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Édito
par Yovan Menkevick

Le fascisme : les mots et la réalité (historique)

(Après avoir fait réagir avec l'affiche de Pascal Colrat, agacé avec des constats politiques sur l'entre deux tours qui n'arrivent pas à être admis par une partie des lecteurs qui commentent, le temps est venu de faire œuvre pédagogique. Ah ! La pédagogie… C'est un peu prétentieux, hein ? Oui, c'est vrai, mais quand on lit ce qu'on lit et qu'on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend, ça devient une œuvre de salubrité publique, la pédagogie.

(Après avoir fait réagir avec l'affiche de Pascal Colrat, agacé avec des constats politiques sur l'entre deux tours qui n'arrivent pas à être admis par une partie des lecteurs qui commentent, le temps est venu de faire œuvre pédagogique. Ah ! La pédagogie… C'est un peu prétentieux, hein ? Oui, c'est vrai, mais quand on lit ce qu'on lit et qu'on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend, ça devient une œuvre de salubrité publique, la pédagogie.)

Une première chose : à Reflets on ne roule pour personne. Ecrire sur l'économie, l'histoire, la politique n'est pas ici une manière d'inciter qui que ce soit à aller dans un sens particulier, adhérer avec une quelconque idéologie. Le but est de s'emparer des sujets, de les tordre, les fouiller, sans état d'âme ni obligation éditoriale. Mais avec le plus d'honnêteté intellectuelle possible.

Alors, que vous soyez ou non en accord avec des analyses, des affirmations, est tout à fait possible, mais reprocher le manque d'analyse parce que vous pensez différemment de ce qui est écrit, tout en reprochant aux médias traditionnels d'être consensuels, de ne pas dire l'entière vérité est un peu paradoxal. C'est pourquoi, cet article modeste va essayer de compléter le "manque d'analyse" sur la tentation néo-fasciste, puisqu'une partie conséquente des commentaire démontraient, elle, un manque de culture historique, politique évidents. Alors, pas la peine de se fâcher en appelant à ma suffisance, ou l'étalage de "ma science" pour s'éviter de lire ce qui suit et venir ensuite dégueuler des contre-vérités : il est ici question de se pencher sur une réalité politique : le fascisme.

Pas celui qui vous est vendu depuis votre plus tendre enfance, à grands coups de camps de la mort et de croix gammées, de petit moustachu hystérique et de marches militaires. Non. Parce que le fascisme, ce n'est pas spécialement Hitler et le nazisme. Parce que l'histoire n'est pas une série télé produite par Spielberg, la politique un truc qu'on résume en trois phrases après s'en être préoccupé en regardant "le petit journal" de Canal+. On a le droit de ne pas tout savoir à 20 ou 25 ans, c'est pas interdit non  plus, même si on aimerait bien prouver le contraire…

Quand, comment et pourquoi le fascisme ?

Allez, on y va, sans appeler à des grandes théories, mais avec la fiche Wikipedia qui va bien, qui est tout à fait bien documentée et sourcée : http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'Italie_fasciste

Premièr point important, le contexte, en 1918-19, à la sortie de la première guerre mondiale, l'Italie est dans une crise économique terrible :

Au lendemain de la Première Guerre mondiale(…) Les caisses de l'État sont presque vides , la lire pendant le conflit a perdu une grande partie de sa valeur et le coût de la vie a augmenté de 450 %. Les matières premières manquent et l'industrie ne réussit pas à transformer la production de guerre en production de paix pour absorber l'abondante main-d'œuvre qui a augmenté en raison du retour des soldats du front.

Vous remarquerez, en gras, les similitudes entre la situation à l'époque, et la nôtre, aujourd'hui. Entre la dette, le coût de la vie, le problème industriel, le manque d'emplois. Bon, je vois que tout le monde suit. C'est bien.

Arrive ensuite le contexte social :

Dans une telle situation, aucune classe sociale n'est satisfaite et une profonde peur d'une possible révolution communiste s'insinue dans la classe bourgeoise. L'extrême fragilité socioéconomique conduit souvent à des désordres réprimés par des méthodes sanguinaires.

Tout ça, bien entendu, n'est que de l'histoire, hein…jamais au XXIème siècle nous n'aurions des situations similaires, mais oui, mais oui…

(…)les couches sociales les plus mécontentes et les plus sujettes à la propagande nationaliste qui, après le traité de paix, enflamme et alimente le sentiment de la « victoire mutilée »…

Une propagande nationaliste ? Non ? Si, si. Oh, les vilains italiens des années 20, ils étaient vraiment limités. Surtout les couches populaires, ben oui. Mais c'est une guerre qui les énerve, alors que nous, hein, mis à part la guerre contre le terrorisme, la guerre en Afghanistan, la guerre en Libye. Enfin bon, c'est pas certain non plus que seule la cause compte. On sent quand même que les conséquences ont un peu plus d'importance. Z'ont plus de boulot quoi, puis plus trop de thunes non plus. Enfin bon, passons à la suite :

(…) Les 119 personnes présentes (dont Mario Carli, Marinetti, Bottai, et le futur quadrumvirat de la marche sur Rome, Italo Balbo, Cesare Maria De Vecchi, Emilio De Bono et Michele Bianchi) s'accordent, tant bien que mal, sur un programme qui mêle revendications nationalistes et sociales.

Oh, oh, le beau programme ! Chouette chouette : du nationalisme et du social ? Mais qui donc aujourd'hui nous la fait comme ça ? Hum ? Allez, la suite :

(…)Le nouveau mouvement exprime la volonté de « transformer , s'il le faut même par des méthodes révolutionnaires, la vie italienne » s'auto-définissant « parti de l'ordre » réussissant ainsi à gagner la confiance des milieux les plus riches et conservateurs qui sont opposés à toutes manifestations et aux revendications syndicales des socialistes.

Oui, oui : transformer la vie de la société, parti de l'ordre, gagner la confiance des milieux les plus riches et conservateurs, comme en France, les campagnes, ou des déçus du sarkozisme, et puis surtout : opposés aux revendications syndicales. Oui, ces affreux cocos syndiqués, les corps intermédiaires…

(…)Néanmoins, le premier fascisme réussit à allier un aspect contre-révolutionnaire , et une mystique révolutionnaire de gauche, anti-marxiste , liée à l'origine politique de Mussolini et de ses premiers partisans.

Là, c'est du pu plagiat, chers lecteurs ! Allez lire programme de Marine, sa volonté de gouverner, ces saillies contre le libéralisme, son horreur du marxisme, ses envolées sur le retour d'une forme d'Etat-providence réservé aux seul nationaux. Si, vraiment, allez le lire et l'écouter : http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/

Continuons cette difficile et lente remontée à l'origine du fascisme, cette politique des temps de crise :

(…)lors des élections du 15 mai 1921, les fascistes, qui ont rejoint la coalition gouvernementale , obtiennent 35 sièges (dont Mussolini élu à Milan et Bologne) 5 sur les 275 élus de la coalition5. Mussolini prend place à l'extrême droite de l'hémicycle, marquant la distance avec le programme des Faisceaux, et présente le programme du fascisme parlementaire le 21 juin 1921.

Complètement compatibles avec la République, mais oui, mais oui, comme notre président nous l'a dit : si ces gens étaient dangereux ou allaient contre nos valeurs, on les interdirait. Ben en Italie aussi. Normal quoi. Pas des dangereux révolutionnaires, non, non.

Mais alors ils veulent quoi ? Ben des trucs comme ça, qui nous rappellent des trucs actuels, mais de loin, hein…

Celui-ci revendique une politique étrangère conservatrice (…)il condamne le communisme tout en promettant d'appuyer la CGL; se concilie le Parti populaire italien en condamnant le divorce , et en se prononçant en faveur de l'enseignement privé et de la propriété rurale, tandis qu'il affirme le caractère non-anticlérical du fascisme.

Et ouais. J'ai même plus envie de commenter tellement c'est limpide. Allez, la suite !

Mussolini veut calmer le jeu et utiliser la voie parlementaire. Il donne ainsi mandat aux députés fascistes Giacomo Acerbo et Giovanni Giuriati pour négocier un « pacte de pacification » avec les socialistes Tito Zaniboni et Ellero, signé le 3 août 1921 avec la participation de responsables de la CGL

Ouais, c'est de la politique le fascisme, on a beau essayer de l'expliquer, personne ne vous entend. Bizarre non ?

  Le 12 novembre 1921, le Parti national fasciste (PNF) est fondé : le mouvement devient un parti et il accepte certains accords constitutionnels avec les forces modérés.

PNF, FN, ces nationalistes sont prêts à tout pour faire de la politique !

Après les affrontements de Ravenne, les syndicats proclament une grève générale pour le 1er août 1922. Les fascistes, sur ordre de Mussolini, brisent la grève de manière très violente. Le mouvement fasciste gagne encore en popularité dans l'opinion publique car il est perçu comme le seul qui peut « remettre de l'ordre » dans le pays.

L'Italie forte quoi, avec un chef qui casse des grèves : ouais, ouais, cool, l'opinion est contente, il en a lui au moins, il se laisse pas faire par tous ces anarcho-syndicalistes…

Bon, pour finir, la politique économique, réelle, pas celle promise au départ, parce que bon, vous comprenez, en réalité, l'Etat, ça peut être encombrant aussi :

(…)Sur le plan économique, le fascisme poursuit, sous la direction du ministre de l'économie Alberto De Stefani (1922-1925), une politique d'inspiration libérale. Le 20 septembre 1922, Mussolini déclare : « Il faut en finir avec l'État ferroviaire, avec l'État postier, avec l'État assureur. » Le 18 mars 1923, il ajoute: « Je pense que l'État doit renoncer à ses fonctions économiques et surtout à celles qui s'exercent par des monopoles, parce qu'en cette matière l'État est incompétent. ». L'État fasciste transfert ainsi au privé plusieurs monopoles : celui sur les allumettes est cédé à un Consortium des fabricants d'allumettes; en 1925, l'État se désengage du secteur des téléphones, et renonce aussi à l'exécution de certains travaux publics. (…)Une loi de 1912 avait créé un Institut d'État pour les assurances, institut qui devait obtenir le monopole au bout de dix ans. Mais Mussolini transfère l'assurance-vie aux assureurs privés par la loi du 19 avril 1923. Les municipalités socialistes s'étaient engagées dans l'économie ; Mussolini ordonne qu'on « ralentisse le rythme de la municipalisation». À Pola, Turin, etc., des régies prospères sont ainsi transférées au privé.

P.S : Les commentaires sont bienvenus de la part de ceux qui auront lu l'article correctement, pas en diagonale ou en s'arrêtant après 10 lignes : le moindre des respects dans un débat d'idées est de lire vraiment ce qu'on veut commenter.

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