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par Antoine Champagne - kitetoa

Benalla et les parangons de vertu

Un Alexandre Benalla et tout est oublié

Ils ont pu étaler leur indignation dans tous les journaux, s'époumoner devant tous les micros, grimacer devant toutes les caméras, certains politiques drapés dans leur vertu ne l'ont pas toujours été

Fanfan - D.R.

C'est un effet de bord inattendu. Les politiques, hors La république en marche, ont entonné un chant particulier depuis le début de l'affaire Benalla/Macron. Tout à coup, c'est la République que l'on assassine, c'est le retour de l'ancien monde, c'est une atteinte à l'état de droit, on en passe. Ces nouveaux parangons de vertu ont trouvé une oreille très complaisante au sein du quatrième pouvoir qui a relayé leurs discours. Rares sont les organes de presse qui ont rappelé que ces contempteurs du dévoiement de la politique avaient quelques casseroles solidement accrochées aux fesses.

Marine Le Pen n'a pas manqué de cuisiner les personnes auditionnées par la commission d'enquête parlementaire. Ces gens-là sont forcément coupables de quelque chose et cachent des choses au peuple. Quant à Emmanuel Macron ? Il se comporte « comme un chef de clan  ». Toute ressemblance avec papa Le Pen serait fortuite. Il n'y a jamais eu de clan Le Pen. « Il l aurait dû avoir une parole officielle, il aurait dû s’adresser aux Français », a-t-elle osé... Inutile de rappeler à Marine Le Pen que son papa vient de refuser une convocation de la police, tout comme elle l'avait fait pour les juges qui voulaient l'entendre dans l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs d’assistants du parti d’extrême droite au Parlement européen. Non, le clan la famille Le Pen n'est pas du genre à fuir ses responsabilité et à refuser de s'expliquer devant le peuple.

C'est visiblement une habitude des députés (européens ou parisiens) de se draper dans l'immunité que leur confère la fonction. Jean-Luc Mélenchon avait ainsi — comme l'avait relevé le Canard — refusé de répondre a cinq convocations des mêmes juges. Il avait traité de « tueur repenti » et de « terroriste repenti » qui avait « tiré sur des agents de police et sur des gardiens de banque » Paulo Paranagua, journaliste au Monde. Ce dernier n'avait apprécié la blague et avait porté plainte. En vain, les juges n'avaient pas pu entendre Mélenchon.

Il y a aussi le cas amusant de Guillaume Larrivé, qui a même décidé de se retirer de la commission d'enquête dont il était co-rapporteur. Il a dénoncé, sans doute à juste titre, « la parodie » qui était en train de se jouer. L'un de ses confrères et néanmoins ami, lui a rappelé son propre rôle dans un passé proche :

Clash Lavrilleux / Larrivé - Twitter - Copie d'écran
Clash Lavrilleux / Larrivé - Twitter - Copie d'écran

Jean-Christophe Lagarde (UDI) a montré toute son indignation devant le premier ministre Edouard Philippe en dénonçant l'« hypertrophie » du régime présidentiel en France. « En 40 ans, de nombreux scandales sont nés à l'Elysée. C'est notre déséquilibre institutionnel qui en est la cause. A chaque fois, des gens qui travaillent à l'Elysée pensent qu'ils sont au-dessus des lois. C'est à ce monde-là qu'il faut mettre un terme. » Et de demander que la réforme constitutionnelle « rééquilibre les pouvoirs ».

Voilà qui est intéressant car, dans son édition du 18 juillet dernier, le Canard Enchaîné expliquait comment Jean-Christophe Lagarde risquait de permettre des débats entre le président et les parlementaires, le premier pouvant, une nouveauté, rester après ses discours devant les députés et sénateurs :

Le 17 juillet, en pleine nuit, la garde des Sceaux soutient et fait donc voter un amendement déposé trois semaines plus tôt par lʼUDI Jean-Christophe Lagarde, qui avait été repoussé en commission par Ferrand et ses copains. Il préconise de raccourcir lʼarticle 18 de la Constitution : « Un débat peut suivre sa déclaration (celle du président), hors présence de ce dernier », en supprimant la seconde partie de la phrase. Ouvrant — sans le dire vraiment — la possibilité à Macron dʼassister au débat et éventuellement de répliquer aux discours des députés.

Un rééquilibrage des pouvoirs, en quelque sorte...

Au rayon Insoumis, il y a aussi la tweeteuse Raquel Garrido... Depuis le début de l'affaire Benalla, elle s'offusque de l'impunité de tous les acteurs :

Raquel Garrido - Twitter - Copie d'écran
Raquel Garrido - Twitter - Copie d'écran

Ou Alexis Corbière qui n'a pas de mots assez durs pour le pouvoir en place.

Ils ont dû oublier les petites casseroles qui cliquettent derrière eux. Leur propre usage des avantages du pouvoir...

Le Canard Enchaîné du mercredi 11 octobre 2017 - Canard Enchaîné - © Canard Enchaîné
Le Canard Enchaîné du mercredi 11 octobre 2017 - Canard Enchaîné - © Canard Enchaîné

Le cas de la rapporteuse LREM de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est un peu hors cadre. Elle a effectivement tout fait pour préserver le pouvoir en place. C'est elle qui rappelle au fil des auditions, les règles fixées par la commission, et surtout s'est opposée à certaines convocations. C'est elle aussi qui avait expliqué à ses nouveaux collègues députés après son élection qu'elle ne viendrait pas le mercredi matin, préférant s'occuper de ses enfants. Elle aussi qui avait fait rire tout le monde pensant que son micro était coupé.

C'est elle aussi qui pensait que les décrets étaient votés par l'Assemblée. Pas mal pour une présidente de la commission des lois.

Il ne manque finalement qu'une déclaration enflammée de François Fillon pour parfaire le tableau...

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