependant, le reste repose sur le droit français, qui est soit mal utilisé, soit complètement dépassé.

Enfin, la question se pose : les personnes qui soutiennent la cause palestinienne depuis des années, qui endurent des critiques sévères, des accusations infondées et de la répression dans l’exercice de leurs libertés, peuvent-elles s'associer par leur présence ou laisser des animateurs de Spaces antisémites nuire à la lutte pour la paix et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien ?

Making Of

Nous avons interrogé les personnes citées dans notre article. Voici les questions et leurs réponses telles que nous les avons reçues :

Sulax :

  • Lors d’un Space tenu le 1er décembre 2024, après avoir confirmé que M. Parreira écoutait anonymement le Space, il tient ces propos à son égard : « Si je veux dire que ta mère est une pute, je peux », « Et si je veux dire que les chambres à gaz n'ont jamais existé, je le peux aussi. » Il s'agit de propos négationnistes qui sont réprimés par la loi en Belgique où vous résidez. Qu'en pensez-vous ?

  • « Ma phrase sur les chambres à gaz a été détourner de son contexte je parlais du fait que l’histoire étais peut être trop romancée et qu’il ne fallait pas prendre pour compte tout ce que les vainqueurs de la deuxième eme guerre mondial avais raconter, qu’il étais important de réfléchir et d’en parler, d’ailleurs avant cette phrase je parlais du fait qu’il étais important de défendre la liberté d’expression, et qu’il n’étais pas normal que le négationnisme ne s’appliquais que sur une seul et même partie de l’histoire. Je suis jeune, ce sujet n’est pas celui que je maîtrise le mieux et je me suis peut être mal exprimé.  »

Minolo :

  • Bonjour Monsieur, Dans le cadre d’un article que nous allons publier, nous souhaitons vous poser des questions afin de vous permettre d’exprimer votre point de vue. Notre deadline est vendredi 20 décembre à 14h. Dans un space de Reflets a pu récupérer, vous tenez des propos concernant les « juifs » qui relèvent de l'antisémitisme, êtes vous au courant qu’en droit français, l'incitation à la haine en raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est une infraction pénale ? Pourquoi tenez-vous des propos homophobes ou negrophobes ? Pourquoi faites-vous l'apologie du nazisme dans ces spaces ?

  • « Bonjour je pense que vous vous trompez de personne on vous a induit en erreur pour preuve mon dernier Space où je suis cohote et dans lequel je dénonce l’homophobie l’antisémitisme et le racisme. Merci à vous de prendre en compte ma position sur Twitter »

Philippe Grenier

Contacté sur ses mails et son numéro de portable, Nordine A. n'a pas donné suite

JohnConnor

Contacté via Txitter (devenu X), Walid K. n'a pas donné suite.

Flako

Contacté via Txitter (de"venu X), Wael M. n'a pas donné suite.

Certains ont bombardé la rédaction de liens vers des Spaces organisés par des soutiens d'Israël pour montrer que ces derniers commettent également des délits. Personne ne conteste cela. Toutefois, cela démontre qu'ils ont une piètre connaissance de la manière dont fonctionnent les tribunaux. Tenter de mettre en avant les méfaits d'un autre en espérant que les siens seront jugés moins sévèrement est une piètre défense qui aboutira à une condamnation certaine.

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