Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par bluetouff

Google et la webisation des intertubes

Internet est un réseau de tuyaux. Les informations qui y transitent sous forme d'impulsions électromagnétiques pour la majorité d'entre nous et de photons pour les plus chanceux, circulent de manière "éclatée" (cocorico), grâce à la commutation de paquets. Tous les paquets, ou trames de données qui commutent allègrement dans les tuyaux arrivent à leur destinataire grâce à la magie protocolaire.

Internet est un réseau de tuyaux. Les informations qui y transitent sous forme d'impulsions électromagnétiques pour la majorité d'entre nous et de photons pour les plus chanceux, circulent de manière "éclatée" (cocorico), grâce à la commutation de paquets. Tous les paquets, ou trames de données qui commutent allègrement dans les tuyaux arrivent à leur destinataire grâce à la magie protocolaire. Sur Internet, un espace public, les octets naissent libres et égaux en droit, pour reprendre la très belle tournure de la député Laure de la Raudière... enfin ça, c'est sur le papier.

Le web est un "accident" de l'histoire d'Internet

Le web est ce que l'on a pris l'habitude de désigner comme LA toile d'araignée, issue d'un protocole fonctionnant sur le réseau Internet (qui en compte des centaines) et qui sert à vous distiller des pages d'informations. Comme dans la vie réelle, un protocole est un ensemble de bonnes pratiques, de conventions, qui permettent à nos petits paquets commutés de savoir où ils doivent exactement arriver chez le destinataire, dans quelle application. Comme dans la vie réelle, le protocole expliquera que quand on rencontre une personne, on lui sert la main pour lui dire bonjour avant de pousser plus avant l'échange. Si votre interlocuteur vous tend la fesse droite au moment où vous lui tendez la main, vous vous doutez bien qu'une telle entorse au protocole risque d'entraver un tantinet votre bonne compréhension mutuelle. D'autant plus que vous ne parlez pas toujours le même langage... Et bien sur Internet, c'est la même chose :

"Comment ça tu parles pas PHP ?" _"Ben non moi je cause ASP.""Bon alors on fait quoi ?" __"Et bien parlons HTML ?""Je peux pas ASP, tu es bien trop mal formaté et je ne comprends pas les 200 premières lignes des sources de ton MS-HTML."_

Le web, c'est avant tout la résultante d'un des protocoles d'Internet, le protocole HTTP (HyperText Transfert Protocol) servant à afficher dans un navigateur web (une application), les données acheminées par ce protocole : des textes sur des pages liées entre elles par des liens hypertextes.

Si du jour au lendemain, le web venait à s'arrêter, Internet, lui, fonctionnerait toujours, on se mangerait certes un peu moins d'agressions visuelles, nous irions chercher de l'information sur les newsgroups, les utilisateurs du Mega Merdier de Kim apprendraient à utiliser SFTP et SSH, les entreprises migreraient de l'interface web de gmail.com à un vrai client de messagerie et les gros bavard arrêteraient de nous les briser menues dans des fils de commentaires interminables et iraient s'expliquer sur les canaux IRC... Bref, sans le web, notre "internet tout pourri" serait propre et lisible.

Mais au fait... comment en sommes nous arrivés là ?

Le gros bouton Kifétou

Internet, depuis une quinzaine d'années maintenant, a une véritable tendance à se "webiser". Webiser, ça veut dire faire passer tout et n'importe quoi dans un protocole (le HTTP). Il existe maintenant des "web"machins pour tout et n'importe quoi :

  • des webmails ;
  • des interfaces web pour les newsgroups qui vont convertir nos beaux paquets NNTP en pages HTTP ;
  • des applets java dans des pages web pour aller chatter sur les canaux IRC ;
  • etc...

Pourquoi tout faire passer par le web ? Pourquoi transformer nos navigateurs en moulinettes à convertir des choux en carottes ?

Et bien cher internaute, c'est juste parce que tu es con.

Ou plutôt parce que ton fournisseur d'accès au web, parce que le fournisseur de tel ou tel contenu, a décidé que tu étais un gros con qui ne comprendrait jamais que plusieurs types d'applications fonctionnent sur Internet, et que tu ne comprendrais jamais le modèle OSI.

Et oui, tu es con.

Mais heureusement que ton gentil FAI, que le "don't be evil" Google et plein d'autres se mettront tacitement d'accord sur le fait que tu es tellement con que tu n'auras qu'à ouvrir une seule application #kifétou®, pour accéder aux intertubes.

Le premier qui a tenté le coup du gros bouton #kifétou, nous vous en parlions ici, c'est AOL. AOL distribuait à l'époque un CDRom (pour les plus jeune un CDRom, c'est ce truc là), qui contenait tout ce dont vous aviez besoin pour accéder à Internet... à l'intranet d'AOL.

Le CDRom AOL, à sa sortie (c'est à dire quand personne ne l'avait encore vraiment essayé), c'était un peu le saint Graal : un accès illimité à Internet... enfin à l'intranet d'AOL. Et dans son beau CDRom, AOL vous offrait généreusement son AOL Browser ! Un navigateur taillé pour Internet... l'intranet d'AOL. Sans lui, vous ne pouviez même pas vous connecter. Il n'était même pas une dépendance de votre accès Internet, il était LE bug porteur du business model d'AOL... qui a évidemment finit par s'écrouler, tout bancal qu'il était.

"Veuillez cliquer sur le gros E bleu d'Internet SVP"

Dans les bugs mémorables qui ont ponctué l'émergence d'Internet jusque là, il y a évidemment l'épisode Microsoft. Microsoft est une entreprise issue du "vieux" monde de l'informatique. Une sorte de dégénérescences des Unix propriétaires, mais sans Unix dedans, juste avec le truc qui pue dans "Unix propriétaire"... oui, juste "propriétaire".

Le concept, ou plutôt la stratégie commerciale de Microsoft, c'était de mettre un truc qui lui appartient à lui dans une machine que vous achetiez vous même. Ainsi, Microsoft, d'office, vous spoliait une partie de votre bien en vous imposant dans ce bien un truc qui ne vous appartenait pas, mais vous invitait à lui louer une sorte d'Alien dans votre machine : Windows.

Et dans Windows, vers la version 98, on finit par y trouver un machin dont le logo est un gros E bleu... oui ce même truc qui ne sert aujourd'hui qu'à télécharger Firefox... Internet Explorer.

Cet gros E bleu, ce fut l'un des coups de génie de Microsoft : imposer ce logo comme synonyme "d'accès à Internet".

Et qu'est-ce qu'il fait Google en 2010 ? ... Un navigateur web !

En un peu plus de 10 ans, dans l'inconscient collectif, une icône de raccourci d'un navigateur web devenait synonyme d'accès à Internet. Comme un Frigidaire® était devenu le référent culturel pour désigner un réfrigérateur.

Google a fondé comme nous l'avons vu une énorme partie de sa stratégie dans le Web offrant à nos navigateurs des protocoles contre nature. Il a donc tout naturellement décidé de créer son propre navigateur, Chrome.

Chrome est probablement l'un des chevaux de Troie les plus redoutables de Google. Imaginez que comme votre Winamp se transforme peu à peu en iTunes, avec ses propres formats de fichiers audio que vous ne pouvez plus écouter dans votre lecteur MP3, avec son supermarché intégré ... Et bien Chrome... ça pourrait bien devenir ça. Et c'est peu à peu en train de le devenir.

Dans leur évolution, les navigateurs web se sont très rapidement vus affublés de protocoles contre nature. On retrouve dans cette histoire, une fois de plus l'ami AOL qui finit par racheter Netscape Communicator... Le navigateur que l'on téléchargeait avec Internet Explorer. Netscape Communicator est probablement le premier navigateur #kfétououpresque de l'histoire du Net. Il intégrait :

  • un client e-mail
  • un client IRC
  • un reader de newsgroups

Puis les navigateurs se virent affublés de "plugins". Un "plugin", ou une extension, c'est ce petit bout de code qui fait pousser une troisième jambe ou un cinquième bras à une application. Mais comme ce n'est pas quelque chose de "pur", on ne l'intègre pas directement au noyau applicatif. Il devient alors un plugin. Et les plugins sont ce qui a peu à peu permis au web de servir des protocoles "exotiques" dans du HTTP... ou d'émuler Internet dans du Web !

Parmi ces plugins, on notera des choses qui font partie d'à peu près ce que l'on veut mais surtout pas d'Internet : du flash tout propriétaire, des PDF tout propriétaires ou encore du Java (à l'époque) tout propriétaire.

Ah oui vous avez remarqué ? ce mot propriétaire là .. 3 fois de suite ? Pourquoi ? Parce que pour qu'un protocole fasse partie d'Internet, ce dernier doit pouvoir se targuer d'au moins 3 implémentations libres. Et ça, c'est pas le gros BOFH barbu de Reflets qui le dit, mais c'est l'IETF.

Google a misé gros sur le Web. Il a significativement contribué à l'effort de "webisation" du Net. Sauf que lui, il l'a fait, une fois de plus, de manière radicalement différente que ses petits copains.

Google a commencé par assurer des services web gratuits et de bonne qualité. La grande majorité des applications de Google sont des applications web. La majorité de ses applications standalone sont "opensource"... et il n'y a pas là de hasard. Google est issu d'Internet, un réseau construit sur des protocoles ouverts. Google est né de l'ouverture. Mais quelles garanties offre Google de ne pas replonger dans la fermeture maintenant qu'il a capté l'immense majorité des "parts de marché"... oui, les parts de marché, c'est vous.

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