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par Antoine Champagne - kitetoa

Rachat de Bull par Atos ; l'impunité et le cynisme

Nous vous en parlions hier : les politiques de droite comme de gauche ont couvert les agissements des entreprises Amesys et Qosmos. Celles-ci ont pu vendre impunément leurs outils mortifères à toutes sortes de dictatures et d'Etats policiers avec la bénédiction des équipes de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. L'implication de la DGSE dans ces opérations est patente.

Nous vous en parlions hier : les politiques de droite comme de gauche ont couvert les agissements des entreprises Amesys et Qosmos. Celles-ci ont pu vendre impunément leurs outils mortifères à toutes sortes de dictatures et d'Etats policiers avec la bénédiction des équipes de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. L'implication de la DGSE dans ces opérations est patente. Toutes les questions des rares parlementaires remettant en question ces ventes ont reçu des réponses à faire pâlir un pipotron de la meilleure facture. Quant aux questions des journalistes, c'est encore mieux, elles n'ont reçu aucune réponse. Reflets a même réussi à se faire traiter de troll par un conseiller de Fleur Pellerin. C'est dire si la consigne "Circulez, il n'y a rien à voir" est érigée en règle ultime dans ce domaine. Hier, Atos a annoncé le rachat de Bull pour 620 millions d'euros. On peut assez logiquement considérer que le marché est libre de se réorganiser comme bon lui semble. Toutefois, il n'est pas complètement idiot de faire un rapprochement pouvant sembler à première vue, hasardeux : ce rachat est une illustration du comportement de ce que le mouvement Occupy appelle les 1%. Impunité à tous les étages, accaparement glouton des richesses dans un laps de temps minime et surtout, sourire en coin, façon de dire aux 99% que l'on se contrfout de ce qu'ils peuvent bien penser et faire. Le vote FN aux européennes participe du rejet d'une classe politique considérée comme étant totalement asservie par les 1%. Ce type de rachat devrait contribuer à raidir ceux qui, au courant du parcours de Philippe Vannier, patron de Bull, se sont laissés tenter par les sirènes puantes de Marine Le Pen. On n'est pas sortis de l'auberge...

Petit retour en arrière. En janvier 2010, Bull raconte à la presse l'inverse de ce qu'elle fait. La société annonce reprendre la SSII Amesys. En réalité, Bull s'offre à Crescendo Industries, la maison mère d'Amesys. Crescendo, la maison mère d’Amesys, reçoit 24 millions d'actions soit à peu près 20% du capital de Bull post augmentation de capital, à quoi Bull ajoute 33 millions en numéraire (du liquide). Au total, l’entité Amesys (qui regroupe plusieurs filiales) est valorisée à 105 millions d’euros (72 millions en actions et 33 en liquidités). Résultat de l'opération, Crescendo détient 20% du capital de Bull devenant ainsi de très loin le premier actionnaire après France Telecom (autour de 10%).

En 2009, avant la fusion des deux sociétés, nous avions Bull avec un chiffre d’affaires consolidé de 1,110 milliard d’euros et Amesys avec un chiffre d'affaires prévu à 100 millions d’euros en 2009. Il est donc, c'est une évidence, parfaitement logique que Amesys absorbe Bull au plus grand profit de Crescendo Technologies, détenu par Philippe Vannier et ses deux associés historiques...

Evidemment, cela ne loupe pas, Philippe Lamouche, patron de Bull de l'époque se fait débarquer quelques mois plus tard et Philippe Vannier le remplace. Il est fort improbable que Philippe Lamouche n'ait pas vu venir l'avenir qui se dessinait pour lui. On peut raisonnablement supposer qu'il n'a pas eu le choix de refuser cette reprise du capital de son entreprise par une petite SSII aixoise.

De fait, celle-ci avait, avec l'appui des nervis de Nicolas Sarkozy, vendu un système d'écoute global, le fameux Eagle, à la Libye de Kadhafi. Le début d'une aventure menée par l'Etat français, consistant très probablement à mettre en place un système reposant sur le DPI made in France et ressemblant à celui de la NSA, dénoncé par Edward Snowden.

La principale différence entre les deux infrastructure étant que la NSA a investi des sommes sans doute colossales pour la mettre en place tandis que la France l'a vendue à des dictatures et des Etats policiers particulièrement fâchés avec les Droits de l'Homme tout en en conservant l'usage.

La reprise de Bull par Philippe Vannier, qui ressemble fort à un cadeau de remerciement pour services rendus et à un projet d'optimisation des ressources françaises visant à mettre en place un système d'écoute global, était donc dès le départ une très belle opération pour l'actuel patron de Bull.

D'autant que cette belle opération financière se double par la suite d'une totale impunité. Amesys a vendu un système Eagle à un dictateur sanguinaire sous couvert de lutte contre le terrorisme alors que la société avait pour interlocuteur Abdallah Senoussi, beau frère du guide suprême, mais aussi, condamné en France pour terrorisme, justement, en raison de son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA. Pour autant, à part une plainte pour complicité d'actes de torture déposée par des ONG, rien n'est venu troubler la quiétude de Philippe Vannier.

Celui-ci va désormais vendre Bull à Atos.

Un peu de chiffres... Crescendo Technologies a donc repris Bull pour zéro euros si l'on considère que cette holding a juste transféré ses avoirs dans un ensemble plus grand et qu'elle contrôlait par la suite, ou 105 millions d’euros si l'on retient les chiffres avancés par le document de référence de l'AMF. Atos achète Bull pour 620 millions. Ou 4,90 euros par action. Dont 24% environ sont directement entre les mains de Crescendo Industries. Qui se retrouve donc virtuellement à la tête d'environ 145 millions d'euros quatre ans après l'opération Bull-Amesys. On peut aussi intégrer la dépréciation des actifs Amesys opérée par Bull en 2011 (quelque 31,5 millions d'euros) et valoriser Amesys à 73,5 millions d'euros. Culbute dans ce cas : 71,5 millions d'euros.

Demain, encore, peut-être, lors de la revente d'Atos à une autre société...

Allez ! En avant, vers l’au-delà et l’infiniiiii….

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