Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

La presse mangée par Apple ?

Il n'y a pas que l'industrie du disque ou celle du cinéma qui souffrent de l'explosion d'Internet. De nouveaux usages se sont fait jour ces dernières années et les éditeurs de contenus ont du mal, plus de quatorze ans après les véritables débuts du Web, à trouver un business model. La presse ne fait pas exception.

Il n'y a pas que l'industrie du disque ou celle du cinéma qui souffrent de l'explosion d'Internet. De nouveaux usages se sont fait jour ces dernières années et les éditeurs de contenus ont du mal, plus de quatorze ans après les véritables débuts du Web, à trouver un business model. La presse ne fait pas exception. On est passé du tout gratuit, à la création de rédactions dédiées au nouveau média, puis à un modèle payant, pour revenir à un modèle reposant sur la vente d'espace publicitaire, en passant par toutes sortes d'idées farfelues. Rien n'y fait, le nombre de lecteurs plonge. Le développement des journaux gratuits, mauvaise resucée des dépêches d'agences n'a rien arrangé. Et puis... Et puis Apple est arrivé à la rescousse.

En mai dernier, les patrons de presse se félicitaient de l'arrivée de l'i-Pad. Une tablette présentée comme une "planche de salut".

Premier point, le nombre d'iPads nécessaires pour en faire une planche de salut est loin d'être atteint en France. Deuxième point, l'i-Pad tend à refermer le système. Le principe du Minitel, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, consistait à faire payer au temps passé. Plus vous restiez connecté à un serveur, plus la facture s'alourdissait. Tout bénéfice pour France Telecom, en situation de monopole, et pour l'éditeur de contenus. Une pratique qui est morte avec Internet. Impossible de faire payer au temps passé en raison de la nature même des protocoles de ce réseau.

Apple remet ce système au goût du jour avec la complicité des opérateurs. Il vous faut payer au nombre d'octets consommés si vous voulez bénéficier d'un accès continu (c'est à dire, si vous utilisez la 3G).

"Miracle!" clament alors en coeur les éditeurs et les opérateurs. Sauf que...

Sauf que ce serait sans compter sur l'inventivité des internautes. Ce système ne perdurera probablement pas. D'une part les applications payantes sont désormais accessibles gratuitement pour qui sait les trouver. D'autre part, les internautes utilisateurs de tablettes risquent bien de fuir ces options payantes au delà du raisonnable, d'autant qu'un forfait téléphonique existant n'est pas utilisable pour la tablette, il en faut un deuxième...  La 3G sera délaissée au profit du Wifi, ouvert à tous. Les solutions existent et risquent de se développer à vitesse grand V.

Par ailleurs, Apple a les yeux plus gros que le ventre. Persuadé qu'il est position d'imposer ses souhaits aux éditeurs de presse, comme un Google avec ses googlenews, le fabriquant d'ordinateurs et de téléphones leur demande près d'un tiers des recettes (selon nos dernières informations). Il veut conserver la liste des abonnés aux services, on en passe.

Voici donc les éditeurs de presse douchés. Leur planche de salut s'effondre.

Ils sont remis face à leur aporisme. Un problème qui semble insoluble. Alors qu'il l'est. Reste à trouver la solution...

En attendant, la qualité de l'information proposée aux lecteurs va continuer de s'effondrer. Car pour être présents sur les tablettes, il faut mettre en forme une information existante (pour d'autres supports comme le Web ou le papier). Et cela ne se fera pas tout seul. Pour autant, les éditeurs de presse ne vont pas embaucher. Leur situation économique catastrophique ne le leur permet pas. Ils vont donc demander à leurs journalistes de faire toujours plus, avec moins de temps, et pas d'augmentations de salaires. On trouvera donc sur les iPads à peu près la même information que sur Google News ou Yahoo News. Sauf que là, elle est gratuite. Ce n'est pas parce que l'on ajoutera un son ou une vidéo que le lecteur mettra la main à la poche...

En outre, à force de multiplier les accès par écrans, les éditeurs de presse s'aliènent les kiosquiers. Il y a peu de chance qu'ils puissent remonter la pente. Et il n'y a pas de quoi se réjouir. L'information est une composante essentielle de la démocratie. On peut reprocher ce que l'on veut aux journalistes et à leur traitement de l'information -et Reflets.info ne sera pas le dernier sur ce terrain- mais il faut bien reconnaître une chose. Si le journalisme est un métier, ce n'est pas anodin. Ne s'improvise pas journaliste le premier blogueur venu. Cela demande un peu de temps et de formation. Pour autant, l'esprit frondeur du blogueur est bienvenu et il est sans doute préférable de voir des blogueurs se transformer en journalistes (mais comment se rémunèreront-ils?) que des journalistes arriver sur le Web, enserrés dans un carcan que la presse traditionnelle leur impose.

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