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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Altice : voir plus loin

Un système qui permet la naissance de monstres

Les commentaires dans notre fil Twitter le montrent : les sommes d’argent évoquées choquent. Or Patrick Drahi n’est qu’un milliardaire parmi d’autres. Ce qu’il faut interroger, ce n’est pas cet homme mais ce qui a permis la naissance de monstres tels qu’Altice.

La corne d'abondance... Une vieille histoire

Patrick Drahi est milliardaire et vit sur un très grand pied. Grand bien lui fasse. Reflets.info n’a évidemment rien contre lui ou son groupe industriel. Nous aurions aussi bien pu écrire sur le groupe Bolloré, celui d’Elon Musk, sur Total, Google ou Facebook… La liste des méga corporations produisant des méga profits qui permettent à des hommes et des femmes de vivre comme des rois de l’Antiquité est très longue. Parfois ce sont des sociétés dont le grand public n’a même jamais entendu parler. Patrick Drahi n’est qu’un exemple parmi d’autres et les documents publiés par le groupe Hive sont justement d’intérêt général en ce qu’ils donnent à voir, avec une précision chirurgicale jamais dévoilée auparavant, comment ces dirigeants de conglomérats vivent et comment ils parviennent à ce niveau de richesse. Ce que l’on doit interroger, ce n’est pas tant cette richesse (et encore, à partir de combien de milliards le surplus devient- il inutile et obscène au regard de la misère du monde) mais bien : quels mécanismes l’ont permis et qui les a mis en place ?

L’accélération a commencé dans les années 80 avec le processus mondial de libéralisation financière et notamment celle des marchés financiers. Il existe donc des lois qui ont permis, au fil des dernières décennies, le développement de telles sociétés, très endettées sur les marchés financiers, jonglant avec la législation fiscale, aidées par des cabinets d’avocats spécialisés. Il s'agit d'un jeu à somme nulle. L’argent ne tombe pas du ciel. Il y en a à profusion, mais il suit des circuits dans lesquels certains tuyaux sont plus larges que d’autres. Le ruissellement suit un mouvement inverse à celui présenté par les tenants de cette théorie loufoque. Dans un monde où certains États ont une fiscalité très accommodante, ce qui n’est pas payé par les entreprises en impôts d’un montant normal, ne bénéficiera jamais à la communauté des humains. Certaines des lois votées depuis plus de quarante ans par des politiques élus par leurs peuples, servent en fait à enrichir des entreprises et par rebond leurs propriétaires et actionnaires, au détriment des citoyens qui ont élu ces politiques. Quelque chose dysfonctionne. Plus cocasse encore : ces textes ont été votés, en France en tout cas, par la droite ET par la gauche.

Comment des banques peuvent-elles se financer à un taux proche de zéro auprès de banques centrales, prêter ensuite des sommes en milliards à des entreprises privées permettant à la fois un enrichissement des actionnaires et des dirigeants des banques, mais aussi celui de milliardaires qui n’en ont plus besoin depuis longtemps ? Est-ce éthique ? La question est sociétale. Dans le même temps l’accès au crédit pour les moins aisés se complexifie. La financement de l’économie réelle devient de plus en plus compliqué. En clair, moins on a de l’argent, moins il est simple d’en fabriquer… Les autorités arrivent même à grignoter la rentabilité des petits épargnants avant de s’attaquer aux niches fiscales ou d’envisager l'incongruité de l'idée que des institutions financières puissent prêter à 3 ou 4 % des sommes qu’elles se procurent gratuitement (ou presque) auprès des banques centrales.

Ainsi, la cour des comptes s’offusque une nouvelle fois de la rentabilité des petits PEL (plan épargne logement) acquis avant 2011. On peut légitiment douter que cette épargne-là soit la raison de tous les maux actuels. La fin de l'abondance, on vous dit !

Les retours de balancier sont souvent dangereux. D’un excès, on tombe vite dans son inverse. Au sortir du 19ème siècle et des pratiques ignobles d’une partie du patronat de l’époque, est née aussi l’URSS avec son cortège d’abominations. Il n’y a probablement pas de système sociétal parfait mais il doit bien exister un entre-deux. Un entre-deux dans lequel quelques milliards de plus, inutiles pour les ultra-riches et les entreprises, pourraient être utiles à la lutte contre le dérèglement climatique, la pauvreté, la faim dans le monde, les régimes dictatoriaux… La liste des actions qu’il faudrait mener pour réparer et faire Humanité est longue. En attendant, ce n’est certainement pas avec l’offre des politiques actuels que nous allons sortir de cette impasse.

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