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par Antoine Champagne - kitetoa

Pari passu, pas vu pas pris, la BCE et le mur

Alors..., Vous avez vu ? L'euro est sauvé. Et c'est Mario Draghi qui l'a fait. Nicolas Sarkozy, le fameux sauveur de la zone euro peut aller se rhabiller. Ne parlons même pas de François Hollande et de son volet de croissance, ni d'Angela Merkel et de son austérité. Tous des petits joueurs. Il aura suffi que super Mario fasse quelques déclaration hier pour que la solution tant attendue soit enfin dévoilée. Paf !

Alors..., Vous avez vu ? L'euro est sauvé. Et c'est Mario Draghi qui l'a fait. Nicolas Sarkozy, le fameux sauveur de la zone euro peut aller se rhabiller. Ne parlons même pas de François Hollande et de son volet de croissance, ni d'Angela Merkel et de son austérité. Tous des petits joueurs. Il aura suffi que super Mario fasse quelques déclaration hier pour que la solution tant attendue soit enfin dévoilée. Paf ! Une annonce de rachat de dette sans limite, le conditionner à de l'austérité et hop, les marchés jubilent. Enfin "rassurés". Les marchés action sont au beau fixe, les taux des pays visés par l'annonce, l'Espagne et l'Italie, baissent. Bref, une réussite sur toute la ligne. Notez que même la presse française salue l'immense réussite de l'ancien vice président de la branche européenne de Goldman Sachs. C'est dire.

Reflets a obtenu une interview exclusive du professeur Philippulus, expert international qui a une vision un peu divergente.

- Reflets : Professeur, vous semblez peu optimiste à propos des décisions annoncées hier. Pourquoi ?

C'est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! Oui, nous aurons la peste ! ... Et le Choléra !... Et ce sera la fin du monde valet de Satan !

- Oui, bon..., mais nos lecteurs attendent des explications plus précises, Professeur...

Commençons par le concept du rachat de dette des pays en difficulté.

D'une part, les dernières tentatives de ce genre n'ont pas fonctionné, d'autre part, c'est un message terrible envoyé aux pays en question : vous avez vécu à crédit, vous allez pouvoir continuer.

- Mais cette fois c'est différent, ces rachat seront conditionné à des programmes d'austérité !

Les programmes d'austérité étaient mis en place avant. L’Italie et l'Espagne les ont démarré avant l'été. Plus d'austérité ne fera que freiner un peu plus une croissance déjà en berne. Pas de croissance, pas de recettes fiscales. Pas de recettes fiscales, pas d'assainissement des comptes. Pas de baisse de l'encours de la dette. La seule chose qui est certaine avec ces programmes façon FMI des années 80, ce sont des troubles sociaux très sérieux dans quelques temps.

Par ailleurs, accepter des mesures d'austérités comme annoncé va probablement impliquer des décisions au sein des parlements de ces pays. Et cela va décaler le début des opérations. Attendez que les marchés aient intégré cette donnée et vous verrez les taux de ces pays repartir en flèche.

- Vous êtes très négatif, Professeur. Cette fois, la BCE a lancé un message fort avec la séniorité !

Le fait d'opter pour le Pari Passu et donc de renoncer à son statut de senior bondholder ne fait qu'aggraver la situation, à terme. Premier point, cela implique que si l'Espagne fait défaut (et/ou l'Italie) ou si la dette de ces pays est restructurée, la BCE verra ses actifs terriblement dépréciés. La "stérilisation", c'est bien joli mais je n'y crois pas vraiment dans le cas qui nous occupe. Notez que les pays de la zone son ses "actionnaires". Qui paiera pour renflouer la BCE ? Les contribuables. S'ils le peuvent encore. Bon courage... En d'autres termes, pour que vous compreniez bien, on va faire payer aux citoyens les conneries des politiques, des financiers, des ultra libéraux. Le surendettement, que ce soit pour le secteur privé ou le secteur public, ça finit toujours de la même manière. On ne peut plus rembourser. Emprunter pour rembourser de la dette, c'est ridicule.

Deuxième point, lors des rachats de dette précédents, comme pour la Grèce, ceux-ci se faisaient avec un statut de séniorité. Du coup la Grèce, en cas de pépin, risque bien d'expliquer que ce que l'on fait pour l'Espagne, on doit le faire pour elle. Bien entendu, ce ne sont pas les mêmes marchés (dette primaire et secondaire), mais même si le droit permet, en toute logique, que les traitements soient différents, la Grèce ne se privera pas de pousser ses pions.

- Vous êtes un oiseau de mauvaise augure et en plus, les faits vous donnent tort ! Les taux espagnols ont baissé !

Et ? Vous trouvez que c'est une réussite une baisse de 6,6% à un peu moins de 6 % du dix ans ? L'Espagne ne s'en sortirait pas même avec une baisse très importante de ses taux long terme. Éviter un défaut, gagner du temps (encore et toujours), c'est possible avec la jolie monétisation de la dette décidée par Mario Draghi. Régler les déséquilibres macro économiques existants, c'est impossible. C'est tout le mécanisme annoncé hier et les pseudos solutions énoncées auparavant qui reposent sur des fondations bancales. Croyez-vous qu'il soit logique d'appliquer les mêmes "remèdes" (la même politique monétaire) à des pays ayant des environnement macro économiques aussi différents ? Tout ça ne peut que mal finir. C'est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! Oui, nous aurons la peste ! ... Et le Choléra !... Et ce sera la fin du monde valet de Satan !

- Reprenez-vous Professeur...

Vous avez raison, je m'égare. Revenons à la baisse des taux hier :

Elle est belle la baisse, hein ?

Attendez, prenez du recul pour avoir une meilleure vue.

Avec l'annonce d'hier, on atteint le niveau de mai dernier, soit à peine trois mois en arrière... Vous noterez par ailleurs que le dernier sommet de la dernière chance (Hollande-Merkel) du 29 juin 2012 - que tout le monde avait salué positivement, a eu un effet mitigé sur les taux espagnols à 10 ans.

L'Espagne est encore un peu loin des 3%, en dépit de 21 sommets de la dernière chance et de l'annonce d'hier par Mario Draghi. Temps de vie de l'annonce de Draghi ? Hum... Ajoutez à tout cela que le rachat de dette sur le marché secondaire est conditionné à l'acceptation par l'Espagne et l'Italie de nouvelles mesures d'austérité. Ce qui allonge le processus de déclenchement des achats. Que se passera-t-il entre aujourd'hui et ... début octobre au plus tôt ? Et puis appeler les pays à faire fonctionner le FESF et le MES (qui n'existe même pas encore)... Coucou Mario, l'Espagne est l'un des principaux contributeur de ces fonds. Vu son état... En même temps, il y a de la logique à faire sauver le mourant par... le mourant...

- Attendez Professeur, même Christine Laboulette Lagarde a dit que c'était une annonce formidable : "We see the ECB’s action as an important step toward strengthening stability and growth in the Euro Area."... "une étape importante vers le renforcement de la stabilité et de la croissance dans la zone euro" ?

Voyons voir... Hier Mario Draghi a dit lui même : "Au-delà du court terme, nous nous attendons à ce que la reprise de l'économie de la zone euro n'intervienne que très graduellement. La dynamique de la croissance devrait rester freinée par le nécessaire processus d'ajustement des bilans dans les secteurs financier et non financier, par l'existence d'un chômage élevé et par une reprise irrégulière." "La croissance économique dans la zone euro devrait rester faible avec les tensions persistantes sur les marchés financiers et l'incertitude renforcée qui pèsent sur la confiance et le sentiment. L'intensification renouvelée des tensions sur les marchés financiers peut potentiellement affecter l'équilibre des risques sur la croissance et l'inflation."

Quant aux économistes du Fonds Monétaire International que "dirige" Mme Christine Laboulette Lagarde, ils ont abaissé leurs perspectives de croissance le 16 juillet dernier, notamment pour la zone euro (voir page 6, 7 et 8 notamment).

En résumé, je vous annonce que des jours de terreur vont venir!... La fin est proche!... Tout le monde va périr!... Et les survivants mourront de faim et de froid!... Et ils auront la peste, la rougeole et le choléra!...

- Merci professeur. vous pouvez remettre votre camisole. L'interview est finie.

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