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Édito
par Quinze Bis

L'homme, la fourmi et le salaud

C'est drôle. Enfin non ce n'est pas drôle. Depuis peu, autour de moi, des hommes qui tombent. Des types et des femmes qui vont, un peu stressés, à leur entretien d'évaluation, leur analyse à 360 degrés, la réunion d'attribution des primes, et hop... qui tombent. Qui rentrent le soir à la maison après avoir été remerciés. Licenciés. Lourdés. Dehors. Adieu veaux, vaches, cochons et voiture de fonction.

C'est drôle. Enfin non ce n'est pas drôle. Depuis peu, autour de moi, des hommes qui tombent. Des types et des femmes qui vont, un peu stressés, à leur entretien d'évaluation, leur analyse à 360 degrés, la réunion d'attribution des primes, et hop... qui tombent. Qui rentrent le soir à la maison après avoir été remerciés. Licenciés. Lourdés. Dehors. Adieu veaux, vaches, cochons et voiture de fonction.

Après avoir joué le jeu, celui qu'on leur demandait de jouer pour le bien de l'entreprise, pour sa productivité, sa compétitivité, après avoir joué le jeu des escalades d'emails pervers et assassins, celui de l'humiliation assumée au nom du "je garde mon emploi", celui du "tu as trois ans pour passer du statut d'apprenti salaud à celui de salaud confirmé". Tu n'es pas devenu chef salaud ? Alors, merci, au revoir, dehors, t'es pas assez dur. Tu ne veux pas partir un an au Qatar parce que ta femme est enceinte ? Tu es un faible. Premier avertissement. Et, tiens, au passage, pendant que tu seras là-bas, change de costume, tu ne présentes pas assez bien. Quoi encore ? Ta femme ? On s'en cogne, mon gars, on s'en cogne.

C'est drôle, enfin non, ce n'est pas drôle... comme ils semblent redevenir plus humains les apprentis qui ont échoué à devenir plus salauds que les autres, quand ils rentrent chez eux, le soir, les mains vides, la peur au ventre, l'incertitude du lendemain, les prochaines vacances qui s'envolent et l'Ipad mini pour le gamin... Drôle comme ils reprennent des couleurs humaines... comme ils peuvent enfin assumer, revendiquer, une certaine part de faiblesse - contenue dans le mot-même "humanité". Celui qui, de plus en plus souvent, fait défaut aux entreprises. Compétitivité, vous comprenez... Il me semble que ce mot même justifie toutes les saloperies du travail au quotidien, toutes les bassesses, les mensonges, vilénies et compromissions professionnelles.

Pendant ce temps, pour ceux et celles qui sont en place, ça s'étripe, s'écharpe, se marche dessus pour rester dans le système, gagner, réussir, et surtout s'accrocher à sa fiche de paye, sa bagnole, sa prime... C'est normal, il faut bien manger, et puis la télé qui montre tous ces pauvres au 20 heures, ça fait peur, et en même temps, au jeu des chaises musicales, moins il y a de chaises, plus la lutte est dure. Et plutôt que de se penser comme une société, plutôt que d'être à même de prouver la supériorité de l'humain sur la fourmi de se concevoir comme un groupe, qui s'écarte pour faire un peu de place à l'autre, ou au contraire se serre un peu pour se réchauffer quand les temps sont durs, nous, les humains, les grands colonisateurs de cette planète en location, vivons, pour beaucoup, à court terme, les yeux rivés sur un emploi, un emploi à tout prix. Avec ce chiffre qui me taraude depuis que je l'ai lu récemment ! 1% des plus riches détiennent 46% du patrimoine mondial.  Un truc qui n'arriverait même pas chez ces connes de fourmis...

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