Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
Édito
par Yovan Menkevick

Twitter m'a tuer : mais qu'aurait fait Pierre Desproges (et les autres) ?

(Les associations d'idées sont un truc de psychanalyse assez marrant. Avec Twitter, c'est Pierre Desproges. N'allez pas demander pourquoi, c'est une association d'idées. Survenue par la lecture de n'importe quel Tweet absurde et pathétique lâché sur la Time-Line  de l'auteur comme une fiente de pigeon sur un pare-brise.) Twitter est devenu quelque chose d'assez grandiose. Un truc qui fait frémir. Gémir. Sourire. Pâlir. Mais putain-de-bordel-de-merde, "comment qu'on en est arrivé là ?

(Les associations d'idées sont un truc de psychanalyse assez marrant. Avec Twitter, c'est Pierre Desproges. N'allez pas demander pourquoi, c'est une association d'idées. Survenue par la lecture de n'importe quel Tweet absurde et pathétique lâché sur la Time-Line  de l'auteur comme une fiente de pigeon sur un pare-brise.)

Twitter est devenu quelque chose d'assez grandiose. Un truc qui fait frémir. Gémir. Sourire. Pâlir. Mais putain-de-bordel-de-merde, "comment qu'on en est arrivé là ?" C'est quoi leur problème, ils ont quoi là ? Le café du coin en 1982 à côté, c'était l'Académie Française. N'importe quelle fin de soirée un peu arrosée d'il y a 25 ans était plus drôle et constructive qu'une heure à voir passer les tweets des clowns bien-pensants de 2012 en 140 caractères.

Bon, pas la peine de nous étaler sur le degré de qualité humoristique des tweets, ou du sérieux des joutes absconses qui fleurissent à la vitesse de la lumière entre partisans du mou et détracteurs du dur. Non. Pas la peine. Ni d'en jeter, des tweets, à la figure du bon peuple numérique pour leur démontrer l'ineptie de la chose par l'affichage en 72 dpi d'un copie de l'arme du crime. Crime de quoi ? Crime contre le second degré. Crime contre la dérision et l'auto-dérision. Crime contre l'humour et le sens de l'humour. Crime contre le droit de péter en public, de roter à la face du monde et de rire de tout. Crime contre la méchanceté gratuite.

Parce que le problème qui survient, s'amplifie, se propage est d'une gravité sans commune mesure, chers lecteurs. Et c'est de cela dont nous traiterons aujourd'hui. Avec pugnacité. En ayant longuement enquêté, lu, soupesé, vérifié, sourcé : on ne badine pas avec le sens de l'humour. C'est tout ce qu'il nous reste une fois qu'on est vraiment dans la merde. Et on est déjà dans la merde. Twitter, si tu m'écoutes…

Ta gueule…

Un tweet, ça va, deux tweets…

Le nombre d'imbéciles plus ou moins heureux qui brandissent Pierre Desproges comme d'autres un exploit à l'encontre du site du Front de libération des idées reçues (http://frontdeliberationdesideesrecues.net)(1) est ahurissant. Après enquête, il s'avère qu'il sont le plus souvent nés après le décès de Pierre (qui a eu lieu autour de 1986, mais les cerveaux modernes et éclairés de notre société de l'information ne manqueront pas de se ruer sur la fiche wikipedia dudit Pierre pour venir rectifier la date de décès de l'humoriste) et circulaient donc en couche-culottes dans la cuisine où aurait pu se diffuser les saillies dudit humoriste, les oreilles et le cerveau à peu près aussi développées qu'un homard dans sa casserrolle d'eau bouillante le soir du 31 janvier.

Ils vont hurler en lisant ça, les bougres, "que c'est pas parce qu'on était pas nés ou très jeunes qu'on a pas le droit d'apprécier et d'avoir vu, lu, écouté toute l'œuvre de Desproges". Mais c'est qu'ils sont pertinents et perspicaces, les ex-homards ! On les imagine, sur leur canapé parental, version 2000, un casque M6 sur les oreilles, pendant des centaines d'heures, l'œil vitreux , à voir et écouter le tribunal des flagrants délires et la minute de monsieur cyclopède pendant que tous leurs potes fument des substances ô combien illégales, sirotent des boissons énergisantes et ricanent en matant Loana dans sa piscine, sur une télé, un peu plus loin.

Mais revenons à nos tweets.

Le tweet, c'est un truc qui est censé donner une info courte à une somme de gens qui sont abonnés à votre compte. Inversement, tu reçois les tweets de ceux que tu suis. Jusque là ça reste à peu près cohérent, on arrive même à y voir un vague intérêt. Ca peut servir à ce qu'une jeunesse énervée (qui n'a pas envie de fabriquer des tapis persans ou de participer à la prochaine guerre mondiale) fasse circuler plein de trucs déplaisants sur celui qui remporte l'élection présidentielle en trichant, avec manifs de rue et début de révolution à la clef. Pas mal.

Ensuite, ça peut servir aussi à recevoir les articles des journaux en ligne. Chaque jour, si tu es journaliste (même si tu ne l'es pas, mais rêve de l'être(2)), tu vas voir comment les journalistes se recopient leurs articles les uns les autres et recopient les dépêches AFP que toi aussi tu as vu tomber et que tu observes d'un air dubitatif. Bon, pas si mal. Ensuite, il y a les comptes des gens que tu ne connais pas mais qui se sont abonnés au tien. Ou les comptes abonnés à des comptes auxquels tu es toi-même abonné. Les copains des copains en quelque sorte. Certains ont l'air plein de bonne volonté, voire "drôles". Ah ah. Ah. Pourquoi ne pas se marrer un bon coup, hein ? Après tout, on est pas là que pour se prendre au sérieux… Et c'est là que ça se corse. Quand après un tweet un peu drôle (en 140 caractères, les élus qui remportent le challenge sont peu nombreux), un deuxième plus ou moins lourdingue arrive, tu commences à te demander si c'était une bonne idée d'être abonné à ce compte. Mais là n'est pas le fond de l'affaire. Il y a pire, bien pire. Restez concentrés #stayfocused comme diraient les vrais twittos.

Etre drôle, c'est un presque un métier

Faire chier le monde en se prenant au sérieux, c'est déjà beaucoup plus simple qu'être vraiment drôle, voire croire qu'on est drôle. Ou penser qu'on a des idées qui méritent d'être partagées avec le maximum d'individus. "Le harcèlement de rue" est un exemple récent et magnifique de la "pensée twitter haut de gamme" : il a fait une sacrée percée dans la sphère du micro-blogging comme révélateur de l'engagement époustouflant des twittos par le biais des technologies de l'information et de leur plateforme préférée. Parce qu'il y a là matière à sacrément débattre, échanger. Le thème du harcèlement de rue est à twitter ce que la vache normande est au camembert : une conséquence incontournable. Un truc sur lequel il y a vraiment à dire et à faire.

C'est là que l'association d'idées avec Pierre Desproges s'est effectuée. Ca saute à la gueule (pas de la vache, elle a un museau (?), mais de la mienne, je suis une vraie bête). Qu'aurait fait Pïerre Desproges, sur Twitter,  au moment du grand débat sur le "harcèlement de rue" ? Humm ? Une piste. Extrait de l'un de ses bouquins, intitulé, Manuel du savoir-vivre à l'usage des rustres et des malpolis. Le passage cité est contenu dans la rubrique : Ne soyons pas malpolis au lit.

"Au temps de nos grands-mères - au temps des miennes en tout cas, on ne m'a pas présenté les vôtres; d'ailleurs je m'en fous totalement, à chacun son problème : « Velocipedus memera?», disait Euclide (« Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélo ? »). Au temps de mes grands-mères, donc, les gens qui se mettaient ensemble dans un lit pour la première fois étaient assez malpolis. Ils ne se disaient même pas bonjour. Cette attitude pour le moins cavalière (et je pèse mes chevals) peut nous paraître surprenante aujourd'hui. Elle s'explique par le fait qu'à cette époque, les gens se connais aient la plupart du temps AVANT de coucher ensemble. Certains même attendaient d'être mariés pour zigounipiloupiler. De nos jours, aspirés par la vie trépidante de ce siècle infernal, nous n'avons point le temps de nous disperser en salamalecs avant de nous mettre au lit avec nos contemporains. C'est pourquoi il est de bon ton de souhaiter le bonjour et de se présenter avant de se glisser dans les draps, ou sous l'évier, selon qu'on est litophile ou éviériste. Ces présentations devront être simples et dépourvues d'emphase. Toute attitude pompeuse apparaîtrait déplacée. (C'est une image : ne prenez pas l'expression « attitude pompeuse » au pied du lit. Au pied de la lettre, pardon.) Présentez-vous simplement, en ajoutant un petit mot gentil, même banal, qui sera toujours bien reçu pourvu qu'il ne s'écarte pas des limites du bon goût.Exemple : « Bonjour, je m'appelle Robin des Bois. Tu la sens ma grosse flèche? »

 #avoirhonteesthonteux #lesfemmessontdeshommescommelesautres #onestpasdubetail #laissezmoiexister

La fâcheuse tendance du réseau de micro-blogging est de devenir un espace militant (gnangnan, comme les étudiants) à deux bitcoin (observez l'humour geek, ah, ah). On milite pour tout et n'importe quoi. De la préservation des espaces verts à la dénonciation des mentalités de merde, en passant par le droit à mourir sans couche-culottes et la défense des Roms (pas les mémoires mortes, hein, les Romanichels quoi). Dans le même temps, un constat s'impose, difficile, mais réel : le professeur Choron (3) est mort. Bien fait pour lui. Mais dommage quand même, parce qu'on aimerait l'avoir sur Twitter, Choron.

Comme Coluche. La mort c'est con, mais Twitter, c'est encore plus con, parce que les cons arrivent à y faire mourir plein de choses. Des choses essentielles, cher lecteur. Comme l'humour grinçant. L'humour noir (heureusement, moins), l'humour gras et limite sexiste aussi. Imaginez un instant un autre zouave, révéré par les homards de 1986 (qui dénoncent aujourd'hui le harcèlement de rue sur Twitter), Coluche. Sur les femmes, dans le genre, l'animal était plutôt cinglant. Ne faisait pas dans la dentelle. Un tweet post-mortem de Coluche :

"Ce n'est pas parce que l'homme a soif d'amour qu'il doit se jeter sur la première gourde." Ou encore : "Les femmes seront les égales des hommes le jour où elles accepteront d'être chauves et de trouver ça distingué". 

Rigoler des homosexuels  sur Twitter : impossible, tu es homophobe. Coluche était donc homophobe. Des femmes ? Idem : tu es misogyne, comme Desproges. Des religions, des gens religieux : au choix, tu seras islamophobe, antisémite ou diffamateur de la religion chrétienne. Comme tous les humoristes des années 70, 80, soit-dit en passant. Il te reste donc une chose de possible : rigoler de ceux que la sphère bien-pensante de Twitter a autorisé par consensus général. La liste est à peu près la suivante : les politiques, les riches, les militaires, les chefs d'entreprise et les poneys (parce qu'un geek en a fait son fond de commerce humoristique et que ça continue à faire rire les geeks).

Twitter permet donc à quelques milliers de geeks (#oupas ) d'exister un peu plus sur le réseau. Parce qu'exister vraiment n'est pas une mince affaire. Avec ou sans écran. C'est du boulot quand même. Ca demande quelques efforts. Un peu plus que des phrases de 140 caractères  (à raison de dizaines et de dizaines par jour) et des affirmations à l'emporte pièce, des textes bloggués, de merde, construits sur du vent et des idées creuses charriées par une pléthore de pseudo journalistes-écrivains-analystes-hackers-experts-consultants (rayez les mentions inutiles) qui tentent d'avoir de l'audience. Choron dirait la chose suivante à propos de Twitter :

"Twitter est le Loft Story pseudo intellectuel de la deuxième décennies du XXIème siècle. Il faut flinguer Twitter et tous ses twittos. Eradiquer cette misérable engeance bourgeoise qui se passe la brosse à reluire en 140 caractères en croyant sauver le monde, son petit cul bien tranquillement posé sur un fauteuil Ikea© de merde construit en Chine, avec ses petits doigts bourgeois qui tapotent de la merde sur un clavier de merde fabriqué par des esclaves asiatiques de merde."

 #alleztousvousfairefoutre

Ce dernier intertitre, soigneusement réfléchi par l'auteur n'a qu'une seule vocation : rendre un hommage appuyé à des grands hommes, ces humoristes d'une époque révolue, où les gens ne se prenaient pas pour un croisement :

1) d'Albert Londres et Robert Capa

2) de Gandi et Mère Thérésa

3) de Florence Aubenas et Richard Stallman

4) de Mandela et du commandant Massoud

5) du Che et Du sous-commandant Marcos

6) d'Eric Ciotti et de Jérémie Zimmerman

(Un intrus s'est glissé dans cette liste, saurez-vous le retrouver ?)

En avoir ou pas sur Twitter : that is the question. Regardez le crâne du réseau droit dans les yeux, et demandez-vous, amis twittos grands défenseurs des idéaux les plus nobles et des causes les plus justes, non pas "ce que vous pouvez faire pour Twitter, mais ce que peut Twiter peut faire pour vous". Et ensuite : allez tous vous faire foutre !

1) Si tu as cliqué, c'est que tu fais partie des imbéciles plus ou moins heureux. Et même si c'est contagieux via Twitter, que le vaccin n'existe pas, ne t'inquiète pas, tout ça est sans importance : #onvatousmourir2) Rêver d'être journaliste, c'est comme rêver de violer Marine Le Pen : un truc pervers3) Le professeur Choron©, ce grand homme qui a démontré que la connerie était la chose la mieux partagée chez les êtres humains, et tant mieux

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