Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Fabrice Epelboin

Hadopi Labs : 35% de socio, 100% de pipeau

On trouve tout et n'importe quoi dans les Hadopi Labs, y compris de bonnes choses. Mais pas que. Il y a, comme partout ailleurs sur internet, 'le pire comme le meilleur', or manque de bol, on est tombé ce week end sur le pire. Le billet de Vincent Petitet est un modèle du genre.

On trouve tout et n'importe quoi dans les Hadopi Labs, y compris de bonnes choses. Mais pas que. Il y a, comme partout ailleurs sur internet, 'le pire comme le meilleur', or manque de bol, on est tombé ce week end sur le pire.

Le billet de Vincent Petitet est un modèle du genre. Une concentration en mots savants inversement proportionnelle au sens qui se dégage de l’ensemble, une volonté farouche de faire entrer des ronds dans des carrés, et une bouillabaisse de mots-clés à rallonge qui laisseraient penser qu'il est en train de jouer au Scrabble.

Mais non, le but ici est tout autre, avec cette succession de mots compte triple, nous avons à faire à une nouvelle génération d'intellectuels bien Français qui tentent de se faire une place dans le petit cercle d'experts de ze internets. A regarder sa bio, nous avons clairement là un énième énergumène qui sous prétexte de maitriser un savoir en prend d’assaut un autre en tentant de l'assujettir, sans imaginer un instant ni le ridicule de l’effet produit, ni les réactions qu’il suscitera en retour.

Ce sont mes petits camarades de Reflets qui, dans ce qui nous sert de salle de rédaction - un chan IRC - ont attiré mon attention sur ce texte, et c'est dès la première phrase que je me suis dit que nous avions à faire à ce que l'on peut qualifier de bingo bullshit.

En usant à outrance de mots savants, on crée une distance avec son lecteur. Un truc que j'essaie d'éviter le plus possible car, contrairement à Vincent, j'écris non pas dans le but de faire comprendre à ceux qui prennent le temps de me lire que je leur suis supérieur et qu’ils ne comprennent rien (ce billet étant une exception notable en ce qui concerne Vincent), mais dans l'espoir d'être compris.

Jusqu’ici, ça marche plutôt bien. Je ne connais pas les stats de fréquentation du site des Labs de la Hadopi, mais je pense pouvoir m'avancer sans risque et affirmer que sur ce terrain là, j'en ai une plus grosse (ainsi que sur Twitter, Facebook, et n’importe où sur internet à priori). C'est sans doute dû au fait que je n'abuse pas de vocabulaire complexe pour faire comprendre des choses complexes, ou, comme dans le cas qui nous intéresse, je n'use pas de vocabulaire complexe pour cacher le fait que je parle de choses que je ne comprends pas.

Ce travers est cependant une tare qui touche l'ensemble de la classe intellectuelle française (qu'il s'agisse, de façon indifférenciée, de parler de sujets que l'on maitrise ou pas), et Vincent ne fait pas exception. Fort d'un "doctorat en science de l'information et en communication", il accumule des mots qui n’ont que pour unique fonction la mise à distance du lecteur. Un art dans lequel la sociologie Française excelle.

Posséder un doctorat en n'importe quoi vous dote nécessairement d'un vocabulaire académique qui permet de mettre à distance n'importe quel gueux, et la langue est un bouclier particulièrement efficace pour marquer une distinction de classe, qui sépare l'auguste guignol lettré et titulaire du poste de «Directeur délégué Adjoint DDO Hadopi» (whatever this is) de l'ignorant (un homme politique qui arriverait sur le site des Labs de la Hadopi, par exemple).

Le soucis dans un pays du tiers monde (des usages) numériques comme la France, c'est que les ignorants constituent l'écrasante majorité des élus, et que l'Hadopi, avec l'initiative des Labs, avait jusqu’ici fait exception à sa règle habituelle qui est d'aller à l'encontre du bon sens.

Pourtant, son introduction, sur le fond, colle avec l'approche que moi même, j'ai de l'internet et de son articulation sociale.

"l’Internet est dépendant des langages qui l’habitent : que cela soit de la langue courante, mais aussi du langage HTML et même des édifices algorithmiques, sans oublier les étranges ontologies qui président à l’élaboration de typologies propres à certains sites."

Malheureusement, si l'informatique et la linguistique on eu la mauvaise idée de partager du vocabulaire, leur sens varie grandement d’un domaine à l’autre, et contrairement aux sciences humaines, leur emploi approximatif, en informatique, donne ce que l’on appelle un bug. Une erreur de syntaxe connue des geeks sous l'appellation de «Syntax Error».

Commençons par éliminer le mot geek. Il fut un temps (que les moins de vingts ans...) où 'geek' désignait un individu doté d'une certaine expertise en informatique. Il désignait également un adolescent mâle doté d'un sérieux problème d'acné, et d'une incapacité chronique à séduire les femelles de son espèce, au demeurant fort rares, celles appartenant à d'autres castes étant quoi qu'il arrive hors de portée.

Puis le terme geek est devenu branché. Pour les vieux geeks tels que moi, ce fut un choc. D'autant plus que j'ai vécu cette mutation sémantique au sein d'une agence de com', suite au rachat par celle-ci d'une web agency, il y a à peine quelques années. Un poil d’épistémologie ne fait jamais de mal à personne, et comme - sorti du vocabulaire de la socio - Vincent fait preuve d’une insoutenable légèreté à manier des mots dont il ne maitrise pas le sens (quitte a les redéfinir, ses réponses aux gueux dans les commentaires sont cocasses), cela peut s’avérer utile. Sait on jamais.

Un temps contingentée dans un espace délimité, ceux qui furent d’entrée de jeu, au sein de la précitée agence de com’, affublés du qualificatif de «geeks» (et qui "faisaient du web") ont pris d'assaut la branchitude en moins de deux ans en usant d'un stratagème que Goldman Sach ne renierait pas : en deux années, le chiffre d'affaire généré par les geeks a dépassé, et de très loin, celui du clan des "DA à mèche", qualificatif usité par les geeks pour désigner le groupe de ceux qui étaient issu de la com', pour qui l'ordinateur relevait de la magie, et dont l'ignorance crasse en matière de technologie les condamnait à une reconversion express ou à la mort.

Ceux là, contrairement à Vincent, ne disposaient pas du vocabulaire nécessaire pour cacher leur ignorance par une savante construction littéraire (à défaut d'être scientifique). La formation (contrairement à Vincent, encore une fois) s'est avérée indispensable.

Car le souci, Vincent, c'est que l'informatique n'a rien d'une science humaine au départ, et que cette dernière ne peut faire l'impasse sur la science exacte sur laquelle repose les règles qui régisse les phénomènes sociaux qui en sont nés.

Or Vincent, la première phrase de votre exposé (permettez que je vous vouvoye, c'est une marque de distance, chez nous les geeks), montre de façon flagrante que vous n'y bitez que dalle, à l'informatique (permettez que je sois un peu vulgaire, ça détend).

"l’Internet est dépendant des langages qui l’habitent : que cela soit de la langue courante, mais aussi du langage HTML et même des édifices algorithmiques, sans oublier les étranges ontologies qui président à l’élaboration de typologies propres à certains sites."

Les langages n'habitent pas l'internet, Vincent, ils sont contingentés aux machines qui le constituent, mais internet, lui, est un réseau de réseaux de machines dont les relations ne sont pas du tout subordonnées à ces dit langages, mais à des protocoles. Ce n'est pas vraiment la même chose.

Par ailleurs, le HTML, Vincent, au risque de vous surprendre, n'est pas vraiment un langage. Cela sert à baliser un texte et à le structurer, et depuis quelques années (depuis que les CSS se sont imposées), il se rapproche de ce qu'il aurait dû être dès le départ si des gens tels que moi n'avaient pas tout salopé en utilisant la fonction de balisage du HTML à des fin de design dès la sortie de HTML 1.0 en 1993, c'est à dire un ensemble de balises destiné à apporter une couche plus ou moins sémantique, à charge aux CSS de mettre cela en forme d’un point de vue visuel.

C'est pour le coup plus proche de la fonction de langage telle que vous l’entendez Vincent. Tout cela est appliqué à ce que vous qualifiez de "langue courante", un truc auquel les machines ne comprennent rien si vous ne les aidez pas en leur en balisant la structure de la langue, à l'aide du dit html, où en utilisant des moulinettes sémantiques telles qu'OpenCalais, mais celle-ci n'ont pas grand chose à voir avec la sémantique telle que vous la comprennez. C'est un peu compliqué, j'en conviens.

Quant au fait que les ontologies soient étranges, ma foi, elle sont pourtant tout ce qu'il y a de plus normées sur internet, c’est juste une langue qui vous est étrangère, ça n’a rien d’étrange en soi, peut être confondez vous avec les folksonomies, ou peut être, en fait, que vous n'y comprenez rien et que vous espérez n'être lu que par des personnes qui ne relèveront pas que votre introduction est en fait la confession que - comme je le disait précédemment - vous n'y bitez que dalle.

Il se trouve, pourtant, que j'use du même stratagème que vous pour expliquer ce que vous tentez de démontrer, et faire un brin de sociologie des phénomènes sociaux émergents sur internet.

Et là, Vincent, vous allez me dire que j'use à mon tour de vocabulaire savant. C'est normal. Je fais cela lors de cours que je prodigue aux masters du CELSA, auprès de jeunes qui, un jours, tout comme vous, finiront pour certains par décrocher un doctorat en quelque chose, et dans le but, précisément, qu'ils ne finissent pas par écrire des conneries telles que les vôtres.

Oui, tout comme vous, Vincent, je suis un intellectuel Français labellisé qui sait se réfugier à l'occasion derrière un vocabulaire compliqué quand il cherche à masquer une carence intellectuelle (qui n'en a pas ?). Du coup, j'ai tendance à compenser par un brin de vulgarité quand je suis sur un domaine que je maitrise. Un mélange étrange de schizophrénie et de syndrome de Gilles de la Tourette. Désolé.

Revenons à nos geeks, qui désormais représentent une écrasante majorité de la jeunesse puisque l'examen d'entrée consiste à allumer un ordinateur et à lancer le pack Office. Un peu comme le baccalauréat, on a fait baisser le niveau dans des proportions telles qu'on est arrivé à 80% d'une classe d'âge, mais les savoirs qui faisaient le geek d'hier, manque de bol, eux, se sont entre temps complexifiés de façon fantastique.

Pourtant, Vincent, je partage avec vous cet instinct que la maitrise d'un ensemble de fondamentaux techniques propres à internet est un préalable nécessaire à la compréhension des phénomènes sociaux qui s'y développent. La différence, c'est que je les maitrise autrement mieux que vous, et que mes carences dans ce domaine - nombreuses au demeurant - sont parfaitement compensées par les connaissances de mes petits camarades, avec qui j'échange quotidiennement.

Cette confusion entre langage et langage, deux mots qui dans la sociologie et l'informatique désignent deux choses très différentes, et la confusion dans laquelle vous plongez d'entrée de jeu en qualifiant le HTML de langage et qui vous sert à vous rattraper aux branches et éloigner par - once more - un vocabulaire savant, les contradicteurs qui s'expriment dans les commentaires de votre billet en qualifiant tout et n'importe quoi de language, suffit à établir le sable sur lequel vous construisez votre raisonnement, or si on peut construire - le saviez vous ? - des processeurs avec le silicone du dit sable, on ne construit rien de solide là dessus.

Certes, la confusion du HTML comme langage est entretenu savamment depuis des lustres, et à force de voir cela écrit partout, on trouve des gens qui classent le HTML à coté du C++, et il m'est arrivé de lire sur des CV des candidat annonçant fièrement savoir 'programmer en HTML', mais voyez vous, non seulement le HTML n'est pas vraiment un langage, mais l'internet n'est pas articulé par des langages, ou plus exactement, l'articulation dont votre instinct vous dit qu'il est un soubassement d'une explication du social propre au web, est plus à chercher dans les protocoles 'qui baignent internet'.

Internet, lui, est parfaitement indépendant des langages, le langage derrière le site que vous êtes en train de lire se nomme PHP, mais si ce site tournait sous Movable Type plutôt que sous Wordpress, il y aurait du Perl, et ça ne changerait pas grand chose. Les protocoles que vous utilisez (sans le savoir à priori) pour consulter ce site se nomment eux http ou tcp/ip, ils ne sont pas, eux, interchangeables, et structurent de façon très significative internet. Ce ne sont pas - je vous vois venir - des langages, mais alors pas du tout.

Aussi, en étudiant de près un truc comme TCP/IP, vous pourriez vous apercevoir de la stupéfiante structuration qu'ils imposent à tout ce qui est sur internet, comme les phénomènes sociaux qui vous tentez maladroitement de comprendre, ou le fait que l'institution dans laquelle vous exercez, la Hadopi, tente d'imposer des lois sur internet avec autant de ridicule que si je faisait voter un amendement interdisant la pesanteur.

Après tout, Vincent, la pesanteur est directement responsable d'une quantité faramineuse de décès chaque année, et il est temps de mettre fin à cela, non ? Cela vous semble stupide ? Vous avez raison, et cela prouve que vous maitrisez bien mieux la physique de Newton que les internets.

La construction intellectuelle qui fait suite à cet axiome bancal posé comme une évidence est à l'image de votre introduction, et appeler Lacan à la rescousse n'est pas sans rappeler l'énorme contresens réalisé il y a peu par mon ami Yann Leroux, psychanalyste de son Etat (et grand amateur de WoW), qui fonçait tête baissée dans un mur en proposant, lui aussi, une lecture du social basée sur des théories issues du réel l'amenant à accumuler les erreurs et les contresens au point de générer tant au sein de Telecomix que d'Anonymous - deux structures sociales propres à internet qu’il tentait d’analyser - des quolibets et des insultes.

Or tout comme l'institution à laquelle vous appartenez n'interdira pas la pesanteur, le monde des internets est structuré non pas par des langages mais par des protocoles, qui font que les théories appelées à la rescousses peinent à s'y appliquer sans faire sombrer ceux qui les incantent dans un ridicule dont seul les vrais geeks mesurent la profondeur abyssale.

Sur internet, il n'y a pas de distances et (pour l'instant) pas de frontières (sauf en Chine), le temps ne se déroule pas du tout de la même façon que dans la vrai vie, sous la strate fort à la mode du 'temps réel' (que vous m’avez l’air de mépriser copieusement), se cachent d'autres strates temporelles, qui s'accumulent et se percutent. L'identité - un fondamental de tout construct social, vous en conviendrez aisément - peut devenir multiple, fractionnée, simultanée, ou s'effacer sans pour autant trahir, comme ce serait le cas si l'on constatait une telle chose dans la vie réelle, de maladie psychiatrique gravissime. Forcément, tout cela a un impact lourd sur le social qui s'y développe.

Cette importance particulière du protocole et sa prédominance sur le langage (pour la partie informatique, j'entends), ainsi que son aspect symétrique, est à l'origine du revival de moultes utopies, dont mon camarade Sam vous a exposé au passage un aspect dans les commentaires de votre billet.

Elle est aussi le substrat d'un corpus philosophique et politique important, qui réuni tout un tas de gens improvisant des campements dans tout un tas de lieux partout sur terre. Dans certaines dictatures, où la liberté de réunion n'est pas reconnue, ça donne des révolutions (sauf en France où pour l'instant, la liberté de réunion n'est pas reconnue sans que cela donne grand chose). Je suis sûr que vous avez entendu parler de tout ça.

Il est évident que l'égalitarisme des machines - une conséquence directe non pas du langage, mais là encore des protocoles qui régissent les relations entre les machines, préalable à la notion de réseau, elle même préalable au concept d'internet, laisse une place à une véritable renaissance d'un concept oublié et pourtant gravé sur le frontispice de toutes les mairies de France, l'égalité.

Je suis tenté de poser un contrepoint à Sam, qui consiste à souligner que ceux qui maitrisent (comme lui, d'ailleurs) les articulations d'internet sont plus égaux que d'autres. Ce sont eux qui, par exemple, ont paralysé cette Haute Autorité dans laquelle vous travaillez en exposant les failles d'un de vos fournisseurs, TMG (demandez à Eric Walter). D'une certaines façon, ils ont fait de même avec Bachar El Assad ou Ben Ali (Eric doit être au courant). Le fait de maitriser cela permet également d’appréhender différemment la fonction du langage - telle que vous l’entendez - et de bousiller par exemple un plan de com’ à 3 millions en faisant précisément l’inverse de ce que vous tentez de faire : prendre d’assaut le monde de la com’ (ou de la socio, la différence est mince vue d’ici) à partir des lois du réseau, et ridiculiser publiquement une multinationale de la com' qui pèse des milliards. Demandez à Eric, il vous racontera.

Bien que nous ayons parfois des points de vue différents avec mes petits camarades des internets comme Sam, un point nous réunit cependant, qui consiste à s'appuyer les uns sur les autres afin de construire ensemble (ce que vous touchez du doigt en survolant le coté 'collaboratif' des z'internets).

Ensemble, tout est possible, comme dit l'autre.

Pas sûr que ce soit vraiment cela l'égalité, mais au moins, elle est inscrite dans les protocoles (et pas dans un quelconque langage), ce qui la rend rigoureusement incontournable, alors que l'inscrire sur le fronton d'un établissement public n'a de nos jour pas la moindre conséquence. Le récent procès de Jacques Chirac suffit pour s'en convaincre.

Je pourrais divaguer plus longtemps sur les protocoles et remarquer ironiquement que pour une institution qui se croit républicaine, la Hadopi a causé un tord considérable au plus égalitariste des protocoles, le P2P, mais ce genre d’humour ne ferait rire que les geeks - les vrais - et vous vous retrouveriez à devoir faire semblant de comprendre une bonne vanne pour ne pas avoir l’air idiot. Ce serait tout aussi grossier que d’utiliser à outrance un vocabulaire complexe destiné à créer artificiellement un effet de classe grâce à l’hermétisme d’une science comme la sociologie dont la fonction première du vocabulaire est d’exclure plutôt que de partager, ce qui, finalement, résonne merveilleusement bien avec la mission de la Hadopi.

Comme quoi on peut vanner dans le même paragraphe en utilisant la sémantique telle que vous l’entendez et un protocole auquel vous n’entendez rien.

Car sur ces protocoles, très égalitaire à la base, se greffent des humains qui, eux, utilisent le langage, mais certains d'entre eux maitrisent ces protocoles, et usent du langage de façon coordonné. J'ai tendance à croire que ceux-ci sont plus égaux que les autres (comme tout bon intellectuel Français, je suis élitiste).

C'est d'ailleurs à mon sens ce qui fait qu'internet et ceux qui, contrairement à vous, le maitrisent, sont à l'origine d'un transfert de pouvoir au sein de la société. On a bien à faire à l’émergence d’une classe dominante, vous le touchez vous même maladroitement du doigt, même si elle n’a rien de bourgeoise et n’a strictement rien a voir avec ce que l’on appelle geek de nos jours (on parlera plutôt de hackers).

C'est d'ailleurs l'objet des cours que je donne à Science Po. Je vous avais prévenu, Vincent, j'ai plein de labels intellos, comme un poulet élevé au grain et en plein air, et je vous prie de croire que si je n'abuse pas outrageusement comme vous le faite de vocabulaire technique, c'est avant tout pour vous permettre de me lire plutôt que pour vous écraser à l'aide du dit langage, ou soyons précis, à l’aide du vocabulaire qu’il contient (en ai-je véritablement besoin ?). Les petites pointes de vulgarité savamment distillées ont elles pour fonction sémiotique de vous rappeler de ne pas pour autant y voir un quelconque signe de respect.

Si d'aventure vous échappiez à ce réflexe qui consiste à considérer vos contradicteurs comme de simples cons (normalement, face à un prof à Science Po, où vous avez fait vos études, ça va vous poser une injonction paradoxale), et si vous savez descendre du piédestal où certains de mes collègues du corps enseignant vous ont mis en vous faisant croire - à tord - que vous faisiez partie de l'avenir de la nation, et que vous étiez apte à affronter le futur du simple fait que vous pouvez, comme tout élève issu de Science Po, en particulier avec une major en socio, embrouiller (presque) n'importe qui en le noyant dans des termes que le commun des mortels interprètent comme un signe d'intelligence, je vous suggère d'aller apprendre auprès de Jean Michel Planche les rudiments de TCP/IP, et de discuter avec lui du fait que, ça se trouve, c'est indispensable de comprendre ce truc pour faire ses premiers pas dans l'analyse de quoi que ce soit sur ze internets. (vous pouvez reprendre votre souffle, écrire des phrases de dix lignes, c’est ma façon à moi d’exclure les gueux, mais si vous avez un doctorat, c’est pas ça qui vous arrêtera, hein Vincent ?)

Excusez par ailleurs ce qui peut sembler comme de l'agressivité de ma part ou de la part de mes petits camarades, mais ils seront nombreux à l'Hadopi à vous confirmer que ce n'est rien par rapport à ce que vous faites ou que vous ferez demain (demandez à Riguidel), et que nous même, de notre coté, on a fait infiniment pire par le passé (sans même évoquer le futur). Si vous voulez parler de sociologie sur internet, commencez par comprendre les rudiments de base d'internet.

Il y a tout de même suffisamment de monde dans les Labs pour cela, pourquoi ne pas collaborer et échanger avec eux ? Echanger de la culture et des connaissances, ce n'est pas sale, comme dirait Difool, contrairement à ce que l'institution à laquelle vous collaborez tente de faire croire aux gamins à qui j'enseigne. Essayez, vous verrez. Au besoin, planquez vous pour le faire, comme le font les gosses que vous contribuez à mettre sous surveillance.

Dernier détail, plutôt que de tenter de réinventer la roue pour en faire un carré et vous imaginer provocateur en faisant un parrallèle entre ‘les geeks’ et les bourgeois, commencez par apprendre (et si possible respecter) ce que sont les aristocrates, traditionnellement situés au dessus des bourgeois, que l’on appelle Netocrates (chez Amazon). Vous verrez, il n’y a rien de provocant derrière cette idée pour peu qu’elle ne soit pas construite sur du sable, et quand elle est énoncée par un sociologue qui, comme Alexander Bard, sait ce que c’est qu’internet.

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