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par Antoine Champagne - kitetoa

Le jour où le point Stasi est né

L'homme qui avait voulu faire croire qu'il était sur place pour attaquer le mur de Berlin au piolet le jour de sa chute tente de nous faire croire que la France utilise les mêmes méthodes que la Stasi, le service de répression politique de l'ex-Allemagne de l'Est. Il y a comme une forme de continuité dans le mensonge. Et tant que l'on y est, au regard de ces mensonges réitérés, Reflets exige sa démission ! Mais si...

L'homme qui avait voulu faire croire qu'il était sur place pour attaquer le mur de Berlin au piolet le jour de sa chute tente de nous faire croire que la France utilise les mêmes méthodes que la Stasi, le service de répression politique de l'ex-Allemagne de l'Est. Il y a comme une forme de continuité dans le mensonge. Et tant que l'on y est, au regard de ces mensonges réitérés, Reflets exige sa démission ! Mais si... On ne nous fera pas croire qu'un ancien président de la république, n'a pas été informé par ses collaborateurs du fait que les méthodes de la Stasi ne sont pas appliquées en France. Pas de meurtres d'opposants, pas de tirs à balles réelles sur les exilés fiscaux qui tentent de fuir le pays, pas de mise à l'écart des opposants politiques. Oui, Reflets l'affirme haut et fort, Nicolas Sakozy savait. Ce que l'on savait aussi, c'est que Nicolas Sarkozy est un homme dangereux pour la Démocratie. Il l'a confirmé dans sa bafouille aux Français, publiée dans la Pravda Le Figaro.

L'inversion du sens est une spécialité des néo-conservateurs. Dire une chose tout en pensant l'inverse. Façon Novlangue. A titre d'exemple, on pourrait par exemple citer George Bush qui affirme vouloir apporter la démocratie aux Irakiens. Nicolas Sarkozy ne déroge pas à cette règle. On peut le remarquer dès la fin du premier paragraphe de son courrier :

J'ai par ailleurs trop conscience des peines, des souffrances et des inquiétudes qu'endurent chaque jour tant de nos compatriotes pour ne pas mesurer la chance qui m'a si souvent accompagné tout au long de ma vie. Cette réalité mêlée à mon tempérament fait qu'aussi loin que je m'en souvienne je n'ai jamais aimé me plaindre. À 59 ans, il est sans doute trop tard pour changer. En tout cas, sur ce point…

Je ne me plains pas, mais vous allez voir, tout le reste de mon courrier n'est qu'une longue plainte... Le paragraphe suivant est sur le même thème.

Très vite, toujours dans le registre de l'inversion du sens, Nicolas Sarkozy commence sa plainte à propos de... ce qu'il a lui-même créé, c'est à dire un arsenal judiciaire qui permet à l'Etat français de surveiller massivement et avec bien peu de garde-fous.

Qui aurait pu imaginer que, dans la France de 2014, le droit au respect de la vie privée serait bafoué par des écoutes téléphoniques? 

Selon un décompte ancien de Jean-Marc Manach, au cours des dix ans de pouvoir de Nicolas Sarkozy, notamment comme ministre de l'Intérieur puis comme président de la république, pas moins de 42 lois sécuritaires ont été votées. Et pas des moindres. La loi Perben 2 par exemple. Ce point est particulièrement bien décrit dans cet article du Monde.

Et attention, voici le point Stasi, ou "Point S" :

Aujourd'hui encore, toute personne qui me téléphone doit savoir qu'elle sera écoutée. Vous lisez bien. Ce n'est pas un extrait du merveilleux film La Vie des autres sur l'Allemagne de l'Est et les activités de la Stasi. Il ne s'agit pas des agissements de tel dictateur dans le monde à l'endroit de ses opposants. Il s'agit de la France.

Ce point est merveilleux à double titre. Il renvoie à un imaginaire varié.

La Stasi tout d’abord, cette police politique qui a fait tant de victimes. Pourquoi ne pas avoir choisi la Gestapo ? Ah, zut, oui, c'était à droite ça. Non, la Stasi renvoie au méchant communiste qui mange des enfants.

Et pour des gens de la famille politique de Nicolas Sarkozy, c'est parlant. La guerre froide, le salut contre le Stalinisme, la belle époque du SAC, des arrangements entre amis.

Mais c'est la deuxième partie de ce paragraphe qui vaut son pesant de cacahuètes :

Il ne s'agit pas des agissements de tel dictateur dans le monde à l'endroit de ses opposants. Il s'agit de la France.

Sur ce sujet,  Nicolas Sarkozy en connaît un rayon.

Lui qui avec ses amis Claude Guéant et Ziad Takieddine ont permis à Mouammar Kadhafi de se procurer un très beau Eagle d'Amesys, pour justement, mettre sur écoute toute la population libyenne et surtout, les opposants du dictateur. Ce n'est pas tout. L'ancien président a également favorisé la vente de ce matériel à d'autre pays riants, connus pour leur respects des Droits de l'Homme, leur justice irréprochable, leur amour de la démocratie, leur police amicale et douce. Comme le Qatar, les Emirats, le Maroc, autres clients d'Amesys, et on en passe.

Et la France, dont parle Nicolas Sarkozy ?

Ah, oui, la France où son quinquennat a été marqué par une dotation faramineuse pour la DGSE, où les outils permettant une écoute massive ont été mis en place. Un doux pays où quelques services, découvrira-t-on peut-être un jour,  peuvent publier leurs propres routes BGP chez des FAI ?

Un pays où le gouvernement interrogeait les FAI pour savoir s'il était possible de faire une sorte de DPI directement dans les Box ?

Un pays où France Telecom offre un accès complet à ses flux à la DGSE ?

Un pays où le gouvernement de Nicolas Sarkozy a lancé un projet pharaonique pour multiplier les capacités d'écoutes téléphoniques ?

Un pays où le développement du Deep Packet Inspection était soutenu financièrement par la Caisse des Dépôts ?

La suite de la bafouille de l'ancien président est du même tonneau...

Dans la République, on n'écoute pas les journalistes, pas davantage que les avocats dans l'exercice de leurs fonctions!

Les journalistes du Monde en savent quelque chose. Ceux qui ont vu leurs ordinateurs volés dans des conditions rocambolesques aussi.

Quant au gouvernement actuel qui s'émeut des élucubrations de Nicolas Sarkozy par la voix du Premier Ministre, il devrait se poser quelques questions sur lui-même.

Dans un Etat de droit, les juges sont indépendants, et la police agit dans le cadre des lois. Le Gouvernement y veille scrupuleusement.

Bien sûr les juges sont indépendants. Bien sûr, la police agit dans le cadre des lois. La plupart du temps.

Quant à l'Etat de droit... Qui a laissé Amesys, puis AMESys continuer ses affaires avec les dictatures ? Qui a laissé un service de renseignement capter 70 millions de communications des Français en un seul mois et les transmettre à la NSA ? Qui a laisser perdurer [l'accord Lustre](reflets.info/?s=accord+lustre "Accord Lustre") passé très probablement sous la présidence Sarkozy ? Au pays des Droits de l'Homme, sous la gauche, on ne fraye pas avec des dictateurs comme Sarkozy qui recevait Kadhafi ou Assad. Non, non...

Il serait peut-être temps que les Français réalisent que leurs politiques, quel que soit leur camp, droite, gauche, extrêmes variées, les enfument.

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