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Dossier
par Antoine Champagne - kitetoa

Oh... Le Wall Street Journal retrouve Amesys, filiale de Bull, en Libye

Le 31 mai dernier, Reflets vous présentait les gros ordinateurs souhaités par le député Jacques Myard pour civiliser les Internets :  le GLINT, d’Amesys. Nous évoquions à demi mot la présence d'Amesys dans quelques pays dirigés par des dictateurs. Ce papier faisait partie d'une série sur le Deep Packet Inspection, une technologie qui a (en gros) deux utilisations possibles : la gestion du trafic sur les réseaux des opérateurs et, la surveillance des opposants par des dictatures.

Le 31 mai dernier, Reflets vous présentait les gros ordinateurs souhaités par le député Jacques Myard pour civiliser les Internets :  le GLINT, d’Amesys. Nous évoquions à demi mot la présence d'Amesys dans quelques pays dirigés par des dictateurs. Ce papier faisait partie d'une série sur le Deep Packet Inspection, une technologie qui a (en gros) deux utilisations possibles : la gestion du trafic sur les réseaux des opérateurs et, la surveillance des opposants par des dictatures. En clair, pour certains, ces outils sont des armes. Hier, nous avons évoqué clairement, cette fois, la présence massive de BlueCoat en Syrie, avant que des journalistes étrangers ne puissent le confirmer sur place. Ce qui ne manquera probablement pas d'arriver. Car une fois les révolutions terminées, il y a des gens pour aller découvrir les activité douteuses des producteurs de DPI. Le Wall Street Journal publie aujourd'hui un article dans lequel il met clairement en cause le français Amesys (Bull) dans l'aide à la traque des opposants au régime du colonel Kadhafi.

 

On relira donc avec un intérêt particulier et un sourire bien jaune les déclarations d'Olivier Boujart, responsable de l’export chez Amesys et qui déclarait à Owni le 10 juin dernier : “ne pas avoir connaissances des activités du groupe [en Libye]”. A l'époque, Owni avait emboité le pas de Reflets sur le sujet du DPI et fait ce que nous nous refusons de faire pour l'instant : appeler les entreprises sur lesquelles nous écrivons (j'expliquerai peut être ça un jour si ça intéresse quelqu'un). C'était donc un complément particulièrement utile à nos propres investigations. Avoir le point de vue de ces sociétés : elles démentent jusqu'au dernier moment la moindre implication dans la chasse aux opposants. Graver dans le marbre ces déclarations permet de les relire quelques mois plus tard, quand on découvre qu'elles sont très éloignées de la réalité.

Comment Monsieur Olivier Boujart explique-t-il aujourd'hui ces quelques lignes dans l'article du Wall Street Journal ?

The recently abandoned room is lined with posters and English-language training manuals stamped with the name Amesys, a unit of French technology firm Bull SA, which installed the monitoring center. A warning by the door bears the Amesys logo. The sign reads: "Help keep our classified business secret. Don't discuss classified information out of the HQ."

(...)

In the room, one English-language poster says: "Whereas many Internet interception systems carry out basic filtering on IP address and extract only those communications from the global flow (Lawful Interception), EAGLE Interception system [le système d'interception d'Amesys, NDLR] analyses and stores all the communications from the monitored link (Massive interception)."

 

Le WSJ cite comme exemple une conversation via Yahoo Chat entre deux personnes. Ce qui nous fait dire à nouveau que lorsque l'on développe des modules spécifiques pour écouter et décoder des échanges via Facebook, Gmail, Yahoo, etc, on sait pertinemment à qui l'on va vendre ça et pour quoi faire.

On peut être faux cul quand on fait du business, mais il y a des limites.

Disons que la limite, c'est quand on commence à prendre ouvertement les gens à qui l'on s'adresse pour des cons.

Le journal américain ne tape pas que sur le français Amesys (Bull) et pointe également du doigt Narus

On notera ce passage de l'article du Wall Street Journal :

The sale of technology used to intercept communications is generally permissible by law, although manufacturers in some countries, including the U.S., must first obtain special approval to export high-tech interception devices.

Qui nous intéresse particulièrement, sachant que BlueCoat est massivement déployé en Syrie. Cela voudrait dire que BlueCoat a obtenu une autorisation des autorités américaines ?

 

 

#toutvabien

Pour ceux qui seraient intéressés (amis journalistes si vous vous réveillez un jour), Amesys est un truc un peu nébuleux. Au premier abord...

Voici donc quelques informations prémâchées...

Je vous la fais courte. Amesys appartient à Bull depuis le 10 janvier 2010.

 

C'est Crescendo Technologies qui le lui a cédé. En échange, Crescendo devient l'actionnaire de référence de Bull avec 19,87%. Pour compliquer un peu l'histoire, le patron d'Amesys,  Philippe Vannier, devient président directeur général de Bull le 10 mai 2010.

 

 

Une manière de vous dire que le sort et les contrats d'Amesys doit particulièrement tenir à coeur de Philippe Vannier, président directeur général de Bull, lui même ancien patron d'Amesys.

 

Bien entendu, quand on fait du DPI et des trucs informatiques complexes du même tonneau, on ne fait pas que de la vente de matériel et de logiciels. Il y a du conseil, de la maintenance, de l'accompagnement...Du coup, quelques filiales :

 

Amesys c'est un chiffre d'affaires de 40,219 millions d'euros en 2010. Dont seulement 3,297 millions à l'export. Ce qui nous laisse 36,922 millions de chiffre d'affaires réalisé en France.

Chez Reflets, on a mauvais esprit, c'est bien connu. On se demande, bien entendu,  ce que peut vendre Amesys et à qui, pour un tel montant. Mais surtout pour faire quoi...

 

La forte implantation d'Amesys en Libye est par ailleurs évoquée en long en large et en travers dans les documents liés à Ziad Takieddine et publiés par Mediapart. Selon l'un de ces documents, i2e, une société du groupe Amesys aurait versé une commission de 4,5 millions d'euros au marchand d'armes Ziad Takieddine. A l'époque, on trouvait à la tête d'Amesys, et donc d'i2e, un certain Vannier Philippe.

Le Monde précise que :

Dans un courrier aux autorités libyennes, M. Vannier évoque, pour vanter sa technologie de contre-mesures d'écoutes électroniques, "le ministre de l'intérieur français", qui "dispose d'une réelle connaissance corroborée par une collaboration avec la société spécialisée dans ce domaine", I2e donc.

 

N'étant pas comptable, ni dans les petits papiers d'Amesys, je ne saurais vous dire si les 3,410 millions d'euros de chiffre d'affaires de Amesys International représentent la vente de produits de DPI à l'étranger ou pas et en quoi ils diffèrent des ventes à l'export d'Amesys.

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