Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Sémantique journalistique à propos de Londres

Les mots ont un sens. Ceux qui les manient ont donc une grande responsabilité. Ce qui sera écrit et publié par la presse aura un impact certain sur l'opinion publique. Les émeutes de Londres sont un exemple frappant. Unanime hier, la presse (qui reprend souvent des dépêches d'agences telles que) titrait en substance "Grande-Bretagne : premier mort dû aux émeutes". Depuis quand des émeutes tuent-elles des gens ? Avec leurs petits poings musclés ?

Les mots ont un sens. Ceux qui les manient ont donc une grande responsabilité. Ce qui sera écrit et publié par la presse aura un impact certain sur l'opinion publique. Les émeutes de Londres sont un exemple frappant. Unanime hier, la presse (qui reprend souvent des dépêches d'agences telles que) titrait en substance "Grande-Bretagne : premier mort dû aux émeutes".

Depuis quand des émeutes tuent-elles des gens ? Avec leurs petits poings musclés ? Qui a déjà vu une émeute tirer sur des émeutiers ? Physiquement, ça ressemble à quoi une émeute ?

En revanche, il est beaucoup plus fréquent de croiser des policiers armés de pistolets qui tirent des balles. Balles qui peuvent tuer. Dans le cas de Londres, Mark Duggan, père de quatre enfants, est bien mort d'une balle tirée par la police et reçue dans la poitrine. Quant au "mort dû aux émeutes", il s'agit d'un homme de 26 ans, blessé par balle dans une voiture, lundi soir. Pour l'instant, rien ne permet d'attribuer cette mort aux forces de l'ordre, mais il y a fort à parier qu'elle ne le sera pas.

Le Monde.fr titrait comme la majorité de ses confrères sur ces émeutes qui tuent.

 

La Dernière Heure faisait de même :

 

Dans l'absolu, ce n'est pas faux. S'il n'y avait pas eu d'émeutes, ce jeune homme ne serait sans doute pas mort. En revanche, ce ne sont pas les émeutes qui l'ont tué. Une main a appuyé sur la gâchette. Et ces émeutes n'auraient probablement pas eu lieu si la police n'avait pas tué Mark Duggan.

Les bavures policières ne sont pas une vue de l'esprit. Certaines sont des bavures, des accidents et leurs auteurs sont probablement à plaindre car leurs vies sont bouleversées aussi. D'autres sont le produit d'une rhétorique. Et dans ces cas, les auteurs ne regrettent probablement pas leurs gestes. On ne peut pas tuer une idée, mais les idées peuvent tuer.

 

 

Il ne s'agit pas de dédouaner des gens qui pillent et détruisent tout sur leur passage. Mais il n'est pas acceptable non plus de laisser la presse formater les esprits du bon peuple par une sémantique très particulière. En évitant de pointer ce qui a déclenché ces émeutes, en évitant de tenter de comprendre ce qui peut bien pousser des gens à prendre le risque de se retrouver en prison, on oriente l'opinion publique.

La BBC interrogeait mardi 9 août un militant britannique de longue date, Darcus Howe. Visiblement, son analyse de la situation n'a pas plu à la journaliste qui l'a constamment coupé et a tenté de le faire aller dans le sens de ce qu'elle entendait faire passer comme message. C'est à peu près aussi pathétique que des gamins qui pillent et brûlent tout ce qu'ils trouvent, sans discernement et souvent, en bas de leur immeuble.

 

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée