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Édito
par Yovan Menkevick

Politique : le besoin urgent de créer de nouveaux modèles

Difficile, dans ce pays aux paysages merveilleux et aux pinard uniques [la Frrrrrrrance], de parler politique. Créer du sens, chercher, échanger sur les possibilités de faire cité, mène immanquablement au phénomène dit du clivage. Droite, gauche, gauche de la gauche, extrême droite, droite de la droite, voire Rouge-Brun, et même Bleu-marine : impossible de sortir de ces vieux clivages faits d'idéologies plus ou moins vieillottes et consternantes.

Difficile, dans ce pays aux paysages merveilleux et aux pinard uniques [la Frrrrrrrance], de parler politique. Créer du sens, chercher, échanger sur les possibilités de faire cité, mène immanquablement au phénomène dit du clivage.

Droite, gauche, gauche de la gauche, extrême droite, droite de la droite, voire Rouge-Brun, et même Bleu-marine : impossible de sortir de ces vieux clivages faits d'idéologies plus ou moins vieillottes et consternantes. Le plus amusant est de voir la confusion la plus grande se répandre entre factions de la population visiblement irréconciliables parce qu'ancrées dans des camps qui ne peuvent que se combattre. Il y aurait ainsi les gens ancrés à gauche : ils croient en des valeurs de gauche, plus ou moins marquées, jusqu'aux super représentants de Karl, gonflés aux slogans des auteurs du XIXème, et du début du XXème siècle, qui affichent des grands A comme on porte un tee-shirt de Death-Metal. Il faut bien marquer son identité et se laisser croire qu'on défend les bonnes valeurs, tout en vivant à rebours de celles-ci, sans aucune chance que le monde qu'on aimerait créer ne puisse exister un jour. Et quand bien même il existerait, pas certain que ceux qui pensent en être les principaux acteurs ne seraient pas les premiers à avoir du mal avec celui-ci : les anarchistes en carton remplissent les annales des combats politiques, la société post-moderne néo-libérale se porte très bien, merci pour elle. Et tant pis pour ceux qui l'ont prise en pleine poire.

Etre à droite, à gauche, ça sert à quoi ?

Vous êtes-vous déjà posé cette question ? Avez-vous besoin de vous définir par cette appartenance ? Si vous vous pensez à gauche (ce qui est en fait très difficile dans un monde carrément à droite, mais il y en a plein, pourtant), pouvez-vous vous demander ce que cela signifie ? Votre combat a-t-il une infime chance d'infléchir le rouleau compresseur mondial majoritairement basé sur une économie de droite, avec des politiques sociales de droite ? Que vous inspirent les pays qui appliquent des politiques véritablement marquées à gauche ? Si l'on pense à des nations d'Amérique latine, qu'est-ce que donnerait leur modèle mis en œuvre en France ? Dans le même temps, l'injustice flagrante du système actuel, piloté par des dominants qui écrasent une majorité de dominés n'est pas satisfaisant. Si l'on est de droite, on devrait se questionner sur la justesse du système mis en place par son propre camp, avec l'idéologie que l'on défend. Et donc, aucune proposition d'un quelconque courant de pensée politique n'est en mesure d'offrir un ré-équilibrage en faveur d'une société moins injuste, plus apaisée, humaniste, ouverte et se consacrant au bien public avant toute chose (ces éléments ne semblent pas appartenir à un camp plutôt qu'un autre, non ?). Mais qu'est-ce qui cloche donc ? Hummmm ?

Arrête un peu, deux minutes…

Gueuler contre plein de trucs est plutôt sain. Le décryptage des entourloupes massives qui nous plombent est nécessaire. Par contre, dès qu'il est question d'aller de l'avant, de proposer, d'essayer de vouloir inventer, c'est la catastrophe : les vieilles lunes ressortent, avec leur lot de théories politiques datées ou d'inventions malsaines soutenues par les pires élans. De l'extrême gauche à l'extrême droite, ceux qui aimeraient "faire la révolution", ou "changer le système" ne font qu'une seule chose : resserrer les rangs d'un grand nombre qui craignent les "solutions" bien marquées de chacun de ces camps. Quant à ceux qui veulent piocher dans les deux sphères idéologiques, c'est encore pire : ils créent une confusion des genres telle, que leur message, connoté des théories les plus moisies, en devient pathétique.

E&R : et si en réalité c'était un épisode de X-Files ?

Du côté des mous de la politique établie, les gestionnaires sans imagination, nourris aux petits arrangements et aux inventions fiscales, qui passent leurs journées à chercher comment saupoudrer,  retirer, qui du côté des entreprises ou qui du côté des salariés ou des chômeurs, c'est l'incurie la plus complète. La population le voit bien, et elle sait : ces deux camps, constitués d'un Parti Socialiste et d'une UMP sont une énorme farce. Il y aurait donc, visiblement, l'espace et la nécessité d'inventer quelque chose d'autre. Une forme nouvelle d'élan politique, un terreau créatif de propositions économiques, sociales, institutionnelles qui chercherait à penser le monde tel qu'il est, au XXIème siècle, avec ses avantages et ses défauts, et pas comme il devrait être selon telle ou telle croyance politique issue ou de la gauche ou de la droite. Ce n'est pas un parti du centre, ou un parti pirate qui devrait émerger, mais une nouvelle manière d'envisager et la politique, et la société, et surtout l'engagement. Pourquoi se connoter ? Vous connaissez des codeurs de gauches et des codeurs de droite ? Un admin de droite sécurise mieux un serveur qu'un admin de gauche ? L'humanisme est-il de gauche ou de droite ? Ni l'un ni l'autre mon capitaine : il y a des valeurs, qui rapidement deviennent du sens, qui n'ont aucune obligation à être cataloguées dans ces vieux camps étroits complètement désuets. La neutralité du Net ? Rien à voir avec une option idéologique marquée à gauche ou à droite. Il faut savoir s'arrêter un peu, deux minutes, parfois. Et le mieux vient quand on se recule encore un peu plus…

Fais gaffe, si tu continues, je te sors mon Chouard

Non, les types qui squattent la webosphère et les tentes de meetings, et qui prétendent justement réfléchir à un nouveau modèle, ne sont pas les bons. C'est une affirmation, et chacun a le droit de la contester en dégainant, par exemple, sa carte du Chouard-Club de la Vendée du Sud, ou du fan-club de François Asselineau de la région PACA. Ces individus ne veulent pas qu'on les taxe d'être à gauche ou à droite, et ils aimeraient beaucoup être l'Alternative. Mais ils ne le sont pas. Ils sont des avatars du vieux clivage, baignés d'une pensée en creux, basée sur l'idéologie très efficace, appelée populisme : c'est le peuple qui sait le mieux, donnons le maximum de pouvoir au peuple. Les très gauchistes adorent, les très droitiers aussi, et le reste se pose plein de questions. Parce que le peuple, c'est la majorité. Et si la majorité veut fermer les frontières, chasser les étrangers, rétablir la peine de mort, de l'autorité à tous les étages, revenir 50 ans en arrière, ça peut être un peu ennuyeux pour l'autre partie du peuple mis en minorité…

Etienne, il faut prendre des vacances, tu t'embrouilles là…

Avec un peu de distance, il apparaît clairement que les clivages politiques servent les professionnels de la politique des deux grands courants. C'est grâce à ces clivages que la population se divise et s'emmêle les pinceaux, et répète, décennies après décennies les mêmes procédés : vote, déception, grogne, vote, déception, grogne… Une aubaine pour les gestionnaires. La population, vieillissante, il est vrai, ne sait plus trop à quel saint se vouer. Certains en viennent même à penser qu'ils ne sont plus rien en politique : ni de gauche, ni de droite, puisque ni l'une ni l'autre n'est capable de proposer quelque chose de satisfaisant, qui améliore les choses. Certains pensent que ceux qui sont plus près de la "vraie gauche" pourraient être "en mesure de", mais avec des idées et des solutions très en déça des enjeux modernes, complexes et demandant beaucoup plus de souplesse que ce qu'une idéologie trop fortement ancrée ne peut offrir. Et puis, il y a encore et toujours des politiciens professionnels…

Ceux plus à droite que la droite de gouvernement y vont de plus en plus par dégoût des autres, par hargne pure aussi : il y a un désespoir politique certain dans ce pays. Et pourtant, c'est sur ce terreau là, justement qu'un nouveau modèle pourrait se constituer. Modèle que n'est pas le Collectif Roosevelt, malgré toutes les apparences de surface. Parce que ce nouveau modèle devrait être dégagé des vieux démons et des courants pathétiques bien connus. Un truc autonome, sans leader, sans politicien connu ou figure médiatique connoté, forcément. Mais avec plein de gens prêts à hacker le système, pas le détruire. Avec pour idée centrale : un nouveau modèle politique, pour un nouveau modèle de société. Ca aurait de la gueule. Mais pour ça, il faudrait arrêter un peu, deux minutes, et sortir de la propagande à caractère idéologique. Pour inventer, modifier, changer, innover, détourner le système en place qui asphyxie tout et tout le monde : une lente agonie qui peut durer encore longtemps. Et dans ce cas de figure, plus c'est long, plus c'est pas bon…

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