Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Pauld

Quand l'industrie du divertissement envisage de nous interdire de choisir nos DNS

C'est le séisme du moment : plusieurs syndicats des industries du divertissement audiovisuel (oui autant commencer par détendre l'atmosphère en utilisant un oxymore), ont assigné en référé les plus importants FAI français ainsi que quelques moteurs de recherche américains pour la plupart à faire cesser cet outrage qu'est la galaxie des Allochose permettant le téléchargement ou le streaming de films et séries sans se soucier du droit d'auteur – si vous ne le saviez pas, remerciez les pour la pub !

Plus que la question du droit d'auteur en lui-même, maintes fois débattu ici comme ailleurs, il est intéressant de regarder ce qui est envisagé, et pourquoi.

L'ensemble du document ne pèse pas moins de 110 pages dont la plupart a fuité sur le site PCInpact et sa lecture est extrêmement instructive sur ce qui nous attend d'un point de vue lobbyisme par ces « industries » dans les prochaines années, et particulièrement sur les mesures techniques envisagées.

Mais revenons quelques pages plus tôt de ce document à la lecture si agréable : l'ensemble de la problématique vient de l'impossibilité de retrouver le ou les responsable(s) desdits sites, et de l'assigner par conséquent en justice... Plutôt que de chercher, et même si l'auteur de l'assignation semble suffisamment sûr de ladite identité pour la livrer en pâture au TGI en point 75, autant envisager de suite la censure !

Et il faudra ensuite se farder plusieurs dizaines de pages de blabla juridique pour arriver aux solutions techniques envisagées – et là c'est la douche froide...

Tout cela est décrit site par site aux points 242 à 277 et précédemment au point 238 – c'est notamment au point 257 que l'ami Bluetouff nous signalait la mention de Telecomix dans les problèmes à résoudre relatifs aux sites miroirs...

La solution envisagée dans un premier temps (au point 238 et juste après avoir expliqué l'échec cuisant qu'est l'Arjel), le DPI, est finalement temporairement écartée aux points 242 à 277 , qui visent à mettre en place une combinaison de trois mesures : le blocage IP avec un certain nombre de garanties mais restant insuffisant, le blocage DNS avec une petite surprise, et le dé-référencement des moteurs de recherche avec une pleine et entière collaboration de l'ami Google qui n'a même pas attendu l'assignation en référé pour s'exécuter.

  • Sur le blocage IP  : le processus proposé intègre deux nouveautés : la surveillance des IP bloquées à intervalle régulier pour se prémunir d'effets de bord et la possibilité de faire bloquer des IP correspondant à un site déjà censuré de façon rapide et donc plus efficace... Sauf que même avec ces deux solutions fonctionnant à leur optimalité, il faut moins de quelques heures pour basculer un site d'une IP à une autre... Un site bénéficiant d'un pool d'adresses IP suffisamment grand contournera cela sans aucun souci.
  • Sur le blocage DNS  : il suffit bien entendu d'accéder à l'adresse IP de façon directe pour contourner ce problème ou même mieux, de changer de service de résolution de DNS... Du coup l'auteur de l'assignation se pose la question de la possibilité d'interdire cette pratique !

Aux points 242 (alloshowtv), 246 (allomovies), 250 (alloshare) et 254 (allomovies) est rédigé l'alinéa suivant :« Dans l'hypothèse où le contournement de la mesure de blocage DNS ne pourrait pas – pour des motifs juridiques – être neutralisée par une interdiction de l'usage par les abonnés d'un service (empêchant les utilisateurs de changer les adresses IP DNS fournies dans le cadre de l'abonnement souscrit auprès de leur FAI pour leur substituer par exemple des services tels que OpenDNS, Google DNS etc...), une mesure complémentaire d'un autre ordre paraît s'imposer visant à déréférencer le nom de domaine sur les principaux moteurs de recherches opérant sur le territoire français »

Vous avez bien lu : faute de pouvoir, pour le moment (parce que l'on y travaille) interdire aux gens de jouir du choix de leur service de résolution de DNS on va être obligé de déréférencer... Au-delà du fait que cela n'a rien à voir avec la choucroute, ce point est particulièrement inquiétant s'il devait devenir l'un des chevaux de bataille de ces industries.

Mais on peut aller plus loin !

Puisque le but est le contrôle de ces foutus DNS qui nous empoisonnent la censure, pourquoi ne pas carrément les centraliser au ministère de l'intérieur – ça apportera une solution à la LOPPSI et enlèvera cette charge aux FAI... Et même comme cela on ne sera jamais sûr de réagir suffisamment tôt pour que cesse ce méchant piratage (je ne parle plus du cas Allochose) alors autant se passer d'un juge, on l'a fait pour la LOPPSI ; et les agent assermentés de l'ALPA et de TMG sont tellement compétents qu'on peut leur faire confiance aveuglément, l'assermentation après tout fut inventée pour ça : un coup de tampon sur un document = confiance aveugle.

Et puis une fois que l'on a mis ça en place et constaté un nouveau recul de 35% du piratage on pourra s'attaquer à tous ces foutus miroirs qui n'auront pas manqué de pulluler et envisager sérieusement le DPI, ultime recours évoqué à demi-mot au point 277 précisant :

« Il faut considérer ces mesures techniques comme un pas de plus dans la lutte contre la contrefaçon sur Internet. Il devra sans doute y en avoir d'autres, que nous ne pouvons pas encore imaginer [ndlr : #feaaaar], parce que nous ne connaissons pas la réaction qu'auront les délinquants. »

On n'est pas sortis de la berge !

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