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par Antoine Champagne - kitetoa

MAM s'explique : la traductrice devait être bourrée

La ministre des Affaires étrangères était auditionnée ce matin par les députés, qui voulaient savoir pourquoi la voix de la France s'était distinguée sur le plan international en proposant au gouvernement tunisien le "savoir-faire" de nos forces anti-émeutes. La réponse de Michèle Alliot-Marie vaut son pesant de cacahouètes.

La ministre des Affaires étrangères était auditionnée ce matin par les députés, qui voulaient savoir pourquoi la voix de la France s'était distinguée sur le plan international en proposant au gouvernement tunisien le "savoir-faire" de nos forces anti-émeutes. La réponse de Michèle Alliot-Marie vaut son pesant de cacahouètes. A croire que ses propos à l'Assemblée nationale, vantant le "savoir-faire" français pour "régler des situations sécuritaires de ce type" était en fait traduits en simultané par une traductrice. Et comme la traductrice était bourrée, tout le monde a cru entendre Michèle Alliot-Marie dire quelque chose alors qu'en fait, elle avait dit... Le contraire. C'était donc ça...Voici ce qu'elle a expliqué aux députés ce matin :

"Je suis scandalisée par le fait que certains aient voulu déformer mes propos, qu'on les ait coupés, qu'on les ait sortis de leur contexte pour leur faire dire à des fins purement polémiques le contraire de ce que je voulais dire et de ma sensibilité aux souffrances du peuple tunisien".

Voilà. C'était donc le contraire qu'elle voulait dire. Mais le contraire de quoi à propos ? De ce qu'avait dit la traductrice bourrée, c'est à dire, de ça :

"Nous proposons que le savoir-faire, qui est reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. C'est la raison pour laquelle nous proposons effectivement aux deux pays de permettre dans le cadre de nos coopérations d'agir dans ce sens pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l'assurance de la sécurité"

Voici donc ce qu'il fallait entendre :

"Le peuple français, par la voix de son gouvernement, prend acte des aspirations justes du peuple tunisien, qui manifeste en ce moment son rejet d'une dictature ayant notamment confisqué le bien commun, aboli de fait la liberté de parole et l'expression de sensibilités politiques variées. Le gouvernement français condamne avec la plus grande fermeté l'usage de la force aveugle, les tirs à balles réelles contre un peuple souverain qui exerce son droit de manifestation. La France, fidèle à ses valeurs, saisira dès aujourd'hui le conseil de sécurité de l'ONU."

Il n'y a que les anarcho-gauchistes pour penser que Mme Alliot-Marie ait pu avoir un autre discours que celui-ci. Il n'est d'ailleurs pas impossible que cette mouvance ait soudoyé la traductrice ou l'ait embarquée au café du coin avant la séance pour la faire boire. Et tout ça a profondément marqué notre sensible ministre :

"J'ai fini par douter de moi, je venais de passer une nuit dans un avion, et il peut arriver qu'on s'exprime mal. J'ai relu mes propos pour vérifier que ce que j'avais dit correspondait bien à ce que je pensais et non pas à ce que j'entendais et aux interprétations qui étaient faites par certains".

Et puis, quand bien même la ministre aurait-elle prononcé ces mots, il faut garder en tête que :

"la France, pas plus que d'autres pays, n'avait vu venir ces événements (...) Soyons honnêtes: nous avons tous, hommes politiques, diplomates, chercheurs, journalistes, été surpris par la révolution de jasmin."

"Tous" ? Ahem... Peut-être les propos de Michèle Alliot-Marie étaient-ils traduits ce matin par une autre traductrice, sous ecstasy cette fois ? Que l'on sache, ni les Etats-Unis, qui ont fermement soutenu le peuple tunisien, ni les blogueurs, ni un grand nombre d'observateur, n'ont raté les images terribles en provenance des manifestations. Si Michèle Alliot-Marie a vraiment raté ces images, il faut que quelqu'un lui offre une nouvelle paire de lunettes, ou un accès à l'Internet non civilisé. Si elle n'a pas su les interpréter, il faudrait peut-être changer la ministre et ses analystes. Mais au fond, et même Martine Aubry semble l'oublier lorsqu'elle demande la démission de Michèle Alliot-Marie, quelqu'un peut-il sérieusement imaginer un instant que ces déclarations devant l'Assemblée nationale, impliquant l'envoi de forces anti-émeutes françaises à l'étranger, ont pu être faites sans l'aval du président Nicolas Sarkozy ? Qui lui demande des comptes ? Personne.

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