Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Fabrice Epelboin

Les ayants droits en appellent aux pédophiles

Le torchon juridique débusqué par PCinpact sur lequel s'appuient les ayants-droits pour faire avancer la censure de l'internet en France est riche en stupidités diverses et variées, et nous n'avons pas fini d'en faire le tour. Parmi les perles, outre le fait de vouloir réduire au silence l'opposition politique, on trouve un vieil argument utilisé à tort et à travers par les censeurs : les pédophiles pédo-criminels. Cet argument ne manque pas de saveur. Sur bien des points.

Le torchon juridique débusqué par PCinpact sur lequel s'appuient les ayants-droits pour faire avancer la censure de l'internet en France est riche en stupidités diverses et variées, et nous n'avons pas fini d'en faire le tour.

Parmi les perles, outre le fait de vouloir réduire au silence l'opposition politique, on trouve un vieil argument utilisé à tort et à travers par les censeurs : les pédophiles pédo-criminels.

Cet argument ne manque pas de saveur. Sur bien des points.

Le premier d'entre eux, étant que les réseaux qui distribuent de la pédopornographie ont anticipé depuis belle lurette la censure. Pour les férus de technologie, ce rapport, réalisé en 2009, retrace l'histoire des technologies et des business models de ces réseaux.

Téléchargée à plus de 4500 exemplaires, cette étude a servi au parti Socialiste durant le débat relatif à l'article 4 de la loi Loppsi au Sénat en 2010, et prouve de façon irréfutable que le filtrage ne sera d'aucune efficacité pour lutter contre le commerce de la pédopornographie, ou contre la maltraitance faite aux enfants, pas plus qu'il n'évitera à des surfeurs innocents de tomber par mégarde sur des contenus qui ne sont plus, depuis longtemps, accessibles par mégarde sur le web, même en cherchant bien.

Mais ce rapport détaille également de façon très précise les techniques utilisées par les réseaux mafieux qui font commerce de pédopornographie. Ces techniques sont pour le moins fascinantes, et nous invitons tous les férus de technologie à en prendre connaissance. Pour simplifier, l'une des solutions mise en oeuvre consiste à mettre en place un réseau alternatif de machines relais, anonymisant au passage tout trafic, afin de guider l'acheteur vers des machines stockant les contenus, parfaitement invisibles car connectées à ce seul réseau parallèle et situées - à l'époque de l'étude - en Allemagne.

L'existence de cette infrastructure parallèle, confirmée à l'époque par des experts Anglais et Américains, pourrait - comme nous le prédisions à l'époque - servir également à la distribution de contenus copyrightés 'piratés'.

Le contact avec l'acheteur se fait à l'aide de sites web temporaires, d'une durée de vie n'excédant pas quelques jours, qui disparaissent au fur et à mesure de la traque que leur livrent les forces de l'ordre en charge de la lutte contre cette criminalité. En indiquer l'adresse à la 'clientèle' se fait avec du spam. Imparable, sauf à lire l'ensemble de votre courrier, ce qui, c'est désormais établi, est techniquement parfaitement réalisable à l'échelle d'une nation toute entière (nous y reviendrons). La procédure de filtrage proposée par les ayants droit consistant à traquer rapidement les sites 'pirate' pour les filtrer au plus vite a, comme on le voit, parfaitement été anticipée, et ce depuis 2005 environ.

Côté utilisateur, on proposera à ce dernier de payer à travers un système de monétisation censé donner accès à tout autre chose mais délivrant au passage un précieux sésame sous la forme d'un code, au besoin, à l'aide d'une monnaie virtuelle alternative, et - oh surprise - MegaUpload, qui est l'un des grands acteurs de la mafia du direct download, propose justement de tels moyens de paiement.

Tout est en place pour faire définitivement basculer le piratage, qui fut un temps l'apanage d'une bande de hippies 2.0 motivés par la seule envie de partager de la culture et des savoirs, dans le camp de redoutables mafieux. Cela tombe d'autant mieux que, justement, l'un des principaux bénéficiaires de la lutte acharnée qu'a mené Hadopi, en instaurant la surveillance du web, est justement un mafieu aguerri.

Mais revenons à nos pédo-criminels.

 

En invoquant une évolution des pratiques qui pourraient justifier une modification de la loi et une enfreinte à l'Etat de Droit, les ayants droits jouent avec le feu, et l'effet boomerang pourrait décapiter leurs plus ardents défenseurs.

Car la pédo-criminalité est l'exemple type d'une pratique qui a connu, dans les quelques décennies qui ont précédé l'apparition du web, une évolution profonde en terme d'acceptation sociale. On en mesure çà et là, à de multiples occasions, la rémanence, qui font remonter à la surface les échos d'un passé que personne n'ose regarder en face, et qui pourtant est confortablement installé dans notre culture.

Témoin, cette grande exposition, qui a valu à un service public Français, la RATP, et à une très prestigieuse maison d'édition, avec le partenariat de la Mairie de Paris, d'afficher partout dans le métro parisien le portrait d'un monument de la littérature Française, André Gide, à l'occasion d'un hommage qui lui est rendu. Quelques mois après que le ministre de la communication et de la Culture ait décidé de bannir Céline de tout hommage, ça laisse rêveur quant à la hiérarchie des valeurs et la tolérance à géométrie variable qui règne dans les hautes sphères des classes dirigeantes Françaises et leur velléité de filtrer internet.

Gide, qui est sans l'ombre d'un doute un monument de la littérature Française, au même titre que Céline, n'en fait pas moins, dans son oeuvre, l'apologie de la pédo-criminalité, tout comme d'autres romans plus contemporains, qui eux aussi ne manquent pas de qualités littéraires.

Alors, évolution des pratiques ? Continuité de celles-ci ? Ou géométrie variable pour ce qui est de leur tolérance ?

Un peu de tout, probablement.

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