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par Antoine Champagne - kitetoa

Un ancien aspirant gendarme au coeur de la tentative d'attentat dans le 16ème arrondissement ?

Dans la nuit du 29 au 30 septembre, cet habitant du très chic quartier parisien du 16ème arrondissement ne devait pas s'attendre à cela lorsqu'il découvre — après avoir entendu des bruits dans le hall en pleine nuit — quelque quatre bonbonnes de gaz, un bidon et des seaux remplis avec environ 40 litre d'essence... Le tout raccordé à un téléphone portable faisant office de détonateur. Par chance, le dispositif, actionné trois fois par les auteurs de cette tentative d'attentat, n'a pas fonctionné.

Dans la nuit du 29 au 30 septembre, cet habitant du très chic quartier parisien du 16ème arrondissement ne devait pas s'attendre à cela lorsqu'il découvre — après avoir entendu des bruits dans le hall en pleine nuit — quelque quatre bonbonnes de gaz, un bidon et des seaux remplis avec environ 40 litre d'essence... Le tout raccordé à un téléphone portable faisant office de détonateur. Par chance, le dispositif, actionné trois fois par les auteurs de cette tentative d'attentat, n'a pas fonctionné.

Une enquête est immédiatement diligentée pour des faits liés au terrorisme et l'ADN laissé sur les bouteilles de gaz parle. La police remonte à Amine Abbari et Aymen Balbali. Tous deux connus de la DGSI. Ils sont fichés S pour radicalisation. La perquisition au domicile du cousin d'Aymen, Sami Balbali met en évidence du matériel ayant pu servir à la confection de la bombe artisanale.

Le procureur François Molins évoque dans une conférence de presse Amine A., qui a été entendu au cours d'une précédente enquête. Il s'agit du groupe Forsane Alizza (Les cavaliers de la fierté). Le groupuscule prônait un islam très radical.

En 2012, le téléphone de Mohamed Achamlane, leader de ce même groupe Forzane Alizza, est placé sur écoute. Les écoutes font apparaître une conversation avec Amine Abbari (le 11 février 2012). Persuadé que Amine Abbari est gendarme (c'est du moins ce que ce dernier lui fait croire) Achalame lui demande de trouver des informations, notamment l'adresse, de Pierre Sautarel, animateur de Fdesouche, un site bien connu d'extrême droite. Ces informations doivent normalement figurer dans un procès-verbal puisque Pierre Sautarel est mis en examen pour diffamation.

Le pseudo-gendarme est "très défavorablement connu des services de police" et les enquêteur qui planchent sur Forzane Alizza décident de l'entendre à l'époque. Le 26 mars 2013, il est donc arrêté, mis en garde à vue et fiché dans le FNAEG. La perquisition ne donne rien. Aux enquêteurs, Amine Abbari livre une histoire abracadabrantesque. Il a fait un service long et ses classes. Il pouvait s'engager dans l'armée, mais lui, ce qu'il voulait, c'était intégrer la gendarmerie. Pas de chance, il a un casier et ses rêves s'effondrent.

Le voilà renvoyé à des petits boulots. Il suit une formation pour devenir gardien d'immeuble. Mais, dit-il aux enquêteurs, ils ne désespère pas de faire "pencher la balance" en sa faveur : "Je me suis dit qu'en renseignant les gendarmes, ça m'aiderait à faire pencher la balance de mon côté et équilibrerait mon passé judiciaire pour intégrer la gendarmerie". Il décide donc de prévenir les gendarmes de la dangerosité du groupe Forzane Alizza et de tenter de l'infiltrer pour remonter des informations aux autorités. C'est pourquoi il aurait pris contact, dit-il, avec le leader du groupe, Mohamed Achamlane, et se fait passer alors pour un gendarme sympathisant de sa cause.

Les enquêteurs avaient enregistré une conversation un peu surréaliste :

  • Achamlane : « Ca va Akhy Amine. »
  • Amine : « hamdoulialah »
  • Achamlane : « Machallah akhy Karim, je voulais te demander un truc, y a le responsable du site François de souche là, F de souche, tu connais ce site ? »
  • Amine: « Ouais ouais. »
  • Achamlane : « Bon, il est en ce moment en examen pour de l'incitation à la haine, truc comme ça, donc normalement y a ses coordonnés quelque part d'accord ? Le type y s'appelle Pierre Sautarel normalement Pierre Sautarel est-ce que tu aurais moyen d'avoir un peu plus d'information sur lui ?»
  • Amine : « Mis en examen où, tu sais pas, dans quel tribunal y passe ? »
  • Achamlane : « Alors je sais pas s'il passe dans un tribunal, mais attends je vais te donner les infos que j'ai, attends hein, hop, alors... Le responsable présumé de F de souche mis en examen, soupçonné d'être derrière le site f de souche, l 'ancien candidat Front National Pierre Sautarel vient d'être mis en examen pour diffamation publique, les enquêteurs risquent d'avoir du mal à établir sa responsabilité.... a reçu deux convocations à la justice en provenance du tribunal de grande instance de Paris suite à une plainte du président de l'association France terre d'asile, et sinon, euh seconde convocation a été émise par le tribunal de grande instance de Rouen le 31 janvier dernier, suite à une plainte de l'ancien professeur d'université paris 13, Ariski Damani. Dans les deux cas Pierre Sautarel est mis en cause pour des commentaires et poursuivi pour délit de diffamation publique envers un particulier. Les juges d'instruction le considèrent de fait comme le directeur de publication du site, voilà. [...]  Oh lala quel mytho, quel menteur Donc il s'appelle Pierre Sautarel. -Amine : "S-A-U ? "
  • Achamlane : "S-A-U-T-A-R-E-L " -Amine. « Vas-y, je vais voir pour paris 13ème... c'est quoi la date de sa mis en examen ?»
  • Achamlane : «Alors ... le 4 janvier 2012 »
  • Amine : « Ok, ok, vas-y, je vais voir ».
  • Achamlane : « Barakoulaoufik » (merci) -Amine:  « Mais c'est une personnalité le mec ? »
  • ACHAMLANE : « Ben Pierre Sautarel euh... voila hein ? » [...]

N'ayant pas accès aux dossiers de la gendarmerie, il ne peut pas donner d'informations à Forzane Alizza, mais converse de nombreuses fois (26 communications) avec son leader, Mohamed Achamlane.

Intrigués, les enquêteurs prennent contact avec les gendarmes mentionnés par Amine Abbari. Ceux-ci confirment qu'ils ont bien été contactés par ce dernier. Il leur a signalé la présence sur Internet de Forzane Alizza, mais les gendarmes connaissent l'association, et la collaboration ne va pas plus loin.

Faute d'autres indices, les enquêteurs sont donc contraints de libérer Amine Abbari en 2013, que l'on retrouve en 2017 dans une tentative d'assassinat et de destruction d'un immeuble. Mohamed Achamlane écope lui, de neuf ans de prison. Des armes et une grenade ont été retrouvées à son domicile.

Dans le téléphone d'Amine Abbari, figure le numéro d'un certain Aymen. S'agit-il d'Aymen Balbali avec qui il aurait déposé les bonbonnes de gaz ? Aymen Balbali, artisan taxi dans l'Essonne, ne cache pas ses convictions salafistes. Son profil Facebook est parlant. Bon nombre de ses "amis" virtuels font du prosélytisme. Pour l'un c'est "Dawah Salafiyya [appel à la vérité du salafisme] islam, Coran et sunna. N'accepte aucune femme", pour l'autre la profession mentionnée est "Institut stratégique de défense de l'Etat islamique". Au moins trois contacts semblent présents dans la zone irako-syrienne ou au Yémen.

Reste la cible. Pourquoi cet immeuble du 16ème arrondissement de Paris ? Dans un premier temps, la presse rapporte que la cible aurait pu être Olivier Renault un "journaliste" d'extrême droite dont un homonyme habite l'immeuble. Mais les autorités démentent.

Pourtant, dans le dossier Forzane Alizza, le site Riposte Laïque et ses animateurs sont une cible récurrente de l'association. Or, Olivier Renault publie pour le compte de Riposte Laïque…

 

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