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Dossier
par Jacques Duplessy

A la recherche du traitement contre le Covid-19

Dans le monde entier, de très nombreux essais sont réalisés.

Différentes molécules sont en cours d'essai pour soigner les malades du Coronavirus. Mais aucun retour significatif n’est encore disponible.

Au front, sans armes... - © Reflets

Sur le site clinicaltrial.gov, environ 300 essais autour du Covid sont déclarés dans le monde entier. « Même si certains sont des tests de nouveaux matériels, des respirateurs par exemple, ça fait beaucoup d’essais de médicaments, explique le Dr Jean-Louis Thomas. Et ce ne sont que ceux qui sont déclarés. Après quand on regarde la méthodologie, certains essais ont des méthodes un peu folklorique, tous ne sont pas forcément réalisés dans les règles de l’art. Mais l'effort de recherche est très important. »

« La seule façon efficace de se sortir de l’épidémie est d’avoir un vaccin, affirme le Pr Alain Astier, chef du service de pharmacie à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil. La prévention est toujours mieux que le traitement. »

« Il y a beaucoup d’essais, mais il faut savoir qu’on ne traite pas de la même manière, suivant les stades de la maladie, poursuit le professeur Astier. Au début, on peut chercher à détruire le virus, à empêcher sa réplication avec des anti-viraux. Quand les malades sont en réanimation, on traite l’état inflammatoire qui est très violent, la pneumonie et les insuffisances provoquées par la maladie, comme des insuffisances rénales ou hépatiques. Le virus n’est plus le premier problème. Concernant les recherches de traitement en cours, il y a deux stratégies complémentaires : trouver un nouveau médicament ou repositionner une molécule existante pour voir si elle agit sur le virus. Évidemment, beaucoup de laboratoires pharmaceutiques poussent vers la première stratégie, même si c’est long, car ce nouveau médicament serait une pompe à fric formidable. Tout le monde voudrait l’acheter. » Les premiers résultats intermédiaires de l’essai européen Discovery devraient tomber dans les jours qui viennent.

Les molécules en cours d’essai clinique

L’hydroxychloroquine

Plus de 50 essais sont menés actuellement à travers le monde sur ce produit. Les essais européen Discovery et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Solidarity testent cette molécule.

Dans certains essais, elle est associée à un antibiotique, l'azithromycine en suivant le protocole proposé par le Pr Raoult : 600 mg/j pendant 10 jours d’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine pendant 5 jours (500 mg le premier jour et 250 mg les 4 jours suivants).

Les Hôpitaux de Paris viennent de démarrer un essai sur des soignants en contact direct avec des patients Covid-19 pour voir si la prise d’hydroxychloroquine ou l’azithromycine réduit les risques de contamination des personnels. Au total, 900 participants vont être recrutés au cours d'une période d'inclusion de 30 jours, avec 300 personnes dans chaque bras. L'étude comprend un bras hydroxychloroquine, un bras azithromycine et un bras placebo. Les participants vont être suivis pendant 40 jours.

Mais des effets secondaires potentiellement graves au niveau cardiaque, notamment, sont un frein. « C’est une molécule que l’on connaît très bien, explique le Dr Thomas. Avec une surveillance cardiaque, c’est-à-dire un électro-cardiogramme avant et à J2 après la prise du traitement, il n’y a pas de problème. Si l’électro-cardiogramme n’est pas bon, on peut arrêter le traitement et il y a un retour rapide à la normale. Enfin à l’étranger, il y a eu des essais avec un surdosage d’hydroxychloroquine, d’où un nombre d’effets secondaires plus importants constaté. »

Mais il est difficile d’y voir clair sur l’efficacité de ce traitement. Sur le site de pré-publication medRixv, les médecins de l'hôpital de Guanghzou ont décrit les résultats d'une étude randomisées portant sur 62 patients (31 patients sous hydroxychloroquine, 400 mg par jour pendant 5 jours et 31 autres bénéficiant de la prise en charge classique). La durée des symptômes étaient significativement plus courte dans le groupe sous hydroxychloroquine. Par ailleurs, 80,6 %, des patients sous hydroxychloroquine ont vu leur pneumonie se réduire au cours des 5 premiers jours de suivi, contre 54,8 % des patients du groupe contrôle. Sauf qu’une étude de l’université du Zhejiang portant sur 30 patients avec un groupe témoin dit le contraire… Qui dit vrai ? On devrait y voir plus clair avant la fin mai.

L'azithromycine

Trois médecins du Grand-Est ont donné à tous leurs patients cet antibiotique connu aussi pour sont activité anti-inflammatoire. « Depuis quelques semaines, nous avons tous les trois prescrit ce traitement à tous nos patients atteints du coronavirus, raconte Denis Gastaldi, médecin à Morhange en Moselle, au Parisien. Pour ma part, cela représente plus de 200 patients. J'ai eu seulement deux cas graves nécessitant une hospitalisation et qui sont sortis depuis. Évidemment, ce n'est pas une étude multicentrique et randomisée, mais ce sont des résultats très intéressants. Si on se fie aux données connues sur la maladie, sur, au minimum, 200 cas, on aurait dû avoir au moins deux décès et une quarantaine d'hospitalisations. »

« Ça semble intéressant, commente le Pr Astier. Peut-être que c’est cette molécule qui marche dans le protocole Raoult… Il faut creuser cette piste. l’avantage est que c’est un médicament bien connu et pas cher. »

L’ivermectine

Des chercheurs australiens ont testé l'ivermectine dans un essai in vitro. Le médicament aurait permis de réduire la charge virale de 99,98 %. Ces résultats ont été obtenus par des chercheurs de la Monash University de Melbourne, et publiés dans la revue scientifique Antiviral research, le 3 avril. « Cet essai australien est intéressant, mais il faut rester prudent et voir si cela va avoir le même effet in vivo chez les malades », explique le Pr Astier.

Le Lopinavir associé au Ritonavir (nom commercial Kaletra)

Des données d’activité pharmacodynamique suggèrent une activité contre le SARS-CoV-2, selon l’Agence du médicament (ANSM). Un essai clinique conduit en Chine avec ce médicament n’a pu montrer que des tendances sans données conclusives sur son efficacité dans la maladie COVID-19, écrit l’Agence. Sur la base des données disponibles, la dose de Lopinavir / Ritonavir retenue est la même que celle du traitement de l’infection à VIH à savoir chez l’adulte : 2 comprimés 200/50 mg deux fois par jour pendant 10 à 14 jours. Mais une étude chinoise publiée le 18 mars portant sur 199 patients atteints du Covid-19 n’a observé aucun bénéfice à utiliser cette combinaison en comparaison d’un traitement symptomatique de la maladie. « A Henri-Mondor, on l’a aussi mis en place chez certains patients, on n’y voit pas encore très clair, mais il ne semble pas que cela fonctionne, détaille le Pr Astier. Je pense qu’on l’administre trop tardivement, à des patients déjà en réanimation ou qui vont y entrer. Il faut tester les antiviraux au début de la maladie quand combattre le virus est essentiel pour prévenir l’aggravation. » Là encore, les études (dont l'essai Discovery) sur des groupes plus importants de malades permettront de faire la lumière dans les prochaines semaines.

Le Remdesivir

Cet antiviral, développé au départ pour la lutte contre le virus Ebola, est testé dans le cadre de l’essai Discovery. C’est une molécule qui n’est pas encore commercialisée et est en cours de développement.

Utilisé en usage compassionnel aux États-Unis, en Europe, au Canada et au Japon chez des patients atteints de formes sévères de COVID-19, elle a aboutit à des résultats plutôt positifs : une amélioration clinique est observée chez 36 des 53 patients (soit 68%).

Au départ, 30 patients (57%) recevaient une ventilation mécanique et 4 (8%) une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO). Au cours du suivi médian de 18 jours, • chez 36 patients (68%) le soutien respiratoire mécanique ou en oxygène a pu être allégé ; • 17 des 30 patients (57%) bénéficiant d'une ventilation mécanique ont été extubés ; • 25 patients (47%) ont pu sortir de l’hôpital ; • 7 patients (13%) sont décédés Cette analyse préliminaire présentée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) semble encourageante mais devra être validée par des essais cliniques plus larges.

Le Favipavir (nom commercial Avigan)

Cet antiviral produit par un laboratoire japonais est actuellement testé. Un essai sur un petit nombre de patients en Chine aurait montré une certaine efficacité, mais les autorités japonaises restent très prudentes. Le Premier ministre japonais a annoncé qu’il offrirait le traitement aux pays touchés. Une trentaine de pays a manifesté un intérêt à importer de grande quantité d’Avigan, mais la liste n’a pas été rendue publique.

L’interféron beta

C’est une molécule qui limite les effets de l’infection virale par une action anti-inflammatoire. L’interféron est donné en complément d’autres médicaments. Dans l’essai Discovery est donné l’association Lopinavir / Ritonavir et interféron beta

La sérothérapie

Il s’agit d’injecter du sérum tiré du plasma de patients convalescents du Covid-19, c’est à dire de donner des anticorps à un autre malade. Cette manière de combattre une maladie est bien connue. Cette méthode était utilisée dès le début du 20ème siècle avec de bons résultats pour soigner le tétanos avant que la vaccination ne deviennent obligatoire, et elle sert encore occasionnellement pour des malades.

Un essai chinois sur cinq patients en réanimation atteint du Covid-19 a donné de bons résultats. L’étude a été publiée dans la revue médicale Jama le 28 mars. « Tous les patients ont guéri. Même si c’est une bien trop petite série pour en tirer des conclusions, c’est encourageant », estime le Dr Thomas. « Je suis circonspect, déclare le Pr Astier. C’est un virus qui donne peu d’anticorps, on va les trouver où ? Cette méthode ne permettra pas de soigner la masse des patients. Sauf si on arrive, comme pour le cas du tétanos, à faire produire les anticorps par des animaux. Je pense aussi, comme pour le tétanos, que c’est efficace au début de la maladie. Si elle est à un stade trop avancé, ça ne marchera pas. Enfin, les anticorps sont des grosses molécules qui ne peuvent pas aller partout dans l’organisme. Le problème est qu’il existe dans le corps des réservoirs profonds de virus. On connaît bien le problème avec le virus du Sida. »

La France, l’Italie, le Mexique entre autre ont lancé un essai clinique avec cette méthode.

L’injection d’extrait de cordon ombilical

L’objectif est de donner des cellules immunitaires pour lutter contre l’orage immunitaire et calmer les infections aiguës du poumon, cause importante de mortalité. Un essai a été lancé dans l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière _ « L’idée, c’est que ces cellules vont être utilisées pour pondérer cet excès d’inflammation qui a lieu pendant les premières heures et les premiers jours du développement de la maladie. Elles auront un rôle de contrôleur », a expliqué sur France Info Antoine Monsel, médecin anesthésiste réanimateur.

Les anticorps monoclonaux

Ils permettent de lutter contre l’orage immunitaire dans la phase inflammatoire tardive de la maladie. Le mécanisme est détaillé ici dans cet intéressant article de l’Inserm : Vers des anticorps thérapeutiques contre le Covid-19.

Plusieurs molécules sont en cours de test. Le tocilizumab (RoActemera) est un anticorps monoclonal qui agit en inhibant le récepteur à l'interleukine 6, impliqué dans le mécanisme d'inflammation. Approuvé dans plus de 110 pays dans le monde, ce médicament est déjà donné dans des maladies inflammatoires et immunitaires, comme la polyarthrite rhumatoïde. Le laboratoire Roche a annoncé vouloir démarrer un essai début avril sur 330 patients du monde entier sous le contrôle de la FDA (Food and Drug administration) américaine.

De leur côté, Sanofi et Regeneron ont annoncé le lancement d'un essai avec le Kevzara (sarilumab), un médicament positionné sur cette même indication, la polyarthrite rhumatoïde.

L’hémoglobine d’un vers marin

L’essai a été stoppé en urgence par l’Agence nationale de sécurité du médicament jeudi 9 avril. Il ne s’agissait pas ici de combattre le virus mais d’améliorer l’oxygénation des patients. Cette innovation d’un laboratoire breton Hermarina consiste en l’injection de globules rouge d’un vers marin dont les propriétés d’oxygénation sont très importantes. « Le Covid un moment donné se mettra en fait au niveau des alvéoles pulmonaires et empêchera ces patients d'avoir une bonne ventilation, détaille Franck Zal, directeur de la société Hemarina à l'origine du projet, à RFI. Ça veut dire que les poumons seront infectés par le Covid et ces patients peuvent perdre jusqu'à 70% de leur capacité d'échanges respiratoires entre l'air et le sang. » L’objectif du sang de ver marin est de redonner du souffle à ces patients. « Ce sont des patients qui vont être injectés avec cette molécule qui est un respirateur moléculaire, c'est en fait une grosse molécule d'hémoglobine qui est capable qu'il y ait 40 fois plus d'oxygène qu'une hémoglobine humaine », poursuit Franck Zal.

Sauf qu’une étude montrant un taux de 100 % de létalité chez les porcs a été dévoilée juste avant le début de l’essai provoquant son arrêt. L’APHP n’avait pas commencé à injecter le produit aux patients. Mais il n’est pas exclu qu’il reprenne une fois les raisons de la mortalité chez les porcs éclaircies. Le produit avait déjà été utilisé avec succès lors de greffe d’organes pour préserver les greffons.

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