Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par bluetouff

HADOPI vs ARJEL : attention ça va clasher chérie

A force de créer des "Hautes Autorités" pour tout et n'importe quoi, et souvent pour n'importe quoi d'ailleurs, on arrive forcement un moment à des paradoxes assez intéressants. L'interruption de l'accès au site Megaupload de ce soir qui a agité la Twitosphère, m'a amené à tenter une petite manipulation me conduisant à suspendre momentanément le bloqueur de scripts publicitaires de mon navigateur web.

A force de créer des "Hautes Autorités" pour tout et n'importe quoi, et souvent pour n'importe quoi d'ailleurs, on arrive forcement un moment à des paradoxes assez intéressants.

L'interruption de l'accèsau site Megaupload de ce soir qui a agité la Twitosphère, m'a amené à tenter une petite manipulation me conduisant à suspendre momentanément le bloqueur de scripts publicitaires de mon navigateur web. Ceci m'a permis de constater avec une joie non dissimulée qu'une Haute Autorité française permettait à des entreprises de financer une petite mafia contre laquelle une autre Autorité française essaye tant bien que mal de lutter.

L'ARJEL (la Haute Autorité de régulation des Jeux En Ligne), si vous ne vous en souvenez pas, c'est l'Autorité qui  a inscrit dans notre droit, et en primeur, le blocage de sites Internet, là où logiquement, on s'attendait à ce que ce soit LOPPSI qui bloque les vilains pédo-criminels. Oui c'est logique, en France, on agite le torchon de la pédo-criminalité pour justifier le blocage de sites et le filtrage du Net mais on bloque en priorité des sites de jeu en ligne. Le mécanisme ARJEL est relativement simple. Vous payez une dîme à l'État pour acquérir une licence vous donnant le droit d'avoir un site web accessible dans de bonnes conditions aux joueurs en France, et si vous ne payez pas, les fournisseurs d'accès Internet ont pour ordre de vous bloquer votre site... bref, le premier cyber racket institutionnel.

L'ARJEL a également été l'occasion de faire énormément de publicité pour ces sites de jeu d'argent autre fois plus ou moins illégaux et de leur permettre de faire de la publicité (4*3, télévision, radio, Internet...) un peu comme si du jour au lendemain on voyait apparaître des publicités partout pour des "cigarettes équitables qui rendent con et font rigoler" et qu'on appelle aujourd'hui dans le code pénal de la drogue. Mais ce ne sont pas le risque sanitaire et le coût de la promotion faite à l'addiction aux jeux d'argent qui motivent l'écriture de cet article. C'est un constat beaucoup plus léger, beaucoup plus drôle, beaucoup plus ... pathétique.

Le site Megaupload est tristement connu pour offrir une alternative (très lucrative pour certains) aux échanges non marchands des réseaux peer to peer qu'HADOPI 2 a méthodiquement tué en France en exerçant une surveillance des réseaux peer to peer, mise en oeuvre par une société de test, TMG, connue également pour être la seule connexion coupée par HADOPI. Sur le site Megaupload, on trouve donc énormément de films en téléchargement gratuit. Le site propose des abonnements (payants) "premium" permettant de lever les restrictions de débit ou de téléchargement simultanés. Le site Megaupload draine un trafic ahurissant, ce qui lui avait par exemple valu d'être la cause d'une foire d'empoigne entre le transitaire Cogent et le fournisseur d'accès Orange. Accusé par Megaupload de brider l'accès à son site web et d'offrir des débits ridicules, Orange, par la voix de Stéphane Richard son PDG, avait déclaré en parlant de Cogent  « une bonne partie du trafic qu’ils émettent est du trafic illégal ». Stéphane Richard visait explicitement ici Megaupload, avouant à l'en croire que les routeurs d'Orange disposent de l'option "douanier intégré" dans chaque port ethernet. Le problème était surtout économique, et on se doutait bien qu'HADOPI n'y était pas complètement pour rien.

Désolé Nicolas, mais on va faire tomber un mythe, non le piratage n'a pas diminué de 35% grâce à HADOPI. Pour preuve, un responsable d'Orange expliquait déjà à cette époque sur le site ITEspresso que :

« La croissance du trafic Megaupload atteint 15 % à 20 % chez Orange chaque trimestre, plus rapide, désormais, que celle de YouTube.»

C'est aussi et surtout (car il n'est pas le seul), chez Megaupload, que l'on retrouvait les 35% de notre président, qui n'a visiblement pas assimilé la Loi de Lavoisier, énonçant pourtant de manière assez simple que « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. ». Et à votre avis ? en quoi ils se sont transformés les 35% de pirates du peer to peer qui s'adonnaient à de l'échange non marchand ? Et bien en pirates du direct download qui alimentent des mafias comme Megaupload. On retrouvait en 2010 déjà ces 35% chez Megaupload comme le signalait le site Ecrans. C'est donc bien joli de faire une HADOPI 3 qui part en guerre contre le streaming et les sites qui monétisent illégalement la culture quand on est l'auteur d'une loi qui leur a permis de s'enrichir sur le dos des artistes... contrairement aux adeptes du peer to peer.

Mais le cynisme d'une HADOPI 2 qui permet à Megaupload de s'en foutre plein les fouilles en consacrant le direct download comme alternative au peer to peer, n'a d'égal que celui de l'ARJEL qui consacre la promotion des sites de jeu de poker en ligne sur ... MEGAUPLOAD ! Décidément, le site aux mystérieux actionnaires et de droit Hong-Kongais a bien de la chance avec la France. A croire que l'État français est lui même actionnaire !

Le site partypoker.fr est l'un des plus gros clients de la régie publicitaire de Megaupload. Il s'offre une superbe pub en pop-up, et pas n'importe laquelle. Il s'agit de la pop up que vous ne pouvez pas rater, celle qui s'ouvre au moment où votre téléchargement s'initie ! Par ce biais, le site partypoker.fr qui a en toute logique acquis une licence en bonne et due forme pour avoir le droit de ne pas voir son site bloqué se paye des pages de pub et un trafic colossal grâce à HADOPI 2 qui renvoyé les internautes à Megaupload. Partypoker.fr cherche ses parts de marché chez les intoxiqués au téléchargement illégal qu'il se propose d'intoxiquer aux jeux d'argent en ligne. Vous noterez tout de même que la campagne publicitaire de partypoker.fr se veut "sanitairement maîtrisée" puisqu'elle fait, "avant tout" la promotion d'une pratique du jeu d'argent en ligne "responsable"... mort de rire, ça donne surtout envie d'en prendre un pour taper sur l'autre.

On est donc ici dans une situation ubuesque, où les sites de jeu en ligne, sous la bienveillante autorité de l'ARJEL, financent un site contre lequel une autre autorité, l'HADOPI, est censée lutter. Je sais pas pour vous, mais le jour où Megaupload entre en bourse, je contracte un prêt pour acheter des actions ! Justifier une HADOPI 3 après ça... ça va être compliqué monsieur le président . Mais ce ne sera malheureusement pas la première fois que notre gouvernement sort les pelles pour creuser alors qu'il a touché le fond.

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée