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par bluetouff

L'article qui cyberterrorisait tout Internet

by @Slim404 Nous savions que c'était dans les bacs, et le voici, maintenant adopté par le Sénat. Alors que dans le même temps, le Figaro évoque le fait que 95% des cas de radicalisation sont le fruit de rencontres bien physiques, c'est une fois de plus Internet que l'on stigmatise. L'Article 10 de la énième loi antiterroriste vient donc consacrer la pénalisation de la consultation de sites web "terroristes"... au sens large.

by @Slim404

Nous savions que c'était dans les bacs, et le voici, maintenant adopté par le Sénat. Alors que dans le même temps, le Figaro évoque le fait que 95% des cas de radicalisation sont le fruit de rencontres bien physiques, c'est une fois de plus Internet que l'on stigmatise. L'Article 10 de la énième loi antiterroriste vient donc consacrer la pénalisation de la consultation de sites web "terroristes"... au sens large. Car souvenez vous, le sens large, c'est celui adopté dans l'article 421-1 de la loi du 14 mars 2011 dont vous vous souvenez probablement plus du petit nom, la LOPPSI 2.

Article 421-1 _Modifié par LOI n°2011-266 du 14 mars 2011 - art. 18__ Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes : 1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, l'enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ; 2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ; 3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ; 4° Les infractions en matière d'armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par le I de l'article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-5, L. 2339-8 et L. 2339-9 à l'exception des armes de la 6e catégorie, L. 2339-14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l'article L. 2353-5 et l'article L. 2353-13 du code de la défense ; 5° Le recel du produit de l'une des infractions prévues aux 1° à 4° ci-dessus ; 6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;_7° Les délits d'initié prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier.

Et ce n'était qu'un début. Parce qu'une fois que la notion de terrorisme est aussi bien établie pour des atteintes à la vie que pour des délits financiers, en passant par de la détérioration de biens ou les infractions relatives aux mouvements dissous par arrêté, il était crucial d'introduire un peu de cyber dans tout ça, histoire de "moderniser" la loi.

On ne dérive plus, on cybersombre.

Il a donc le principe général, qui pose les bases en s'appuyant sur une définition la plus large possible du terrorisme. Assez pour qu'on s'en garde un peu sous le pied afin de réprimer toute personne visitant une page web de ce que quelqu'un a qualifié ou voudra qualifier de terroriste un jour ou l'autre.

Traduit en termes cyber, ça nous donne ceci :

« Art. 421-2-5-1. – Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende."

Les mots ont leur importance car ici, il n'est pas fait mention de sites web sur lesquels on trouverait trace de délits objectivement définissables comme "l'appel au meurtre" par ailleurs déjà réprimé par les articles 222-17 et 222-18 du code pénal

Le législateur ouvre donc la possibilité de réprimer bien plus durement, mais surtout, bien plus largement. Un "acte terroriste" n'étant pas forcément un acte entraînant la mort, on imagine assez aisément qu'on est toujours le terroriste d'un autre. La notion "d'organisation terroriste", qui trouvait déjà un pendant légal dans la notion de "bande organisée", viendra parfaire le décor.

Exemple de la vie quotidienne : le menu de navigation de Windows Vista est un attentat à l'ergonomie qui terrorise les utilisateurs, donc Microsoft est une organisation terroriste, donc visiter le site web de Microsoft est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende... et si en plus vous faites une mise à jour, vous voilà passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

L'exception qui marque une régression

  • Journaliste "professionnel", ne t'inquiète pas, les boites noires ne loguent pas ;
  • bloggueur, anonymise toi ;
  • lanceur d'alerte, ferme la.

« Le présent article n’est pas applicable lorsque la consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice."

"profession ayant pour objet d’informer le public" tout le monde aura compris que l'on parle de journaliste PROFESSIONNEL. Sont également exemptés les chercheurs (dont c'est l'objet d'étudier le "terrorisme") et les experts judiciaires.

La cerise sur le gâteau est une pastèque

Et la petite cerise qui criminalise de manière brutale à peu près tout ce qu'elle peut ou veut qualifier de terroriste :

« Art. 421-2-5-2. – Le fait d’extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l’apologie publique d’actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes afin d’entraver, en connaissance de cause, l’efficacité des procédures prévues à l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et à l’article 706-23 du code de procédure pénale est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. »

Si vous n'avez pas bien compris le message... si vous souhaitez créer un site miroir de Copwatch, de Wikileaks, d'un blog de ZADiste ou de bérets rouges c'est 5 ans et 75 000 euros d'amende.

Quoi ? Tu es "anonymous" et tu consultes Anonops ? ... toi tu vas avoir des problèmes...

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