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par bluetouff

Google : la mise en place de l'aspirateur à données personnelles

Dans le précédent article de cette petite saga, nous avons pris le temps de retracer un petit historique des dates phares de Google. Il s'agissait pour le moment d'une belle success story ne laissant transparaitre que bien peu d'ombres au tableau. Il y a aussi ces histoires un peu moins connues que les rachats en chaines de tout ce qui était susceptible de créer de la valeur.

Dans le précédent article de cette petite saga, nous avons pris le temps de retracer un petit historique des dates phares de Google. Il s'agissait pour le moment d'une belle success story ne laissant transparaitre que bien peu d'ombres au tableau. Il y a aussi ces histoires un peu moins connues que les rachats en chaines de tout ce qui était susceptible de créer de la valeur. Mais la plus fantastique histoire de Google, c'est probablement la vitesse à laquelle l'entreprise a su, avec des services "gratuits", mettre en place le plus gros aspirateur à données personnelles du monde.

Quand on opère des services gratuits à l'échelle mondiale, on dispose de grands pouvoir... et donc de grandes responsabilités. Avoir pour devise "don't be evil", c'est bien gentillet. Mais la réalité du business se rappelle généralement assez vite au bon souvenir d'une société. Très vite, dans la fulgurante ascension de Google au sommet du top des requêtes mondiales, une question allait très vite se poser :

Ça coûte combien ces trucs gratuits ?

On le sait depuis l'éclatement de la bulle Internet dont nous parlions dans le premier article de cette série : la gratuité d'un service, particulièrement quand il est mondial et d'une importante volumétrie, ça coute forcément quelque chose... bref c'est tout sauf gratuit. Google a donc retourné le problème en sortant de son chapeau un superbe numéro d'illusionniste : il fallait donner l'impression de la gratuité. Et quoi de plus adapté que des pixels que l'on maitrise sur le bout des doigts pour jouer les illusionnistes ?

Illimité et gratuité, les deux mamelles cancérigènes du Net

L'impression de la gratuité chez Google commençait par un message fort : la page d'accueil de son domaine.

Pas une seule pub, pas une seule agression visuelle pourtant si répandues en ces temps maudits qui allait voir s'éteindre (du moins en Europe) un autre géant du Net, AOL. AOL, pour ceux qui ne s'en souviennent pas, avait une page d'accueil qui ressemblait étrangement à l'interface de Windows 8.

Bien que leur coeur de métier diffère, comparer Google à AOL est un intéressant exercice de style tant les deux entreprises se sont retrouvées au même moment en proie aux mêmes problèmes. Des problèmes qu'elles ont abordé de manière radicalement différente avec des concepts parfois pourtant assez proches.

La gestion de la croissance tout d'abord. AOL s'implante en Europe grâce à Bertelsmann pour la commercialisation de ses produits. En sa qualité de fournisseur d'accès Internet AOL allait poser les bases de ce qui est aujourd'hui devenu une norme, l'accès à Internet "illimité"... et il y en a certains, au service marketing d'AOL, qui auraient mieux fait de se casser une jambe ce jour là.

La croissance de Google est probablement un cas d'école en matière de gestion. Ce n'est pas parce qu'on commence à gagner beaucoup d'argent qu'il ne faut pas gérer sa croissance. Avec un capital initial d'un million de dolars en 1997, puis une levée de fonds de 10 millions de dollars 3 ans plus tard, Google est devenu ce monstre du Net que nous connaissons aujourd'hui.

Pour en terminer avec notre petit comparaison entre AOL et Google, nous conclurons sur un fait : l'un est vivant, l'autre est mort. N'y voyez surtout aucun signe hein ... Mais la seul différence c'est qu'il y en a un qui se disait illimité et qui dans les faits était très limité (AOL), et l'autre qui est juste très limité.

Vers un business model personal data centric

C'est en 2000 que Google commence à rentabiliser son moteur de recherchepar le biais d' un partenariat avec Yahoo. Ce partenariat vise à insérer des publicités contextuelles en fonction des mots tapés dans son moteur de recherche. La publicité allait peu à peu devenir la première source de revenus de Google, puis, son coeur historique de métier en 2007, quand la firme de Mountain View rachète DoubleClick. Et c'est justement entre 2000 et 2007 que Google allait s'imposer comme le "maitre des intertubes".

La liste des produits mentionnés est loin d'être exhaustive, si vous cherchez plus complet, regardez ici.

En 2001 , Google lance : Google Groups, Google et Google News ! Google News est précisément le service qui, 12 ans après sa création, fait bondir la presse. Comment ça ils sont long à la détente ?

En 2002 , Google lance Adwords, un véritable tournant dans sa stratégie de monétisation de son moteur de recherche. Adwords permet d'acheter des mots clés pour faire apparaitre l'ancêtre de la publicité contextuelle dans ses résultats de recherche.

En 2003 , Google cherche d'autres espaces publicitaires, il propose donc aux webmasters d'offrir sur leurs sites web un espace pour afficher de la publicité contre rémunération, c'est naissance d'AdSense. C'est également l'année de la naissance de Blogger, le service de blogs gratuits de Google, l'intégration d'AdSens y est naturelle et permet à Google d'élargir encore sa surface publicitaire visible sur le Net. Très vite Google va imposer des millions de contacts publicitaires supplémentaires par jour. Et pendant ce temps... les journaux de connexion stockent, eux,  de plus en plus de données personnelles ou pas : adresses IP, mots clés, sites référents, temps passé sur une page, point de sortie ... Les cookies de Google commencent à prendre du poids.

En 2004 , c'est le lancement de Gmail. Google frappe fort, très fort, et enterre la concurrence. Lancé sur invitation uniquement, Google offre un stockage ahurissant pour l'époque laissant la concurrence loin derrière. Vos contacts et vos échanges mails sont chez Google. En plus des mots clés tapés dans les moteurs de recherche pour afficher les publicités AdWords, Google dispose maintenant d'un nouvel espace. Il ne faut cependant pas violer la correspondance personnelle des utilisateurs, qu'à cela ne tienne, Google procèdera par reconnaissance de mots clés dans le contenu des mails pour afficher une publicité toujours plus ciblée, toujours plus présente.

En 2005 , c'est à Google maps de faire son apparition et aspirer vos données de géolocalisation. Il est maintenant possible de vous proposer des publicités et des promotions géolocalisées donc encore plus  personnalisée. Google Recherche personnalisée vient conserver en ligne et chez Google vos historiques de recherches ainsi que vos favoris. Du côté des webmasters, et des entreprises, Google Analytics vient de voir le jour et ira peu à peu détrôner le vieillissant webalizer.

2006 , c'est l'année du rachat de Youtube par Google. C'est aussi la naissance de Google Agenda (dans lequel l'utilisateur vient mettre en ligne ses rendez-vous et encore plus de contact)et de Google Checkout, la solution de paiement en ligne de Google... et hop des données bancaires de plus.

2007 : Google rachète Doubleclick s'assure ainsi de truster le marché de la publicité en ligne. Fort de toutes les données personnelles qu'il aspire, qu'il corrèle avec celles d'autres services Google en 2007 est la plus formidable usine à aspirer des données personnelles que le Net ait engendré jusque là.

AdSense, AdWords et Google Analytics sont les trois piliers qui viendront alimenter la pompe à cash de Google. Mais ce n'est qu'un début, 5ans plus tard, Google, ce sera par exemple aussi le système d'exploitation le plus répandu sur Smartphone.

Plus aucune donnée personnelle n'échappe à Google ;

  • vos documents Word, Excel et Powerpoint sont sur Google Docs ;
  • vos photos de vacances sont sur Picasa,
  • vous superpokez des cercles entiers de copains sur Google+ ;
  • vous stockez vos Warez sur Google Drive ;
  • votre discothèque est sur Google Music ;
  • votre code est sur Google Code ;
  • votre femme est sur Google Street View...

Google vous connait maintenant mieux que votre propre mère !

Google vous connait bien. Mais est-ce que les utilisateurs connaissent aussi bien Google que ce dernier ne les connait ? L'utilisateur, lui, il a du mal à s'y retrouver quelques fois. Le ticket d'entrée dans la galaxie Google, c'est l'identifiant de l'utilisateur : son adresse e-mail. Cette adresse va très vite servir de glue entre les différents services de Google. Un utilisateur, ça n'aime pas trop avoir à gérer plein de mots de passe. Qu'à cela ne tienne, cette adresse email servira donc à authentifier les internautes sur tous les services proposés par Google.  Et comme l'API est ouverte, alors ce compte mail servira même à s'authentifier sur des applications tierces.

Puis, en 2012, c'est le scandale. Google homogénéise ses conditions générales d'utilisation, pour l'ensemble de ses produits. Au lieu d'avoir à vous taper l'intégralité des CGU de chacun des services de Google, la firme de Mountain View propose des CGU unifiées, plus claires, et plus floues à la fois. Plus simples à lire mais avec des passages sous silence assez lourds de sens.

Aujourd'hui en 2013, on en est quand même à se demander pourquoi le jeu Angry Bird collecte vos données de géolocalisation. Si Google se goinfre de données personnelles, il semblerait que certains de ses produits, comme le Play Store, se montrent particulièrement laxistes sur la vérification des données aspirées par les applications tierces qu'il distribue.

Attention monsieur Google, car si tu es là aujourd'hui, c'est surtout parce que tu as gagné la confiance des internautes. Il serait dommage de se compromettre en racontant par exemple que si on a rien à se reprocher, on a rien à craindre de Big Brother. En tout cas une chose est aujourd'hui certaine, la gratuité, ce n'est pas le modèle économique de Google. Son vrai modèle économique, tout comme celui de Facebook pour ne citer que lui, ce sont vos données plus ou moins personnelles, leur exploitation, leur revente, ou encore donner l'accès à ces données à des tiers par le biais d'API. Et ce business, quand on a le savoir de Google en la matière, il est très juteux.

Toutes ces données personnelles intéressent beaucoup de monde, entreprises privées, gouvernements, services judiciaires... mais voilà, c'est trop tard, l'aspirateur à données personnelles, leur centralisation sur l'AS de Google, les pros surveillance n'en auraient pas tant demander : Google, la première agence de renseignement non gouvernementale du monde.

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