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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Nous n'avons pas les mêmes valeurs, M. Sarkozy

Le président de la République a fait un discours à l'ambassade des Etats-Unis en mémoire des morts du 11 septembre. L'idée est louable. Le fond, en revanche, laisse à désirer. C'est à ce genre de déclarations, qui sont faites en notre nom malheureusement, que l'on comprend le fossé qui nous sépare de ce président qui restera dans les livres d'histoires au chapitre des pires que la République Française ait connus.

Le président de la République a fait un discours à l'ambassade des Etats-Unis en mémoire des morts du 11 septembre. L'idée est louable. Le fond, en revanche, laisse à désirer. C'est à ce genre de déclarations, qui sont faites en notre nom malheureusement, que l'on comprend le fossé qui nous sépare de ce président qui restera dans les livres d'histoires au chapitre des pires que la République Française ait connus.

Ce texte, à peu près aussi lamentable que le discours de Dakar, montre combien nous n'avons pas les mêmes valeurs.

Commentons-le pour mieux comprendre :

 

Monsieur l’Ambassadeur, Chers amis,Aux heures les plus sombres de son histoire, la France a toujours pu compter sur le peuple américain. Par deux fois, c’est au sacrifice de ses fils que la France a dû de rester une nation libre. Sans vous, les Américains, nous n’aurions pas pu conserver notre liberté. Nous n’avons pas le droit de l’oublier, nous ne l’oublierons jamais, ces liens sont des liens indélébiles. Quand vos fils sont venus mourir sur notre terre qu’ils ne connaissaient pas, ils sont venus mourir pour une idée qui était commune des deux côtés de l’Atlantique. Cela, c’est la base, ce sont les fondations de la relation entre les États-Unis d’Amérique et la France. C’est pour cela que nous vous aimons et pour cela que nous sentons proches de vous.

Jusqu'ici tout va bien. L'auditeur/lecteur ressent un sentiment trompeur de soulagement. Pour une fois, Nicolas Sarkozy et son nègre ne s'expriment pas (en notre nom) pour nous faire dire des inepties.

Et chaque fois qu’un soldat américain tombe, où que ce soit dans le monde, la France se sent solidaire des États-Unis d’Amérique, parce que ce jeune soldat, il ressemble à celui et à ceux qui sont tombés par deux fois pour nous et qui ont fait le sacrifice de leur vie.

Cela ne pouvait pas durer. Voyez-vous, M. Sarkozy, personnellement, si je me sens solidaire de la famille des pauvres soldats qui meurent actuellement sur les terrains irakiens et afghans, je ne me sent pas du tout solidaire des idées, des motivations, de ce qui sous-tend ces guerres décidées par des présidents méprisables au service d'intérêts privés. Leur sacrifice est vain et justement, ces jeunes soldats ne ressemblent en rien à leurs grands-pères ou arrière grand-pères, ceux qui ont lutté au nom d'une idée louable, la lutte contre le fascisme.

Alors quand vous, les États-Unis d’Amérique, vous avez été touchés en plein cœur le 11 septembre, c’est chaque Français qui s’est senti frappé. Les barbares avaient choisi New York comme épicentre, mais cela aurait pu être Paris et nous nous sentions à ce moment-là, au même titre que vous, les cibles de ceux qui sont les ennemis de la démocratie. _En tant que chef de l’État, j’ai ressenti comme un devoir d’être aujourd’hui, Monsieur l’Ambassadeur, en terre américaine, à vos côtés pour commémorer ce 10e anniversaire qui restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les hommes et pour honorer tous ces innocents tombés, victimes d’une idéologie de haine, d’une idéologie de mort que rien ne peut expliquer et que rien ne peut justifier.__ Dix ans ont passé qui n’ont rien effacé du souvenir de ces destins brisés et tous les Français se souviennent de ce qu’ils faisaient en ce 11 septembre, tant ils ont été bouleversés par ce qui vous est arrivé. Et au soir du 11 septembre, au fond, nous les Français nous nous sentions américains comme jamais._

Je ne me suis jamais senti, français, américain, ou autre chose. Je me suis toujours senti, en revanche, habitant de la planète Terre. Et ce jour-là, je me suis senti être humain, plus encore que les autres jours.

Dix ans après cette tragédie, je voudrais dire au nom de la France que les 3 000 enfants de l’Amérique et de dizaines d’autres nations qui ce jour-là ont été arrachés à la vie, resteront à jamais, aussi, des enfants de France, parce que leur mort à une signification universelle, et parce que la France sait ce qu’elle doit à l’Amérique. _Monsieur l’ambassadeur, mes chers amis,__ Si la mémoire reste intacte et la douleur vive, ce dixième anniversaire nous donne aussi des raisons d’espérer._En détruisant aveuglément autant de vies, au cœur de la démocratie américaine, c’est aux valeurs de toutes nos démocraties que les terroristes voulaient porter un coup fatal.

C'est juste. Mais parfois, ceux qui se disent les plus grands démocrates sont ceux qui la détruisent à petit feu. En attaquant peu à peu tous les fondements de ladite démocratie. Ils ne s'en rendent peut-être même pas compte, mais au nom de la protection de la démocratie, ils l'achèvent. Ou la transforment en oligarchie.

C’est aussi à la coexistence apaisée entre les civilisations qu’ils comptaient rendre impossible, en pensant jeter irrémédiablement l’un contre l’autre notre monde occidental et le monde musulman.

Sans doute. Ceci dit, ils ne sont pas les seuls. L'invention du "Choc des civilisations" ne vient pas de ce côté-là. En outre, la stigmatisation permanente, depuis 2007, elle est ne s'est jamais aussi bien portée...

De cette ambition à proprement parler démente - car non seulement ces gens sont des barbares, mais ce sont des fous, des déments, une bande d’assassins qui ne méritent même pas d’être reconnus comme porteurs d’une idéologie -, de cette ambition démente, il ne reste aujourd’hui que le crime et que la sauvagerie. Voilà l’héritage de ces gens : le crime et la sauvagerie.

La culture n'est, de notoriété publique, pas le fort de Nicolas Sarkozy. Il gagnerait pourtant sans doute beaucoup à lire Lao Tseu. Voici ce que ce dernier disait à propos des ennemis : "Celui qui hait son ennemi a perdu d'avance". Il est utile de connaitre ses ennemis. En revanche, exclure de l'humanité des gens, aussi méprisables soient-ils, c'est se mettre sur le même plan qu'eux.

Dix ans après, Ben Laden est mort. Al Qaïda est décapitée. L’Afghanistan n’est plus ce sanctuaire de l’obscurantisme d’où les terroristes planifiaient impunément leurs attaques à travers le monde.

Notez tout de même, M. Sarkozy, que de nombreux experts, y compris au sein de l'armée Française s'inquiètent. Pour eux, l'Afghanistan est un bourbier. Pour eux, les "Talibans" marquent des points. Pour eux, l'Afghanistan est redevenu l'un des premiers pays exportateurs d'opium... On en passe.

Après le doute né de l’effroi et de la violence du choc, nos sociétés sont restées ouvertes, sont restées fidèles à leurs valeurs.

Nous y voilà. Justement, non, les démocraties ne sont pas restées fidèles à leurs valeurs. Elles les ont reniées en se cachant derrière le spectre du terrorisme.

On ne combat pas les terroristes avec les méthodes des terroristes.

En effet. Sauf que, au nom de la lutte contre le terrorisme, les démocraties ont instauré une surveillance généralisée des populations, elles ont rétabli la torture, validé des enlèvements aux quatre coins de la planète, hors de tout cadre judiciaire, bien entendu. Elles ont laissé passer les vols fantômes de la CIA, participé à la mise en place de prisons officieuses. Elles ont validé le concept de l'enfermement sans perspective de procès, hors de tout cadre judiciaire, et surtout, sans perspective de sortie pour les prisonniers, parfois mineurs.

On dit que l’Amérique ce jour-là, a perdu son innocence. Alors, ce que toutes nos démocraties ont gagné, c’est la conviction que nous, les démocraties, nous n’avons pas le droit d’être faibles. La faiblesse face aux barbares, c’est de la complicité. Nous n’avons rien renié de nos idéaux. Nous sommes plus déterminés que jamais à les défendre, Monsieur l’Ambassadeur, vous avez raison.

Personne ne vous demande d'être faible, M. Sarkozy. Mais la force se mesure aussi à la capacité des démocraties de ne pas se laisser aller à utiliser les mêmes méthodes que celles que pourraient utiliser des terroristes. Et puis, M. Sarkozy, souvenez-vous, on est toujours le terroriste d'un autre.

Chaque jour depuis ce 11 septembre, davantage de peuples, partout dans le monde, se réclament de nos valeurs. En Tunisie, en Egypte, en Libye, en Syrie, au Yémen, dans tout le monde arabe et musulman que les terroristes prétendaient incarner, des millions de gens se sont levés pour les valeurs de la démocratie et de la liberté.

C'est probablement au nom de des "valeurs" que vous avez proposé d'envoyer en Tunisie des forces anti-émeutes françaises ? C'est probablement au nom de ces valeurs que vous avez laissé vos ministres, y compris le premier d'entre eux, aller passer des vacances aux frais des dictateurs en Tunisie et en Egypte ? C'est probablement au nom de ces valeurs que vous avez eu de si bons rapports avec Alexandre Djouhri, Robert Bourgi et Ziad Takieddine ? C'est sans doute au nom de ces valeurs que vous avez validé la vente d'un système de surveillance global de la population libyenne ? A quoi reconnait-on un homme politique ? Il ose tout, comme les cons de Michel Audiard.

A Benghazi et à Tripoli, les jeunes libyens sont descendus dans la rue. Ils n’ont pas dit : « à bas l’Amérique », ils n’ont pas dit : « à mort les juifs », ils n’ont pas dit : « à bas l’Occident et la France », ils ont dit : « des emplois, des universités, de la liberté ». Ils ont dit : « Plus d’OTAN, plus d’avions français dans le ciel pour lutter aux cotés de la jeunesse arabe ».

 

 

Les fous barbares du 11 septembre ne l’avaient pas anticipé. La plus belle réponse à ces assassinats en masse et à ces assassins, c’est la libération des peuples arabes, autour des valeurs qu’ont toujours incarnées l’Amérique et la France, la démocratie.

La liberté d'expression, les manifestation non violentes, l'aspiration à plus de démocratie semblent vous tenir à coeur. A vous comme à Barack Obama. Pourriez-vous demander à vos policiers de ne pas tuer des innocents dans le métro, de ne pas déloger les "indignés" partout dans le monde à coups de matraques. Y compris lorsqu'ils sont en chaises roulantes...

 

 

Mes chers amis d’Amérique, _Nous pouvons discuter entre nous, on peut ne pas être d’accord sur tout, mais sachez une chose, à travers les liens de l’histoire, la France sera toujours l’amie des Etats-Unis d’Amérique.__ Pour ma part, je resterai très fier d’avoir été le président qui a fait revenir la France dans le commandement intégré de l’OTAN, pour le plus grand bénéfice de l’OTAN et pour le plus grand bénéfice de la France. En faisant ce geste, la France n’a pas renoncé à son indépendance._

Voilà qui intéressera au plus haut point les victimes du 11 septembre et leurs familles.

La France n’est pas soluble dans l’OTAN, comme un sucre le serait dans un verre d’eau.

Il parait même que pierre qui roule n'amasse pas mousse...

La France défend ses intérêts, porte ses valeurs. Parce que la France les défend avec force, elle n’a pas peur d’être aux côtés de son grand allié, non pas comme un vassal mais comme un ami debout, pour regarder l’avenir ensemble, Etats-Unis d’Amérique et France. Nous devons cette solidarité à tous ceux qui sont morts, nous n’avons pas le droit de nous diviser en souvenir des morts du 11 septembre.Vous avez dit : Vive la France, moi je vais vous dire du fond du cœur : Vive les Etats-Unis d’Amérique, qu’ils vivent longtemps, parce que le monde a besoin d’Etats-Unis d’Amérique forts et confiants. Le monde n’a pas besoin d’Etats-Unis faibles et la France est fière d’être au premier rang des amis des Etats-Unis d’Amérique.

Étrange tout de même cette hantise de la "faiblesse"...

Voici, Monsieur l’Ambassadeur, ce qu’à travers mes propos, l’ensemble des Français voulait dire aux Etats-Unis en ce jour anniversaire.

Non. Pas tous les Français, M. Sarkozy. S'il nous avait été donné d'être à votre place à l'ambassade, nous n'aurions pas dit cela.

Merci à vous.

Mais de rien...

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