Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Relisons ensemble le communiqué d'Amesys...

C'est toujours passionnant d'observer l'évolution de la communication externe d'une entreprise lorsqu'elle est plongée dans une crise informationnelle. Sur Kitetoa.com, dès 1998, nous pointions du doigt de grosses entreprises ou des gouvernements en expliquant que leurs serveurs sur Internet étaient des passoires. Et cela ne ratait jamais, nous avions droit dans les heures qui suivaient à ce que nous avions baptisé la "gadgetophrase". Le truc automatique, qui sort plus vite que son ombre.

C'est toujours passionnant d'observer l'évolution de la communication externe d'une entreprise lorsqu'elle est plongée dans une crise informationnelle. Sur Kitetoa.com, dès 1998, nous pointions du doigt de grosses entreprises ou des gouvernements en expliquant que leurs serveurs sur Internet étaient des passoires. Et cela ne ratait jamais, nous avions droit dans les heures qui suivaient à ce que nous avions baptisé la "gadgetophrase". Le truc automatique, qui sort plus vite que son ombre. Et qui est normalement destiné à dédouaner le responsable de la boulette. Généralement, cela donne une sorte de "le serveur en question était totalement déconnecté de nos bases de données et à aucun moment les données personnelles de nos clients n'ont été mises en danger". Ce qui permettait de sortir quelques informations gardées sous le coude et démontrant que si, si, si, les données personnelles des clients avaient été mises en péril.

Aujourd'hui, Amesys a mis quand même plusieurs jours pour pondre sa gadgetophrase. Mais celle qu'elle a trouvée est énorme. Elle a commencé par mettre hors ligne son site Web principal (cela évite de laisser en ligne des documentations sur ses produits). Puis a publié un communiqué amusant. Que nous allons relire ensemble.

 

Suite à un grand nombre d’informations erronées ou fausses parues dans les médias, Amesys tient à apporter les précisions suivantes

Attention, ça va être compliqué. La presse diffuse des informations. Donc, des faits. Ahhhh, ouiiii, mais ces faits sont erronés ou faux. C'est connu, dans la presse, il n'y a que des menteries. Regardez par exemple l'affaire Bettencourt. Que des menteries. Heureusement, les gens qui sont au centre des "informations" fausses ou erronées véhiculées par les méchants journalistes vont apporter des "précisions" nécessaires et, on s'en doute bien plus "vraies".

Amesys a signé un contrat en 2007 avec les autorités libyennes. La livraison du matériel a eu lieu en 2008.

Bîîîp.... Question des journalistes menteurs :

Amesys nous dit dans la plus longue gadgetophrase jamais publiée depuis 1998 (date à laquelle on a commencé à tenir des comptes) qu'elle va apporter des précisions nécessaire pour rétablir la vérité. Amesys affirme donc avoir signé un contrat en 2007 et livré du matériel en 2008. Mais en juin dernier (2011), Owni, aiguillé par Reflets, avait posé la question à Olivier Boujart, responsable de l’export chez Amesys : est-ce que vous n'auriez pas déployé des matériels d'interception en Libye ? Il déclarait à l'époque “ne pas avoir connaissances des activités du groupe [en Libye]”. Du coup, la question se pose, doit-on croire sur parole, aujourd'hui, Amesys, plus qu'hier ?

Le contrat concernait la mise à disposition d’un matériel d’analyse portant sur une fraction des connexions internet existantes, soient quelques milliers. Il n’incluait ni les communications internet via satellite – utilisées dans les cybercafés -, ni les données chiffrées – type Skype -, ni le filtrage de sites web. Le matériel utilisé ne permettait pas non plus de surveiller les lignes téléphoniques fixes ou mobiles.

Là, c'est du lourd... Pour commencer, il faut savoir de quoi on parle. Nous nous permettons donc de coller le descriptif du produit Amesys déployé en Libye (descriptif qui a opportunément disparu du site d'Amesys depuis le début de sa crise informationnelle).

Amesys a donc déployé un outil permettant de récupérer les mails, les conversations MSN, AIM, Yahoo, surveiller les réseaux GSM, satellite,  etc. Le tout sur des volumes et à une vitesse étonnantes :

Mais en fait, non, c'était juste pour surveiller quelques comptes de terroristes d'Al Qaeda.

Ce contrat a été signé à l’époque dans un contexte international de rapprochement diplomatique avec la Libye qui souhaitait lutter contre le terrorisme et les actes perpétrés par Al-Qaïda. (2007 : année de la libération des infirmières bulgares). (Déc. 2007 : visite officielle de Mouammar Kadhafi en France ; Juil. 2009 : rencontre de Barack Obama et Mouammar Kadhafi en Italie).

Ah. Voilà, c'est un peu la faute du gouvernement de Nicolas Sarkozy qui faisait des appels du pied très appuyés à Mouammar Kadhafi. Oui, c'est ça. Sinon, Amesys n'aurait jamais été prospecter en Libye.

Sauf que seul un illettré débile peut ignorer les aspects sanglants de Kadhafi ces 40 dernières années.

Citer Al Qaida, pourquoi pas. Mais puisque l'on parle de terrorisme, doit-on citer les liens étroits entre Kadhafi et : l'IRA, l'ETA, les Brigades Rouges, l'attentat de Lockerbie, le vol 772 d'UTA...?

Il y a aussi ceci qui est un peu troublant : pourquoi Amesys tente-t-elle de justifier à grands coups de communiqués et de disparition de site Web, une vente qui ne porte de toutes façon que sur un tout petit matériel ne permettant d'espionner que quelques misérables connexions Internet et ce, dans le cadre très légitime de la chasse au méchant terroriste d'Al Qaida ?

Le safari de terroriste d'Al Qaida, c'est toujours autorisé. Le safari d'opposant libyen ou syrien, moins.

Toutes les activités d’Amesys respectent strictement les exigences légales et règlementaires des conventions internationales, européennes et françaises.

Fort bien. Et donc, comme nous l'indiquions dans un précédent article, toute la documentation très détaillée sur cette vente se trouve dans les bases du SGDN. Amesys en a forcément une copie. Les deux peuvent, dans ce contexte de petite crise informationnelle, produire publiquement tout cela. Que l'on sache exactement ce qui a été vendu avec l'imprimatur du premier ministre français à un dictateur patenté. Mieux vaut de la transparence que des supputations ou des menteries de journalistes...

 Amesys n’opère aucun centre d’écoute téléphonique ni internet à aucun point du globe.

Mais en vend de très jolis. La preuve.

"Opérer", "vendre", tout est dans la sémantique.

Amesys a toujours privilégié un développement dans les zones géographiques avec lesquelles la France ou l’Europe nouent des partenariats stratégiques.

C'est pas nous, c'est le gouvernement qui vend a des dictateurs sanglants. Alors nous, ben on fait comme lui. Et le matin, quand on se regarde dans la glace, on se dit : "c'est pour lutter contre Al-Qaida et c'est la faute de Nicolas Sarkozy". Comme ça, ça va.

La stratégie d’Amesys est de mettre au point des systèmes informatiques critiques permettant la protection du patrimoine numérique de ses clients ou la sécurité physique des personnes (véhicule shadow : contre les déclenchements à distance de bombes lors de passages de convois).

Et des systèmes Glint/Eagle  qui espionnent les gens.

Les activités d’Amesys s’intègrent également dans les procédures de contrôle interne définies pour éviter toute irrégularité au sein du groupe Bull, dont elle est filiale depuis 2010.

Ouf. Ah, oui, mais attendez... Du coup, les fonds versés illégalement à Ziad Takkiedine évoqués par Lemonde et Mediapart, c'était avant, quand i2e/Amesys ne contrôlait pas les irrégularités ?

Amesys ne communique jamais sur ses activités par région mais souhaite – compte tenus de circonstances exceptionnelles en Lybie – éviter toute désinformation préjudiciable à ses équipes, ses clients et ses partenaires.

Rectification : Amesys porte atteinte à l'image d'Amesys et de ses salariés en vendant des technologies dont tout le monde sait pour quoi elles seront réellement utilisées par un dictateur psychopathe.

Amesys réserve ses droits concernant les atteintes qui pourraient être portées à son image ou à sa réputation.

Assignez-vous vous-même tout de suite !

Le 1er septembre 2011

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