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par drapher

Transition écologique : quand le marketing énergétique remplace la politique environnementale

La transition écologique vendue par la ministre éponyme, Nicolas Hulot, n'a d'écologique que le nom. Ce qui motive en réalité les décideurs des pays signataires des "accords climat" de la COP21 n'est en aucun cas l'écologie, mais l'énergie.

La transition écologique vendue par la ministre éponyme, Nicolas Hulot, n'a d'écologique que le nom. Ce qui motive en réalité les décideurs des pays signataires des "accords climat" de la COP21 n'est en aucun cas l'écologie, mais l'énergie. Et c'est dans ce cadre de transition énergétique que Nicolas Hulot a proféré quelques annonces "choc", dont deux ont particulièrement frappé les esprits : passer la part du nucléaire dans le "mix énergétique électrique" de 73% à 50% en 2025 et faire disparaître les véhicules essence et diesel d'ici à 2040. 17 réacteurs fermés en 10 ans — a précisé le ministre quelques jours après son discours. Les véhicules électriques seraient majoritairement plébiscités pour remplacer les thermiques.

Pour qui ne s'intéresse qu'à la surface des choses et envisage l'écologie par le prisme des chaînes d'info et les résumés du GIEC à destination des décideurs politiques, toutes ces annonces peuvent sembler formidables. Sauf qu'une fois de plus, entre la réalité et les calculs politiques, économiques, le gouffre est béant.

Extinction des espèces : et si on roulait électrique ?

Une étude vient de sortir, qui n'est ni une projection par modèle informatique pour les 50 ou 100 prochaines années, ni une somme de prédictions futuristes basée sur des calculs probabilistes à partir d'un facteur unique et central. Non, cette étude est un constat, au présent : les espèces de vertébrés disparaissent, massivement. Un anéantissement biologique, débuté il y a peu — un peu plus de cent ans — s'accélère dans des proportions inédites. Techniquement, les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900.

Mais au delà des disparitions d'espèces (phénomène malheureusement connu), ce qui a le plus choqué les chercheurs — et qui ne semble pas émouvoir particulièrement ce qu'on pourrait renommer le "Ministère des modes de propulsion, des fournitures électriques et de la préservation du modèle agricole industriel" — est le recul massif des populations de vertébrés encore présente sur Terre.

Les chiffres de cette étude devraient faire frémir n'importe quel défenseur de la planète et en réalité, forcer les décideurs politiques à déclencher un sommet international contre l'extinction des espèces, équivalent à celui de la COP21, en toute urgence. Ce qui se déroule en ce moment sur la planète, par la seule activité humaine est en fait une destruction de la biodiversité, qui va, inéluctablement — si elle n'est pas endiguée très rapidement — nous mener à un désastre global. Un désastre sans commune mesure avec la potentielle hausse de 2 ou 3 degrés Celsius de la fin du siècle, prédite par le GIEC.

Dans 30 ans, même avec un réchauffement contenu à +0,5 ou 1 degré, la vie humaine sur Terre sera compromise si la biodiversité continue d'être massacrée. Et là, ce n'est pas une projection informatique qui le détermine mais la science dure. Et que fait le gouvernement et son "Ministère de l'écologie solidaire" ? Nous faire rouler en voiture électrique rechargeable tout en prétendant vouloir diminuer la capacité de production électrique nationale…

Les espèces ne disparaissent pas à cause du changement climatique…

La cause écologique mondiale validée en 2015 est celle des émissions de gaz à effet de serre. Le changement climatique est LA menace globale sur laquelle des investissements massifs sont effectués, des technologies développées, des systèmes financiers (bourses carbone) mis en place, des politiques énergétiques déclenchées. Si le climat de la planète n'a pas encore modifié profondément les société humaines via son réchauffement causé par l'homme, l'humanité est, elle, déjà chamboulée par les changements que celui-ci impose au niveau sociétal, économique, etc, pour empêcher l'avenir climatique qu'il a calculé et annoncé.

Le dioxyde de carbone rejeté par l'humanité étant le principal responsable de ce réchauffement global modélisé pour le futur, toute activité directement concernée en termes de rejet de ce gaz doit être régulée afin de parvenir à des émissions qui doivent redescendre à des niveaux de 2005 de façon globale. Sauf l'aviation et le transport maritime, puisque l'économie étant au cœur du dispositif, il ne serait quand même pas très bon de limiter ces transports. C'est en tout cas ce qu'ont décidé les décideurs de la COP21 en 2015.

Et c'est ainsi que les espèces de vertébrés disparaissent, leurs populations se réduisent (il ne reste que 7000 guépards), sous le regard bienveillant des "écologistes du climat", dont Nicolas Hulot en France est le représentant attitré. Ces populations de vertébrés ne se réduisent pas ou ne disparaissent pas à cause du changement climatique, les scientifiques ont bien identifié le problème. C'est l'activité humaine, à grands coups de champs de soja OGM géants, d'extension des villes, des routes, de pollution chimique des sols, de l'eau, de déforestation, de massacres et d'extension de l'agriculture intensive qui tue la faune. Particulièrement depuis 60 ans, et de façon industrielle et exponentielle depuis une vingtaine d'années.

Des milliards aux labos de recherche et aux industriels, mais rien pour freiner la 6ème extinction

Nous sommes aujourd'hui face à une contradiction assez terrifiante. D'un côté un réchauffement anthropique nécessitant la baisse des émissions de gaz à effet de serre, sans garantie qu'elle soit suffisante — d'après le GIEC — pour contenir le dit réchauffement à moins de 2 degrés avant la fin du siècle ; et de l'autre, une 6ème extinction des espèces — certaine — à… 30 ans.

Des milliards de dollars continuent à être engouffrés par des labos de recherche, des institutions, think-tank, associations, pour continuer d'évaluer le changement climatique futur, échanger des crédits carbone, financer des transitions énergétiques, informer les populations, accompagner les industriels, les particuliers : l'économie mondiale est en mutation globale pour effectuer une transition globale "climatique", et tout ce qui est en lien avec le réchauffement-changement climatique peut-être financé, pris en compte, régulé. Mais qu'en est-il de ce qui n'est pas directement lié à ce phénomène ?

Les politiques axées sur l'agro-écologie et la réduction des monocultures, l'arrêt des pesticides, de la contamination de l'eau, des sols, la limitation de l'industrie chimique, des OGM, de l'élevage intensif, des destructions environnementales par des multinationales dans des pays émergents, tous ces éléments indispensables à mettre en œuvre de façon urgente ne sont pas au calendrier des sauveurs de planète climat actuels. Ce qui est terrifiant. Puisque dans 30 ans, à ce rythme, la température n'aura peut-être augmenté que de 0,5 ou 1 degré grâce aux voitures électriques et aux technologies à 0 émission de CO2, mais la planète ne sera que très difficilement viable. L'équilibre naturel, la biodiversité ne sont pas là pour simplement occuper les amoureux de la nature ou tourner des documentaires animaliers. Les déséquilibres par extinction d'espèces ont de nombreuses conséquences à l'échelle du globe : propagation de maladies, disparition de végétaux, destruction irréversible d'écosystèmes, problèmes de pollinisation, invasion d'espèces animales, etc…

Nicolas Hulot a donc fait des annonces depuis son ministère de l'écologie solidaire. Une belle campagne marketing basée sur deux décisions totalement déconnectées de la destruction massive des espèces et parfaitement incompatibles : remplacer massivement la voiture essence ou diesel par l'électrique tout en réduisant la capacité de production électrique du pays. La question n'étant pas que le nucléaire doive être conservé — il est évident que cette énergie n'est pas tenable et va finir par coûter très cher, que ce soit en investissements pour la faire perdurer qu'en vies humaines ou en destruction de l'environnement — mais plutôt comment en sortir en diminuant notre consommation électrique ?

Avec une calculatrice, un collégien de 3ème peut facilement expliquer à Nicolas Hulot que son annonce est parfaitement intenable : les véhicules électriques, même s'ils seront améliorés dans les prochaines années, consomment et continueront à consommer beaucoup d'énergie électrique pour être rechargés. Aujourd'hui, en moyenne, une voiture électrique Zoé consomme 14 kWh par 100 km. Soit la consommation totale d'un foyer français pendant 48h. Avec seulement 18 millions de véhicules électriques (moitié du parc automobile actuel) qui rouleraient 50 km par jour, il faudrait quasiment augmenter de 50% la capacité électrique du pays. Ne parlons pas des véhicules effectuant des trajets plus longs : la consommation française d'électricité, déjà trop importante en hiver face à la capacité de production du parc, ne peut qu'exploser avec le plan Hulot. Par mesure écologique ? Tout en laissant l'agro-industrie continuer à tuer les sols, polluer et assécher les nappes phréatiques, les multinationales accaparer des terres, déforester, détruire la biodiversité, permettre à l'élevage bovin de se développer en usines ?

Il semble bien que oui.

Avec au final une certitude : le nucléaire ne descendra pas à 50% de la production électrique française en 2025, et Hulot annoncera très certainement cette impossibilité dans quelques temps, tandis que les émission de gaz à effet de serre de la France passeront nécessairement de 0,9% de l'ensemble à 0,5% en 2040. Ces 0,4% de CO2 français en moins, par an, à l'horizon 2050 sur la planète, méritent bien de ne rien faire pour endiguer la 6ème extinction des espèces en cours.

C'est une évidence…

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