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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Il faut que je vous en raconte une bonne...

C'est dingue tout ce que l'on découvre ces jours-ci avec les mouvements populaires au Maghreb. Figurez-vous qu'en lisant la presse, je me suis rendu compte qu'il y avait un dirigeant qui se livrait à des pratiques claniques aberrantes. Déjà, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il a réuni tous les boss de l'économie pour fêter la victoire autour d'une bonne table. Genre, maintenant, on va vraiment pouvoir faire ce que l'on veut.

C'est dingue tout ce que l'on découvre ces jours-ci avec les mouvements populaires au Maghreb. Figurez-vous qu'en lisant la presse, je me suis rendu compte qu'il y avait un dirigeant qui se livrait à des pratiques claniques aberrantes.

Déjà, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il a réuni tous les boss de l'économie pour fêter la victoire autour d'une bonne table. Genre, maintenant, on va vraiment pouvoir faire ce que l'on veut. Si vous êtes là ce soir, c'est que je vous ai choisis pour être dans mon clan. Les gars, ils savaient que tout était désormais plus facile. A peine sorti du diner en question, il est parti en vacances aux frais d'un des invités.

Très vite, il a pointé du doigt ceux qui n'étaient pas près de rejoindre son clan. Il a même organisé un grand raout à l'échèle du pays pour bien désigner les méchants. Le nationalisme, ça a toujours bien marché pour les dirigeants de ce genre. Un ennemi intérieur, ça mange pas de pain et ça aide bien.

Et puis comme c'est un maniaque de la surveillance des dissidents, il a commencé à faire espionner les gens qui ne pensaient pas comme lui. ONGs, journalistes, tout y est passé. La police n'était plus celle qui protégeait  peuple, elle était au service du dirigeant. Certains responsables de régions lisaient même les mails des médecins.

Comme tout bon dirigeant égocentrique, il a multiplié les interventions sur tous les sujets possibles et imaginables, histoire d'occuper le terrain dans la presse. A un point qui frisait le délire. Et la presse, toute à son service s'intéressait aux moindres détails, même les plus insignifiants. Même à sa vie privée, c'est dire. Le grand Mamamouchi a fait ci, il a dit ça, sa femme s'est gratté le nez, c'est mauvais signe, patati, patata...

Bien installé, avec des sondages dignes d'un Hosni Moubarak, il a entrepris de détricoter le ciment social du pays. Les plus pauvres allaient être plus pauvres et bénéficier de moins d'aides de l'Etat tandis que les plus riches... allaient devenir plus riches. Et puis surtout, il fallait casser les syndicats. On ne va pas se laisser emmerder par des syndicalistes. Faut dire qu'à l'époque, ils pouvaient bloquer le pays avec une sale grève. Il fallait faire en sorte qu'ils deviennent inaudibles. Paf, une loi pour casser les grèves, ça a été vite torché. Et quand vraiment il y avait des manifs, on envoyait des policiers déguisés en casseurs foutre le bordel.

Assez rapidement, le système clanique s'est mis en route. Un conseiller qui n'a plus sa place auprès du dirigeant ? Pouf, je le propulse à la direction de la grande chaîne de télé nationale, j'annonce moi-même sa nomination.

Histoire de bien verrouiller la presse "indépendante", le nouveau chef a embauché des journalistes bien placés pour travailler avec lui. Ca aide. Ces ex-journalistes pourront passer des coups de fils à leurs copains pour les calmer si besoin. Dans la même veine, il a embauché des gars du camp d'en face. Les anciens opposants. Ils allaient être laminés. Du coup, autant les finir en leur piquant des têtes.

Le clan est large et profite à tous ses membres. Les ministres ont commencé à embaucher des gens de leur famille. L'une des ministres, très en vue, et qui le deviendra encore plus par la suite, a même fait nommer sa nièce, "la fille qu'elle n'a pas eu", selon les propres mots de son papa (un vieux monsieur qui achète des appartement dans des pays éloignés) à ses côtés. Le dirigeant  a même essayé de faire nommer son fils à la tête d'un gros machin public, une caisse à pognon. Mais le gamin venait juste de sortir de sa période Biactol© et n'avait pas de diplômes. Du coup, trop gros. Pas passé. A charge de revanche bien sûr. Tout vient à point pour qui sait attendre. S'en fout de toutes façons, vas-y que je te nomme mon copain machin à la tête de telle grande entreprise, tel autre à la direction d'une autre. Ca distribue...

Et comme son règne devait être dur, ferme, celui d'un homme à poigne, le nouveau dirigeant a mis toute son énergie à renforcer les punitions. Il a par exemple tout fait pour que les enfants soient considérés comme des délinquants comme les autres. Il a même automatisé les sanctions pour les délinquants qui recommençaient. Plus la peine d'avoir des juges, la peine tombait, précise, plus dure à chaque fois. Il a même mis en place un fichage des gamins à l'école. Et pour finir, il a imaginé un truc génial. Mettre en place un système qui permettrait de garder en prison un délinquant, ad vitam eternam. Même après qu'il a purgé sa peine.

A force de dire que tout était possible désormais, tout le clan s'est lâché. Les plus hauts dignitaires traitaient des collègues de salopes sans se poser de question, des ministres faisaient des doigts d'honneur aux journalistes. Bref, on y allait gaiement.

Assez vite, le dirigeant qui n'y entravait rien à l'économie s'est retrouvé sur la paille. Alors il a vendu des trucs. Plein de trucs qui appartenaient à l'Etat. Des bâtiments, des entreprises. Tout ce qui lui passait par la main.

A ce stade, les photos dans la presse devaient être retouchées pour qu'il apparaisse toujours sous un jour flatteur. Et puis question de standing, il s'est doublé son salaire. Ranafout', c'est pas moi qui paye, toussa, toussa.

Tout imbu de sa propre personne, il a fait la leçon aux voisins. Les plus proches comme les plus éloignés. Pour lui, il y avait les peuples qui étaient entrés dans l'histoire et ceux qui tardaient à y entrer. Ces cons qui ne foutent rien de leurs dix doigts.

Et comme il n'était pas à une contradiction près, il a crié sur tous les toits que son pays n'accepterait pas que les droits de l'homme soient bafoués. Ca ne coûte rien et pendant ce temps là on continue à faire du business avec les pays voyous et à renvoyer des immigrants plus ou moins illégaux en zone de guerre. Hop!

Tout allait bien, la presse commençait à s'autocensurer après une petite période de pressions claires pour l'empêcher d'écrire ce qui ne devait pas être dit ou montré. Et puis pour l'image extérieure du pays et du clan, il suffisait de nommer à la présidence du la TV d'Etat qui diffuse à l'étranger la femme du ministre des affaires étrangères. Là, on était sûrs qu'il n'y aurait pas de dérapages. De toutes façons, il le pensait et il l'a dit, les journalistes "sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, il faut leur marcher dessus". De toutes façons, à chaque fois que quelque chose lui déplaisait, il menaçait les journalistes et leurs patrons. Ca tremblait dur parfois dans les rédactions. Pour finir, il a décidé de nommer lui-même les patrons de toutes les télévisions d'Etat. Plus facile encore.

Pourtant, la presse a raconté ce qu'il répondait aux gens qui le vilipendaient. Parfois c'était incompréhensible, parfois, très clair. Il les traitait de cons.

Il lui fallait aussi s'attaquer à l'Histoire. Il l'a revisitée de nombreuses fois. A telle point que des historiens se sont sentis obligés d'écrire un bouquin pour rétablir la vérité. Mais bon, ils ont sans doute fini au bagne ?

En revanche, il distribuait des breloques à tous les gens qui lui rendaient services. Même à la juge qui avait prononcé son divorce. C'est dire s'il en refilait des médailles.

Même à lui-même. Bon. Virtuelles hein les médailles. Il se tressait des lauriers en permanence. J'ai sauvé le monde, j'ai sauvé l'économie de la planète. Il faisait rire tous les grands présidents de la planète, mais lui, il y croyait. Un peu comme un Kadhafi qui fait un discours de 75 minutes à sa propre gloire. Mais sur un autre registre. Dans le même temps, il donnait des leçons aux présidents des plus grandes puissances, en public, pour que tout le monde comprenne bien qui était le meilleur.

Ca a un peu merdé à un certain stade. Faut dire qu'il avait fait fort. Son patron des caisses de l'Etat était aussi le trésorier de son parti et récoltait des fonds auprès des potes du diner initial. Mélange des genres. Mieux, la femme de son ministre des caisses gérait la fortune de la plus grosse fortune du pays. Etrangement, c'est ça qui a plus choqué le peuple de ce pays. Depuis lors, les casseroles s'amoncèlent. Mais en bon communiquant, il arrive a faire oublier la précédente à chaque nouvelle affaire. Il faut dire que le droit de suite n'est pas le point fort de la presse locale. Ca aide. Tiens, encore un qui avait reçu une breloque : le patron de la femme du ministre des caisses. Merci d'avoir embauché ma femme, tiens, voilà une médaille.

Dans la série casseroles, il y a eu un ministre qui fumait pour whatmille brouzoufs de cigares aux frais du pays, un autre qui se logeait gratos tranquillou dans deux apparts. Pourquoi pas trois ? Il y avait aussi celui qui voyageait aux frais de la princesses en jet privé. Enfin bref, ça n'a plus arrêté. Et plus le temps passait, plus les caisses du pays se vidaient. A tel point qu'il était plus endetté que jamais. Pas grave, c'est pour les générations futures. Après moi le déluge. En attendant, on nome deux proches à la direction du syndicat des banquiers. On sait jamais.

Pour passer le temps, le dirigeant s'est mis à pointer du doigt quelques tribus. Les bédouins, ceux qui vivent pas dans des maisons en dur. Il a fait détruire leurs campements par la police. Ca occupe la presse.

C'est dingue quand même, ce qui peut se passer dans un pays mis sous la coupe d'un homme et de son clan. Mais avec le vent de révolte qui souffle actuellement, ça ne fait pas un plis, une révolution populaire va le faire partir ce gars là.

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