Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Hallucination collective de l'écosystème du Net ?

"C'est quoi tes metrics ?" En voilà une question importante. Dans le monde du marketing Internet, il faut des metrics. Toute action doit être mesurable. Il faut savoir quel est le ROI. Le return on investment. Le retour sur investissement, en français. En d'autres termes, si quelqu'un s'évertue à créer du "jus", du trafic vers un site, pour espérer une "conversion" (en achat, en abonnement à une newsletter, ...), il faut pouvoir dire combien ça coûte et combien ça rapporte. Fastoche.

"C'est quoi tes metrics ?" En voilà une question importante. Dans le monde du marketing Internet, il faut des metrics. Toute action doit être mesurable. Il faut savoir quel est le ROI. Le return on investment. Le retour sur investissement, en français. En d'autres termes, si quelqu'un s'évertue à créer du "jus", du trafic vers un site, pour espérer une "conversion" (en achat, en abonnement à une newsletter, ...), il faut pouvoir dire combien ça coûte et combien ça rapporte. Fastoche. En apparence. Les chiffres varient, bien entendu, mais certains avancent par exemple que pour un taux de conversion de 55% dans un magasin classique, on atteint à peine 2% sur un site Web. Dans le monde merveilleux du Net tel qu'il a été investi et accaparé par les hommes et les femmes de marketing, il y a des outils pour mesurer tout cela. Ou plutôt un outil : Google Analytics (Universal Analytics, désormais). Et cet outil est considéré par nos experts en marketing comme étant infaillible. C'est là que ça se gâte.

Dans l'univers parallèle, l'hallucination collective créée par l'écosystème du Web "commercial", celui qui est censé être rentable, il y a des sites Web, des annonceurs, des pubs en ligne, des gens qui cliquent sur les publicités, des gens qui achètent, et tout ça est mesurable grâce à la magie de Google Analytics. Trois millions de visiteurs, 200.000 qui cliquent sur les publicités, 500 qui achètent (la fameuse conversion). Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que...

Alors qu'en pleine explosion de la nouvelle économie (les années 2000) les sites étaient valorisés par les investisseurs sur le nombre de leurs visiteurs, Zipiz et votre serviteur créaient Statisticator, le super-héros au slip jaune qui cassait cette construction mentale. Tant que tout le monde accepte ce type d'hallucination collective comme une vérité, tout va bien. Le moindre site pouvant annoncer un million de visiteurs par mois est valorisé une fortune. Mais si quelqu'un vient briser cette vérité artificielle, tout s'écroule (l'explosion de la bulle Internet). Statisticator.com participait à cette déconstruction. Nous affichions les véritables statistiques des sites, en regard des déclarations délirantes des gens du marketing, nous proposions des outils pour booster artificiellement les statistiques. Depuis, tout a été dit, ou presque, sur les statistiques, l'exploitation des logs d'un serveur Web. Et pourtant... Tout l'écosystème continue de croire que les visiteurs affichés par Analytics, les clics sur les bannières de pub sont réels. On calcule un ROI sur une campagne et on prend le résultat comme une vérité.

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Une étude citée par Bloomberg (pas des rigolos excités du Web indépendant) montre que 11% des publicités affichées et presque un quart des vidéos de pub visionnées, le sont par des logiciels, et non pas par des humains.

Mais le problème ne se limite pas aux logiciels qui affichent des publicités. Nos pros du marketing parviennent, une fois poussés dans leurs retranchements, a accepter l'idée que Google Analytics ne soit pas d'une précision totale : "OK, mais au moins ça donne une tendance générale, sur plusieurs mois, tu peux voir l'évolution de ton audience". Notez que selon Wikipedia, 80% des sites mesurent leur audience avec cet outil. Une tendance générale... Prenons un exemple concret. Reflets.info mesurait son audience avec Google Analytics. Nous avons choisi de changer d'outil. Pour une raison n'ayant rien à voir avec sa précision. Nous voulions arrêter de communiquer à une entreprise les choix de lecture de nos visiteurs. Nous avons donc opté pour le même type d'outil, mais hébergé par nous-mêmes. Tout est désormais fait en local. Les visiteurs et les logs de Reflets.info restent les mêmes. Seuls change l'outil de mesure des stats. Et voyez-vous, c'est là que ça devient drôle : le nombre de visiteurs a pratiquement été divisé par deux. Pourtant, nous n'avons pas perdu la moitié de notre lectorat en une journée. Il y a donc bien quelque chose de complètement pourri débile au pays des outils de stats Internet.

Si nous étions des pros du marketing et des "campagnes", nous serions bien embêtés. Notre ROI ne voudrait plus rien dire tant la variation est importante.

Chaque jour, dans des agences de com', chez les annonceurs, les "clients", on ingurgite des chiffres totalement bidons, en les prenant pour argent comptant. C'est un cas d'hallucination collective volontaire.

Parfois, l'hallucination est même très volontaire.

Sur Internet, personne ne sait que tu es un chien

Bien entendu, il existe des machins comme l'OJD, qui sont chargés de certifier les chiffres. On voit des journaux en ligne annoncer des millions de visiteurs tout à fait certifiés. Pourtant...

La palette d'outils de trucage d'amélioration est infinie.

iframes, auto-refresh, bots, trafic acheté, tout ou presque est possible. Advertise.com, par exemple dirige jusqu'à 300 millions de visiteurs sur les sites qui leur achètent ce flux. Ça en fait des visiteurs de grande qualité. Ne parlons même pas de Taboola...

Peu importe si les millions de visiteurs ne se reflètent pas (du tout) dans le nombre de commentaires, dans les retweets ou les likes d'articles, dans la participation aux sondages. L'important, c'est le chiffre certifié, l'hallucination collective volontaire... Rapport au ROI, #toussa...

 

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