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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Reflets : c'est trop compliqué tes histoires...

Une petite discussion sur Twitter a fait remonter une critique constructive à l'adresse de Reflets. Nos articles seraient très intéressants, mais trop techniques pour que la presse généraliste s'en empare. D'où partions-nous ? Je faisais remarquer que dans un article de @lauredlr chez Rue89 évoquant TMG, le lien proposé pointait vers 01net.

Une petite discussion sur Twitter a fait remonter une critique constructive à l'adresse de Reflets. Nos articles seraient très intéressants, mais trop techniques pour que la presse généraliste s'en empare. D'où partions-nous ? Je faisais remarquer que dans un article de @lauredlr chez Rue89 évoquant TMG, le lien proposé pointait vers 01net. Je trouvais cela amusant dans la mesure où Reflets est à l'origine de la seule coupure opérée par l'HADOPI : la déconnexion du lien entre TMG qui collecte les IPs des supposés téléchargeurs pour le compte des ayants droit et l'HADOPI qui envoie les mails. Nous avions écrit que TMG avait un serveur de test (forcément) qui était ouvert à tous les vents. Du coup l'HADOPI qui craignait pour son système d'information avait coupé le fil la reliant à TMG. Etant à l'origine de cette information, Reflets pouvait assez logiquement être la cible du lien plutôt que 01net.

Ces petites entorses aux bonnes pratiques habituelles dans le journalisme (citation de la source d'une information, et non pas d'un confrère qui la relaye) sont monnaie courante depuis que nous avons ouvert le site. Cela s'est vu avec l'OPSyria, avec le DPI (Amesys, Qosmos et les autres). Pas de souci, nous ne courrons pas derrière une hypothétique gloire. Ce qui est plus inquiétant c'est cet argument : trop compliqué, Mme Michu ne va pas comprendre vos articles. Du coup il serait logique de pointer vers des confrères qui survolent un peu, histoire de rendre compréhensible une histoire évoquée par d'autres.

Cet argument, je l'avais déjà entendu à l'époque de l'affaire Clearstream II. Souvenez-vous, Gergorin, Lahoud, EADS, tout ça... Tous les commentateur martelaient que c'était une affaire "trop compliquée". Ne parlons même pas de l'affaire Clearstream, la vraie, celle évoquée par Denis Robert. In fine, le sujet était, au mieux, survolé par la presse, peu relayée sur les chaînes de TV, ou mal. On parlait de super espions, d'informaticien de génie alors que l'on était en face de barbouzes de douzième catégorie incapables de faire la différence entre un grille pain et un ordinateur, d'un mathématicien plutôt nul en sécurité informatique.

Déjà à l'époque, il m’apparaissait que c'était prendre Mme Michu et son mari pour des cons que de refuser de leur donner des détails sous ce prétexte. Pas très flatteur donc. On peut aussi se demander si le divorce entre la presse et son lectorat ne vient pas, en partie, de cette tendance qui consiste à ne pas tout raconter, éviter les détails, survoler sous prétexte de complexitude ou de manque de place.

La même sauce avait été servie pour l'affaire Woerth/Bettencourt.

Plus récemment, la crise de la dette a produit le même effet, jusqu'à ce que les journalistes se rendent compte que Paulo, au Bar des Amis, en savait plus qu'eux sur les CDS, les futures, les spreads... Alors ils se sont mis à en parler. Mal. Mais à en parler.

Les technologies Internet sont compliquées aussi. Mais elles sont loin d'être inabordables pour le pékin moyen. Comme moi. Ou d'autres. Nous n'y connaissions rien, nous n'étions pas particulièrement doués en informatique. Mais nous avons creusé et nous avons appris. Des gens attentionnés ont répondu il y a des années aux questions que je posais. Des ADM, des Rhino9, des Jean-Michel Billaut, des Paul-André Pays... Je leur dois de comprendre un peu mieux que d'autres ces technologies. Mais je partais de zéro. Et croyez-moi, si j'ai pu y arriver, vous le pouvez aussi. Cela vous apportera une vision plus claire de ce que certains sont en train de préparer et qui va, croyez-moi sur parole pour l'instant, dramatiquement impacter votre vie de tous les jours.

Mais revenons aux affaires évoquées. Elles ne sont pas "trop compliquées", rien n'est jamais trop "technique". Il suffit d'avoir un intérêt à apprendre pour y parvenir. Et si la presse ne joue pas le rôle d’étincelle pour déclencher cette envie de comprendre...

Amis journalistes, faites un effort pour creuser, expliquer, entrer dans les détails, vous étendre sur plus de place. Amesys est un bon exemple. Depuis février, nous alertons sur ce sujet. Parfois de manière elliptique. Parfois de manière directe et précise.

Nous avons été suivis par certains, comme Owni qui a creusé, par le Wall Street Journal. Puis par une kyrielle de journaux, de télévisions, de radios... Rarement cités, pour rejoindre le début de ce papier.  Peu importe. Ce qui est important c'est que les journalistes creusent. Aillent plus loin. Ils ont des moyens que nous n'avons pas (notamment du temps (*) ). Lorsque nous écrivons noir sur blanc que Amesys installe un centre d'écoute au Maroc et au Qatar, qu'elle subventionne le festival mondial des arts nègres, pourquoi ce silence global ? A part dans le Canard Enchaîné, mais là, c'est assez logique...

Trop compliqué ?

Sérieusement ?

 

 

 


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