Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
Édito
par Fabrice Epelboin

La bourse ou la vie ?

Question centrale pour notre beau système en république populaire de France, qui a du empêcher de dormir ce week end notre président du pouvoir d’achat et des produits dérivés : la bourse, ou la vie ?

Question centrale pour notre beau système en république populaire de France, qui a du empêcher de dormir ce week end notre président du pouvoir d’achat et des produits dérivés : la bourse, ou la vie ?

A l’heure où le gigantesque château de cartes à rustine qu’est devenu le système financier mondial s’effondre, il semble que - dans le bassin Méditerranéen et aux alentours tout du moins, les différentes oligarchies se retrouvent les unes après les autres prises dans un étau entre leurs peuples - qui réclament des changements radicaux - et leurs ‘marchés’ qui réclament plus de sous (pour eux, et donc moins pour le peuple).

Tunisie, Egypte, Maroc, Jordanie, Syrie, Bahreïn, Yemen, Grèce, Espagne, Angleterre, Israël... L’idée que la France soit épargnée relève de la méthode Coué Barouinesque, tout aussi crédible qu’un nuage radioactif Ukrainien qui s’arrêterait aux frontières de notre beau pays.

Tout est prêt, pourtant, pour que le feu prenne : une oligarchie qui ne prend même plus la peine de se cacher, un taux de condamnation au pénal au sein du gouvernement qui fait passer un hall d’immeuble du 93 pour un jardin d’enfants, une Orwelisation de la société largement popularisée - pour ne pas dire symbolisée - par Hadopi, et pas la moindre perspective d’un coté comme de l’autre de l’échiquier politique, où les mafias en place rivalisent de démagogie (augmenter de 50% le budget de la culture à la veille d’un cataclysme financier mondial relevant, au choix, de l’incompétence économique Royaliste ou du foutage de gueule, et vu le CV et l'ascendance du ‘responsable’ qui a émis cette idiotie, on peu aisément parier sur la seconde hypothèse).

Alors, pour paraphraser des jeunes de banlieue issus des halls précités : qu’est ce qu’on attends pour foutre le feu ?

(à écouter en bande sonore pour lire la suite de ce billet)

 

L’austérité qui vient

L’inévitable austérité à venir tombe à un moment fort délicat dans le pays apathique des Droits de l’Homme : tout comme aux USA, nous sommes en période électorale, et l’enjeu en sera sans nul doute l’économie (et les rumeurs, dont de plus en plus d’analystes commencent à comprendre que leur utilité première est - à la manière d’un désodorisant - de masquer l’odeur nauséabonde d’un échec des élites de tout bord à avoir su prévenir la catastrophe).

C’est autour de l’économie que devraient se cristalliser les projets des candidats (et pas forcément la campagne) et l’on devrait voir dans les mois à venir une surenchère spectaculaire à ce sujet. On peut s’attendre à deux effets Air Wick pour masquer l’odeur de décomposition avancée du système d’un doux effluve de démagogie.

 

 

C’est la faute aux riches !

C’est LA formule gagnante à gauche dans un pays dont le niveau moyen de compréhension de la chose économique est peut-être l’un des plus faible de la planète (après la Corée du Nord). Aborder un système que même les plus brillants mathématiciens ont du mal a comprendre comme s’il s’agissait d’une équation du premier degré a de bonnes chances de remporter les suffrages : plus c’est gros, mieux ça passe.

 

 

Le raisonnement est simple : cette crise a été provoquée par les riches (diagnostic), taxons les (solution). De façon plus ou moins crue, c’est à coup sûr l’essence du remède censé mettre le feu au camp adverse et rallier à soi les économistes du dimanche se réclamant de Marx sans avoir jamais pris la peine de feuilleter Le Capital.

Problème : un simple coup d’oeil à un petit graphique permet de s’apercevoir que si du point de vue de la justice sociale (ou de la vengeance) cette solution est séduisante, du point de vue économique, elle n’a rien de satisfaisant et ne mènera nulle part. Voilà, à titre indicatif, une représentation des revenus imposables disponibles par tranche de revenus dans la population américaine, on pariera aisément que la situation française ne doit pas être bien différente (si vous avez des datas, on est preneur).

 

 

Vu l’immensité des sommes à trouver, taxer les riches n’est même pas l’amorce de la solution (ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, juste que ce n’est pas la solution au problème, hein). Ceux qu’il faut taxer, c’est ce qui est taxable : la classe moyenne. Quiconque prétend le contraire se fout de votre gueule, soyez en sûr.

 

 

Problème : en France, c’est le gros des troupes, et pire encore, c’est en son sein que se trouve le ‘swing vote’, ces 5 à 10% de la population qui ne savent pas encore pour qui ils vont voter et qui font, en réalité, toute la différence, et sont l’objet de toutes les attentions dans une période électorale.

Comment dès lors se faire élire en annonçant qu’inévitablement, afin de préserver le système (dont on fait partie) on va procéder à l’élimination de la classe moyenne (dont on ne fait pas parti) ? La solution est simple : en masquant cela par un gros mensonge. Les riches, un bouc émissaire d’autant plus facile qu’ils ne sont pas forcément innocents, et qu’ils ont le plus grand mal à susciter la compassion (les pauvres... enfin... façon de parler).

 

C’est la faute aux arabes !

Problème (à droite) : quand on est en charge de défendre les intérêts des riches, les accabler de la sorte revient à scier la branche sur laquelle on est assis. Il faut donc se trouver d’autres boucs émissaires. Les juifs étant un sujet tabou (la France a joué cette carte il y 70 ans contribuant activement à en massacrer plusieurs millions), on se rabattra sur les arabes (qu’on se contente de reconduire aux frontières afin qu’ils aillent se faire massacrer ailleurs, ce qui au final n’est pas radicalement différent, les charters ayant remplacé les wagons à bestiaux, le progrès étant passé par là).

Comme il est illégal d’être raciste dans le pays du fromage (la censure étant une solution miracle au problème qui dépasse en efficacité toutes les crèmes antirides du monde), on prendra soin de maquiller cela sous une épaisse couche de démagogie : sécurité (les arabes - et non les populations pauvres et acculées - en sont pleinement responsables, ma bonne dame), fraude aux allocations familiales, etc... 100 millions de fraudes aux prestations sociales, pour des français incultes en économie qui confondent allègrement tout ce qui se compte en euro ou en dollars, et comparent sans sourciller des choux fleurs et des carottes avec l’assurance d’un Alain Minc, c’est parfait. On se gardera bien de leur signaler que 100 millions, au vu des problèmes budgétaires auxquels nous faisons face, revient à rééquilibrer son budget familial avec la pièce d’un euro qu’on a trouvé par terre ce matin.

La solution miracle : la rumeur

Ultime solution pour masquer l’odeur de l’échec : la rumeur, dont le bruit qu’elle génère peut à coup sûr masquer toute tentative de débat constructif. Dans le pays de la liberté d’expression modérée, où aucun journaliste n’a pris soin d’enquêter sur la moindre rumeur (la préservation de l’emploi étant une priorité autrement plus conséquente) et dont la crédibilité de la presse approche des profondeurs abyssales jamais atteintes jusqu’ici, la différence entre une rumeur et une information - comme dans la Tunisie de Ben Ali - est souvent mince.

Pour peu que l’on maitrise l’art de sa propagation - et c’est là qu’internet fait tout la différence - on a probablement là une solution efficace au problème des mauvaises odeurs (et du bruit). La corruption ne faisant pas plus recette en France qu’en Italie (au grand dam de Médiapart qui commence à comprendre l'inconvénient des walled garden), on se rabattra sur les moeurs et la vie privée avec, dans l’ordre : libertinage, alcoolisme et pédophilie... sans doute la recette gagnante pour les élections de 2012.

On notera - non sans une touche d’ironie - que le troisième volet - à venir - de la vague de rumeurs sera, elle aussi, la faute aux arabes, sans qui bon nombre de cas qui finiront par être exposés au public dans les mois à venir n’auraient jamais eu lieu, faute de gamins à violer.

LULZ

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée