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par bluetouff

Le cynisme de Bercy face au dossier Amesys

Deux événements sont venus ponctuer notre journée. Le premier, nous vous en parlions ce matin, c'est le feu vert donné par la Cour d'appel de Paris à l'ouverture d'une enquête sur le rôle présumé d'Amesys dans le cadre d'une plainte de la FIDH et de la LDH. Le second (non)évènement c'est la reculade de Fleur Pellerin sur la question de la Neutralité du Net annoncée ce jour à l'occasion d'une super table ronde à Bercy.

Deux événements sont venus ponctuer notre journée. Le premier, nous vous en parlions ce matin, c'est le feu vert donné par la Cour d'appel de Paris à l'ouverture d'une enquête sur le rôle présumé d'Amesys dans le cadre d'une plainte de la FIDH et de la LDH. Le second (non)évènement c'est la reculade de Fleur Pellerin sur la question de la Neutralité du Net annoncée ce jour à l'occasion d'une super table ronde à Bercy. Nous n'allons pas trop détailler ce point vu qu'on se doutait bien que le changement ça a beau être maintenant, en fait ça ne change pas du tout : le pognon, toujours le pognon, les libertés fondamentales pourront bien attendre un avis du Conseil National du Numérique à qui notre ministre a décidé aujourd'hui de refiler la patate chaude. La Quadrature du Net a d'ailleurs parfaitement résumé l'utilité de cette table ronde.

La patate chaude, c'est la soft, on fait quoi de celle qui pue ?

La patate qui pue, c'est évidemment la patate Amesys, Kitetoa vous l'expliquait. Nous avons donc, naïvement profité de l'occasion de cette super table ronde pour poser nos questions à nous, les questions puent.

Probablement irrité par le hashtag #MaisOuEstFleurque votre serviteur a lancé pour taquiner notre ministre au sujet son absence, absence d'autant plus remarquée à cette table ronde sur la Neutralité du Net qu'elle est venue en faire la conclusion, Aziz Ridouan répond à nos interpellations en nous taxant de trolleurs.

Aziz Ridouan n'est pas n'importe qui, c'est le conseiller presse et communication au cabinet de Fleur Pellerin. Et vous allez voir qu'il en connait un rayon sur le sujet. Pour lui, Reflets troll depuis 6 mois. Et bien non Monsieur Ridouan, ça ne fait pas 6 mois, ça fait en fait bientôt 2 ans, peut-être comprendrez vous maintenant notre agacement.

Dans un autre contexte, ceci nous aurait amusé, Reflets est un petit média animé d'un très mauvais esprit, c'est de notoriété publique. Mais étrangement, sur la question libyenne, ça nous a fait moyennement rire. Nous allons vous expliquer pourquoi.

Pourquoi c'est pas drôle ?

En 2006, notre république bientôt irréprochable vend à un monsieur pas super recommandable et surtout à son bras droit encore moins recommandable, un système pour mettre l'ensemble d'un pays sur écoute. Ça a un peu fait des dissident arrêtés, emprisonnés, torturés... et tout ça grâce à nous ! Anotre belle technologie made inFrance qu'on nous envie autant que le Beaujolais et les droits de l'Homme et du Citoyen. Une technologie numérique létale qu'une entreprise et notre République irréprochable depuis 2007 ont vendu à un dictateur et à un terroriste. Comme on pouvait s'en douter, ils n'ont pas un instant hésité à utiliser ce système contre l'ensemble de leur population, et particulièrement les dissidents. Aujourd'hui on compte quand même bien plus de victimes de cette technologie chez les dissidents politiques, les blogueurs et les journalistes que chez les pédophiles ou les terroristes. Et franchement monsieur Ridouan, nous ne sommes certes pas des communicants de votre trempe, mais nous, ça ne nous fait pas rire. Regardez attentivement ce petit reportage, vous allez voir ce qui semble provoquer votre hilarité...

Les bons mots d'Aziz Ridouan

Maintenant que nous venons de prendre la mesure de tout le comique du dossier Amesys, nous allons nous pencher un peu sur les conseils avisés de monsieur Ridouan. Commençons par le spanou®.

Le spanou® c'est un grand classique sur Reflets. Quand nous posons des questions qui dérangent, on nous signifie systématiquement que nous nous adressons pas aux bonnes personnes. C'est donc la défense dite spanou® pour laquelle Aziz Ridouan a opté.

Le bon interlocuteur selon lui, ce n'est pas le ministre de l'économie numérique avec des libertés fondamentales dedans, c'est le ministre de la défense... ben voyons !

Expliquons lui pourquoi ce n'est pas le bon ministre

1° Jean-Yves le Drian, en ce moment, il est un peu occupé à compter les gros bateaux et les gros n'avions qu'il a mobilisé au Mali.

2° Quand on veut des réponses chez Reflets, on évite de s'adresser à la Grande Muette... On est peut-être un peu idiots, mais nos questions à nous appellent des réponses, on ne les pose pas "pour rigoler" avec monsieur Ridouan.

3° Quand des députés posent des questions sur le dossier Amesys... et bien ces questions restent sans réponse. En fait la dernière réponse date du dernier gouvernement Sarkozy, c'est Gérard Longuet l'a donnéen lisant dans l'hémicycle le communiqué de presse de sa fille (par ailleurs directrice de la communication de Bull) et fait nommer monsieur Vannier, principal acteur de l'affaire Amesys, chevalier de la légion d'honneur.

Donc oui monsieur Ridouan peut s'amuser de nos invectives insistantes sur Twitter, les reléguer à du troll. Le fait est que sa ministre est, sur une question qui la concerne, totalement aux fraises. Le fait est que c'est sur Twitter que nous avons justement révélé ce qui est aujourd'hui l'affaire Amesys, une affaire d'État.

À la lumière de ces petites anecdotes, monsieur Ridouan comprendra peut-être pourquoi nous nous tournons vers son ministère, le ministère du pognon d'Internet avec accessoirement de la neutralité et des libertés fondamentales dedans. Et le souci, comme le fait remarquer Laurent Chemla, c'est que quand on fait cohabiter au sein d'un même ministère le pognon et la défense des libertés fondamentales, il y en a toujours un qui passe avant l'autre. C'était comme ça sous Sarkozy, c'est toujours comme ça sous François Hollande, le changement ça a beau être maintenant, ça au moins, ça ne change pas.

Car il ne faut pas croire que nous nous adressons à ce qui sur le papier ressemble le plus au ministère à même de défendre les libertés fondamentales sur les questions concernant le numérique avec plaisir. Nous savons qu'il y a tromperie sur la marchandise.

Les pages jaunes qui font rire jaune

Mais Aziz Ridouan ne s'en tient pas là, assez fier de sa première vanne "Reflets t'es lourd ça fait 6 mois que tu trolles", il récidive.

Reflets explique depuis plus d'un an qu'il tient des documents à disposition de la justice. Ces documents que Fleur Pellerin s'était d'ailleurs à une époque proposée de faire transmettre au besoin. Mais là étrangement, c'est plus elle. Tiens, là effectivement, le changement, c'est maintenant. Pour Aziz Ridouan, pas de problème, puisque la Poste nous fera même des tarifs préférentiels. Et oui, monsieur Ridouan a le sens de la vanne. Sauf que nous aussi chez Reflets on est de gros rigolards, sur des questions un peu plus "légères" en revanche. Un internaute venant de nous débusquer "lespagesjaunes.ayrault.fr", nous avons souhaité les partager avec notre communicant de choc :

_ NB: Le cabinet du Premier ministre a été informé de cette fuite de données personnelles _

Tout va bien, il est content Aziz Ridouan... pas nous. Encadrer les usages du DPI, c'est une question de Neutralité, encadrer les usages du DPI, c'est une question de respects des droits de l'homme, et à mon grand regret, vous étiez ce qui ressemblait le plus à un interlocuteur sérieux pour nous. Aujourd'hui, nous sommes fixés.

Nous attendrons un ministère du bien commun Internet, nous cesserons d'importuner les gestionnaires du pognon des tuyaux sur ces questions dont vous vous foutez éperdument. C'est à se demander quel gouvernement était le plus cynique, celui qui a vendu ce système à Kadhafi ou celui qui se lave les mains de celui que nous venons de vendre au Maroc.

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