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par Fabrice Epelboin

Financer l'armement numérique et voler les startups : l'économie numérique vue par la CDC

C'est une histoire tristement banale et qui est loin d'être une première, ni une dernière, dans l'économie numérique Française. Mais celle-ci touche des acteurs dont nous somme - pour diverses raisons - proches. La CDC - Caisse des Dépôts et Consignations - est régulièrement citée dans nos colonnes.

C'est une histoire tristement banale et qui est loin d'être une première, ni une dernière, dans l'économie numérique Française. Mais celle-ci touche des acteurs dont nous somme - pour diverses raisons - proches.

La CDC - Caisse des Dépôts et Consignations - est régulièrement citée dans nos colonnes. C'est par l'intérmédiaire d'un de ses fonds, le FSI - le Fond Stratégique d'Investissement - que l'Etat Français a investit cet été 10 millions d'euros dans Qosmos, un marchand d'arme numérique, et pris 5% de participations dans Bull/Amesys, l'un des leaders mondiaux des technologies de surveillance.

Derrières ces investissements - fait avec l'argent du contribuable - se cachent des milliers de morts lors du printemps arabe, un très grand nombre de vies brisés, de familles martyrisées et des drames en tout genre, rendus possibles par la mise en place des technologies Bull et Qosmos dans des pays tels que la Syrie, la Libye de Kadhafi, la Tunisie de Ben Ali, l'Iran, etc, etc.

Le second acteur de cette histoire triste est aussi une vieille connaissance de Reflets, puisqu'il s'agit de Havas. L'une des filiales du groupe avait tenté, il y a neuf mois, une petite infowar par bot interposé pour tenter de diffamer discrètement plusieurs leaders de la lutte anti Hadopi, dont Bluetouff. Raté, il aura fallu 24h d'enquête pour remonter au siège social d'EuroRSCG à Boulogne. S'en était suivi une réplique sévèrement LULZ de la part des z'internets qui avait réduit à néant trois millions d'achat d'espace, acquis à l'occasion de la première campagne de pub de la Hadopi, et avait révélé (à la veille d'un week end, nous sommes taquins) une sérieuse faille de sécurité dans l'intranet d'EuroRSCG, qui a permi au dit intranet de prendre la poudre d'escampette.

Do not fuck with the internets.

Le troisième acteur est la victime de l'histoire. Cette fois ci, point de petit Syrien bombardé, d'opposant politique Libyen traqué, ou de Tunisien torturé : l'histoire se passe en France, et la victime est une startup. Il s'agit de Webcastory/Techtoc.tv, qui nous avait à plusieurs reprises ouvert les portes de son studio webTV de Saint Ouen, et même confié les clés afin que nous puissions réaliser nos propres émissions.

L'histoire, elle, est d'une banalité affligeante. Webcastory a mis au point, après moultes années d'expérimentations, une approche éditoriale assez sophisitiquée de la webTV, qui consiste à faire participer une communauté d'experts à l'éditorialisation du programme d'une chaine de TV. A partir de ce concept, qui à défaut de faire, pour l'instant, à peine mieux que d'être rentable, Webcastory a lancé plusieurs chaînes de TV, sur des sujets aussi variés que les RH, l'innovation, le médical ou le développement durable.

C'est sans doute cette dernière qui a attiré l'attention de la Caisse des Dépôts et Consignations, dont le département communication souhaitait disposer d'un tel outil. Collaboratif, communautaire, social... Tout ce qu'il faut pour briller de mille feux dans le petit landernau du numérique Français avec sa toute nouvelle webTV, SolutionsDurables.tv.

Reste que le concept de Webcastory va bien au delà d'un simple studio TV et d'un site web, c'est une méthodologie assez complexe, tant en ce qui concerne la production audiovisuelle que l'animation communautaire, et une solution qui a fait ses preuves : avec plusieurs centaines d'experts de tout poils venus participer aux émissions ces dernières années, et près de deux millions de pages vues par mois.

Selon les informations en notre possession, et les documents auxquels nous avons eu accès, la CDC a dans un premier temps travaillé avec Webcastory à la mise au point de sa webTV, s'est déplacée à de multiples reprises dans ses studios et a longuement affiné avec le dirigeant de la startup les détails de sa future webTV, SolutionsDurables.tv, afin de mettre au point son appel d'offre.

Le genre d'appel d'offre que la startup était certaine de remporter : personne d'autre ne fait ce genre de webTV en France (ou ailleurs), et la méthodologie est tellement complexe qu'il serait périlleux pour un nouvel entrant dans ce secteur de se risquer à improviser.

Sauf qu'il n'y a jamais eu d'appel d'offre.

Ce n'est pas légal, mais ils sont au dessus de ça, à la CDC, et c'est vrai qu'à coté de tous les morts qu'ils ont financé dans le monde arabe, ce n'est pas grand chose. Les pratiques de la CDC sont celles des grands prédateurs du capitalisme, ce n'est pas nouveau, et le fait que cela soit fait avec de l'argent public au détriment de l'économie Française n'a rien non plus de très surprenant. Ce qui suit non plus.

La proposition réalisée par Webcastory à l'occasion du travail entrepris avec la CDC, ainsi que de la documentation interne de la société, aurait tout simplement atteri sur le bureau d'une des filiales de Havas, qui s'est visiblement contenté d'un rapide copier coller, pour décrocher miraculeusement le contrat.

Le résultat est édifiant : SolutionsDurables.tv est en tout point similaire aux chaines édités par Webcastory, une contrefaçon intégrale.

A l'heure où les candidats à la présidentielle font tout pour faire croire que le numérique en France est exclusivement l'apanage des startups (circulez, il n'y a rien à voir coté Bull), le coté prédateur à la mode Fouquets montre aux entrepreneurs des NTIC Français qu'ils seront bel et bien écrasés comme de vulgaires Syriens.

A défaut d'être éthique (ou durable ?), la CDC est, pour le coup, cohérente.

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