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par Stanislas Jourdan

Pourquoi le défaut de la Grèce n'est pas seulement nécessaire : il est souhaitable et légitime

Après de longs mois d'acharnement thérapeutique afin d'éviter que la Grèce fasse faillite, il est temps de bien faire comprendre qu'un défaut de la Grèce n'est pas seulement l'ultime solution, c'est la voie la plus raisonnable et la plus juste. Le raisonnement est évidemment applicable pour d’autres pays...   1.

Après de longs mois d'acharnement thérapeutique afin d'éviter que la Grèce fasse faillite, il est temps de bien faire comprendre qu'un défaut de la Grèce n'est pas seulement l'ultime solution, c'est la voie la plus raisonnable et la plus juste. Le raisonnement est évidemment applicable pour d’autres pays...

 

1. Par pragmatisme économique, il faut effacer une partie de la dette

 

La dette de la Grèce est de toute façon trop lourde (160% du PIB), trop chère (en termes de taux d'intérêt), et l'économie grecque, en ruine après des années d'effritement de la croissance, l'entropie de l'Etatisme ambiant, et plus récemment avec les effets dévastateurs des politiques d'austérité particulièrement agressives qui n'ont fait qu'empirer le problème.

Dans ces conditions, il n'y a aucune chance que la Grèce tire une croissance suffisante pour rembourser en totalité sa dette. Et il faut donc par pragmatisme accepter ce simple constat et infliger une décote aux créanciers.

Mais bien sûr, il aurait fallu le faire en mai 2010, quand la dette était encore majoritairement détenue par les banques. Comme la dette est désormais en grande partie dans le bilan de la BCE ou sous forme de prêts bilatéraux avec les pays de l'Union Européenne et le FMI, il y a bien peu de chances que nous allions dans ce sens malgré la pseudo décote de 50% sur les quelques 100 milliards d'obligations souveraines.

 

2. Un niveau de dette absurde économiquement

 

Outre l'argument du pragmatisme, un simple raisonnement de logique financière aboutit au constat que le niveau de dette est illégitimement trop élevé.

Dans une économie qui se veut "libérale", il n'y a (normalement) pas de rémunération sans effort et/ou prise de risque. Pourquoi la dette souveraine échapperait-elle à cette logique de base ?

En admettant ce principe, deux possibilités logiques s'imposent :

  • soit la dette est effectivement risquée, alors un taux d'intérêt élevé est légitime, mais cela implique que le risque justifiant cette rente peut se réaliser. En d'autres termes, un Etat comme la Grèce peut tout à fait se mettre en faillite et ne pas rembourser ses créanciers.
  • soit on stipule que la dette souveraine n'est pas risquée (ce qu'ont présumé pendant trop longtemps les marchés, sans que cela ne soit inscrit nulle part dans des textes de lois !), auquel cas les taux d'intérêts élevés tels que le sont ceux de la dette des pays méditerranéens sont absolument illégitimes. Pourquoi ? Tout simplement car la prime de risque est alors nulle (la prime de risque étant ce qui justifie une partie du taux d'intérêt, en plus du taux d'actuariat) . Dans une telle hypothèse, les taux devraient être capés à un certain niveau (+/- celui de l'inflation) , ou la Banque centrale devrait pouvoir prêter en dernier ressort à l'Etat. Mais en contrepartie, tous les moyens requis pour rembourser la dette seraient également légitime (austérités, privatisations etc).

Les deux options sont potentiellement acceptables, mais il faut choisir entre l'une ou l'autre : les investisseurs ne peuvent pas avoir l'absence de risque ET les juteux rendements ! Donc soit la définition actuelle de l'intérêt par le marché est OK, mais la Grèce peut (et doit) faire défaut. Soit la dette n'est pas risquée, mais alors le taux moyen de la dette grecque (5% environ) est illégitimement surévalué, ce qui justifie parfaitement une restructuration de la dette, par une baisse du taux d'intérêt et/ou le rachat des bons du trésor par création monétaire de la Banque centrale (ce qui revient à annuler une partie de la dette).

Ce qui dans tous les cas, aboutit à un effacement partiel de la dette !

 

3. La dette odieuse d'une démocratie malade

 

En plus de ces raisonnements très financiers, il ne faut pas oublier également qu'une partie de la dette grecque est proprement immorale, et par conséquent son remboursement est illégitime. En effet, derrière les scandales liés à l'Eglise orthodoxe, les faramineux budgets militaires, le maquillage des comptes avec l'aide de Goldman Sachs et autres phénomènes de corruption et de laxisme politique, qui ont alourdi la dette grecque sans le plein consentement des citoyens, derrière tout cela se cache une faillite non financière pour le coup : la faillite de la Démocratie.

Je crois que c'est fondamental de ne pas l'omettre : les grecs sont avant tout victimes d'un système étatiste devenu fou et dont les citoyens, même armés de leur bon sens, ont perdu le contrôle.

Alors bien sûr, on me rétorquera que les citoyens grecs sont aussi tous coupables des conséquences de leurs votes, et je le nie pas. Mais au final, une minorité oligarchique (proche du pouvoir...) a très bien profité de ce phénomène sur le dos de ces concitoyens, si bien qu'il est parfaitement injustifiable de faire porter le poids du problème majoritairement sur la population "non privilégiée". D'autant que celle-ci a déjà bien souffert jusque là. Stoppons l'hémorragie avant la guerre civile.

Pour toutes ces raison, le moyen le plus simple et juste de sortir de cette crise est de reconnaître l'illégitimité de la dette produite par un système que l'on peinerait à décrire comme "démocratique", et qui alimente les juteuses rentes de la sphère financière.


Illustration CC freestylee

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