Allez, pu-putsch panier, pa-pattes en rond !

Après les tribunes des militaires dans Valeurs actuelles

L'armée française, une armée de putschistes ? Plutôt l'agitation d'un quarteron de généraux en charentaises et d'une poignée de courageux militaires d'active anonymes. Mais comme le coup de pression de policiers devant l'Assemblée Nationale, ces tribunes traduisent surtout le climat nauséabond du moment avant les présidentielles.

Rien de moins qu'un appel voilé à un putsch de leurs « camarades d'active » pour la défense « de nos valeurs civilisationnelles » et « la sauvegarde de nos compatriotes ». Cette tribune d'une vingtaine de généraux et de militaires essentiellement de seconde section (retraités) le 21 avril publiée dans Valeurs Actuelles a fait couler beaucoup d’encre et de salive. D'autant plus qu'elle a été suivie d'une seconde le 11 mai, cette fois de miliaires courageusement anonymes. Eh oui, il n'y a pas que Mediapart qui sait feuilletonner, il y a aussi l'extrême droite. Surtout qu'ils ont porte-ouvertes sur CNews.

« Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national », écrivaient mes militaires en charentaises. Immédiatement, comme dans une pièce de théâtre, Marine Le Pen les appelait à les rejoindre pour « pour prendre part à la bataille qui s’ouvre, certes politique et pacifique, mais avant tout la bataille de la France ». Le général François Lecointre, chef d’état-major des Armées s’est dit « révulsé » par l’appel à l’armée d’active et a promis des sanctions.

Rebelote cette fois avec des militaires en service actif anonyme. « Afghanistan, Mali, Centrafrique ou ailleurs, un certain nombre d’entre nous ont connu le feu ennemi. Certains y ont laissé des camarades. Ils ont offert leur peau pour détruire l’islamisme auquel vous faites des concessions sur notre sol. (…) Presque tous, nous avons connu l’opération Sentinelle. Nous y avons vu de nos yeux les banlieues abandonnées, les accommodements avec la délinquance. Nous avons subi les tentatives d’instrumentalisation de plusieurs communautés religieuses, pour qui la France ne signifie rien -rien qu’un objet de sarcasmes, de mépris voire de haine. (…) Oui, si une guerre civile éclate, l’armée maintiendra l’ordre sur son propre sol, parce qu’on le lui demandera. C’est même la définition de la guerre civile. Personne ne peut vouloir une situation aussi terrible, nos aînés pas plus que nous, mais oui, de nouveau, la guerre civile couve en France et vous le savez parfaitement. »

Vous savez..., la rengaine : « Ils sont là, ils sont partout, dans nos villes, dans nos villages... »

Ces textes nauséabonds sont-ils représentatif de l’armée française ? Il y a toujours eu un courant réac chez les militaires. Certains ont d’ailleurs des connexions avec les intégristes catholiques. Un ancien élève d’un collège intégriste racontait qu’un officier ami d’un prêtre intégriste avait ramené quelques véhicules et des hommes pour faire le show dans son école. Au cours d’un reportage sur la frégate Jean-Bart, nous avions pu constater que Valeurs Actuelles, trônait en bonne place dans le carré des officiers. L’armée, c’est par définition l’ordre, la discipline, des valeurs, des traditions… On y trouve aussi des fans des armes. Quoi d’étonnant que beaucoup votent à droite et penchent même à l’extrême droite.

Au plus fort du mouvement des Gilets Jaunes, une source militaire raconte que le Président Macron a sondé le ministère de la Défense pour utiliser l’armée pour réprimer le mouvement. « On lui a fait passer le message que ce n’était pas une bonne idée car c’était leur famille qu’ils allaient retrouver sur les ronds-points... ». Certains courants Gilets Jaunes étaient très très à droite et on trouvait effectivement parmi eux d’anciens militaires et des familles de militaires. Mais y a-t-il pour autant un risque de soulèvement de « militaires factieux » pour reprendre l’expression de Jean-Luc Mélenchon ?

S’il y a effectivement un climat propice à ce genre de tribune, avec la médiatisation à outrance de faits divers, le jeu trouble du gouvernement avec l’islam ou les propos d’extrême-droite décomplexés relayés dans certains médias, imaginer un passage des mots aux actes semble très difficile, même si on enregistre d’autres signaux inquiétants. En janvier, une dizaine de personnes, dont des militaires d’active et retraités, ont été mis en examen pour trafic d’armes. Une partie était destinée à des trafiquants de drogue de Seine-Saint-Denis, une autre à la mouvance de l'ultradroite. Comme quoi, c'était plus le business qui les intéressait qu'une démarche idéologique...

La DRSD, le service de renseignement interne des armées, s’inquiète effectivement de ce climat et surveille ces liens entre groupuscules d'extrême-droite et militaires. Mais ce rêve d’un grand soir réac et d’un putsch relève surtout d’un délire de salon de quelques officiers. « L’armée est républicaine, assure un haut gradé. Il n’y a pas grand monde qui suivrait ces gars-là, même parmi ceux qui partagent certaines analyses de leur tribune, même parmi ceux qui votent Le Pen. » Malheureusement, ils seraient nombreux... Au moins 44% des policiers et militaires envisagent déjà de voter pour Marine Le Pen au premier tour, selon un sondage Ipsos pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Et ils seraient au 60% à voter RN au second tour dans l'hypothèse d'un duel avec Emmanuel Macron.

C'est sans doute ça le plus dangereux. Aux nostalgiques de Pétain et Pinochet, on peut dire : « Allez, pu-putsch panier, pa-pattes en rond !»