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par Antoine Champagne - kitetoa

La haine en partage

Les présidents, les politiques en général, les intellectuels, les chefs d’entreprises, tous tweetent désormais. Mais pas seulement. Une très grande partie de la population se répand sur les réseaux sociaux. Et comme nous l’évoquions dans cet article, les « dirigeants » tweetent souvent des contre-vérités qui sont patentes. Il n’est pas nécessaire d’être un expert en fact-checking pour prendre la mesure du mensonge généralisé qui se développe dans la projection digitale de nos vies.

Les présidents, les politiques en général, les intellectuels, les chefs d’entreprises, tous tweetent désormais. Mais pas seulement. Une très grande partie de la population se répand sur les réseaux sociaux. Et comme nous l’évoquions dans cet article, les « dirigeants » tweetent souvent des contre-vérités qui sont patentes. Il n’est pas nécessaire d’être un expert en fact-checking pour prendre la mesure du mensonge généralisé qui se développe dans la projection digitale de nos vies. George Bush avait initié cette tendance : l’inversion du sens, le règne du faux. Ses successeurs l’ont transformé en art. Avec des répercussions inattendues. Notamment la haine en partage.

Internet qui relie les hommes par delà les frontières, les isole également. L’empowerment tant vanté est utilisé par les internautes pour s’imposer comme un super-héros ou un super-vilain. Celui qui peut faire plier « seul » les puissants ou dézinguer à grands coups de haine telle ou telle entité ou personne. Et les haters s’imposent à grands coups de mensonges et de haine. Ce constat est exposé longuement en introduction du livre de Thierry Keller et Arnaud Zegierman : « Ce qui nous rassemble », comment peut-on encore être français ?

Les haters sont désormais majoritaires. Tout au moins font-ils beaucoup plus de bruit que les autres. Avec bien entendu une palette de couleurs très variée. Du gris clair au noir le plus foncé. Il y a celui ou celle qui fait de la dérision sa marque de fabrique, mais aussi celui ou celle qui du côté fachosphère appelle au meurtre tous ceux qui ne pensent pas de la même manière.

Par petites touches, à base de dérision, d’humour plus ou moins fin ou par grosses tâches bien dégoulinantes de haine, nous contribuons tous finalement, « seuls ensemble » (Ibid.) sur les réseaux sociaux, à détruire le sens, à amincir ce qui nous rassemble, notre humanité. Paradoxal.

On finit par retrouver la configuration des conducteurs. Seuls dans leurs automobiles, ensemble sur la route, ils se haïssent, se menacent, s’insultent, se mettent en danger les uns, les autres.

Réseaux sociaux… Ils n’ont de social que l’appellation. Où est l’interaction sociale dans ces réseaux ? Une interaction sociale ressemble plus à un dîner entre amis, au partage en face à face qu’à un bon mot ou un appel à la haine sur Twitter, qu’à une vidéo de chats postée sur Facebook.

Bien entendu, il reste une partie de la population qui conserve un peu de sens commun. Ceux qui ne comprennent pas comment tant de haine, d’homophobie, de rejet de « l’autre » en règle générale peuvent devenir la règle. Ils espèrent... Espèrent que la raison l’emportera. Que les mensonges sont trop gros, qu’ils ne passeront pas.

Et pourtant… Et pourtant, toutes ces chaînes de mails, tous ces tweets qui circulent semblent démontrer le contraire. Selon les uns, la charia est appliquée par les tribunaux britanniques (si, si…), selon les autres, le grand remplacement est en cours. Pour d’autres, les lobbies homosexuels sont au pouvoir, quand ce ne sont pas les Juifs, les Illuminatis ou les reptiliens qui ont juré de diriger et de saigner le monde. Essayer d’opposer à cela de la rationalité, du fact-checking, est finalement vain. Tous les arguments logiques deviennent la preuve d’un complot.

Et si c’était foutu ? Et si la haine l’avait emporté ? Et si le vivre-ensemble était devenu impossible ?

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