Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Géométrie variable de l'espace politique français

(Tout s'accélère ces dernières semaines au sein du microcosme des partis politiques français. Au point que l'on peut se demander si ce n'est pas une reconfiguration pleine et entière qui s'opère sous les yeux ébahis des Français à qui l'on ne demande pas grand chose, en réalité. Si ce n'est de la fermer et de répondre aux sondages.) Petite synthèse.

(Tout s'accélère ces dernières semaines au sein du microcosme des partis politiques français. Au point que l'on peut se demander si ce n'est pas une reconfiguration pleine et entière qui s'opère sous les yeux ébahis des Français à qui l'on ne demande pas grand chose, en réalité. Si ce n'est de la fermer et de répondre aux sondages.)

Petite synthèse.

La présidente du Front National a récemment déclaré que son parti n'était pas un parti d'extrême droite : quiconque continuerait à le qualifier ainsi pourrait se voir désormais traîné en justice. L'UMP critique un budget 2014 et une "réforme" des retraites qui auraient pu être les siens si ses dirigeants avaient été au pouvoir. Le PS expulse du sans-papier mineur et scolarisé avec humanité, défend en permanence des "valeurs" républicaines, fustige les porteuses de voile islamique et bombe le torse à chaque fait-divers par le biais de son ministre de l'intérieur Manuel Valls, clone du Nicolas Sarkozy des années 2005-2007. Les écologistes s'accrochent au pouvoir comme de vulgaires affairistes qui découvrent les joies des petits-fours-caviar-champagne offerts par les réceptions ministérielles, avalent leur chapeau toutes les trois semaines et ne font pas plus d'écologie que n'importe quel social-libéral converti aux thèses de Bruxelles sur la concurrence libre et non-faussée. Le front de gauche ressemble de plus en plus à une sorte de rassemblement populiste rugissant, qui appelle à "faire le ménage", à peu près comme le FN, mais version "ami des immigrés et des sans-papiers". Une extrême droite qui ratisse large, soutient les thèses économiques de l'extrême gauche, une extrême gauche qui utilise les mêmes méthodes de communication que l'extrême droite, un parti socialiste qui fait de l'UMP et une UMP qui ne sait plus quelle place prendre (plus à droite, plus au centre, plus à l'extrême centre, plus en dessous, au dessus ?), des écologistes atomisés par le pouvoir : tout ça devient quelque peu troublant…

La thèse du calcul électoral

Certains pensent que le PS a fait quelques petits calculs qui pourraient être les suivants : tenir une politique la plus proche de celle de l'UMP pour couper l'herbe sous les pieds du premier parti de droite et dans le même temps cautionner la thèse du premier parti d'extrême droite, le FN, celle de l'UMPS. Faire une politique UMP en étant le PS énerve plein de gens qui vont se dire "ah ben oui, elle a raison Marine Le Pen, et puisque c'est comme ça, ben je vote plus pour aucun des deux, je vote pour elle". Ensuite, au moment des élections, le FN est très haut, et là on fait marcher le "Front républicain" pour sauver la démocratie. Ainsi, de nombreux électeurs, abstentionnistes, déçus de la gauche (ils votent nettement moins que ceux de la droite, à gauche), se jettent aux urnes voter pour élire le sauveur PS, parce que la droite, très très proche du FN, voire en alliance avec, ça n'est pas possible. Et la ronde continue. Ouf, la démocratie (avec un petit "d") est sauvée. Certains pensent que ce calcul existe, en tout cas, en discuter ne peut pas faire de mal.

La thèse de l'impuissance et de la collision

Certains pensent que le PS, comme l'UMP, n'ont absolument aucun pouvoir autre que celui de vagues politiques intérieures alimentées par des faits divers : immigration, justice, insécurité, terrorisme, laïcité (protection de la nation contre l'islamisme radical) et des bricoles autour des taxes et impôts, bref des trucs qui ne changent pas grand chose si ce n'est occuper les foules et tenter de faire croire que l'on agit, que l'on est en mesure d'exercer le pouvoir. Derrière cette façade, ces grands partis sont constitués d'énarques et autre petits marquis de la République, amis dévoués de puissants patrons qui travaillent à maintenir le système en place tel qu'il est, voire à accentuer un peu plus certains phénomènes pour vendre littéralement l'Etat. La main sur le cœur, en prétendant qu'on ne pouvait pas faire autrement". Autoroutes, système de santé, poste et télécommunications, éducation, eau, énergie, tout doit y passer. A la fin, l'Etat gère une armée professionnelle très réduite, quelques domaines régaliens, et pour le reste il faudra demander aux PDG ce qu'ils veulent…ou pas. Les marquis et les énarques, eux, de toute manière sont dans les conseils d'administration ou dans les cabinets d'avocats d'affaires qui les aident.

Collusion des élus avec le monde des affaires : la thèse est connue, et certaines affaires comme la plus récente, celle de Cahuzac, révèlent l'état d'esprit de l'"ami du peuple", le PS : il est désormais possible de se voir, en tant que citoyen, infliger une amende de 45 000 € si l'on publie les informations patrimoniales (consultables en préfecture) d'un élu de la République. La transparence française ainsi actée par François Hollande président-du-changement indique très clairement l'état d'esprit et la nouvelle géométrie de l'espace politique qu'il souhaite marquer de son empreinte au cours de son quinquennat.

La thèse du vide, du néant et de la fin du monde

Certains pensent que tous ces politiques n'ont absolument plus aucune idée sur quoi que ce soit, que le monde en permanente mutation leur échappe, que des instances supra-nationales hypertrophiées leur permettent d'être dans un confortable suivisme camouflant leur totale indécision. Chômage, pauvreté, injustices, ascenseur social en panne, exclusion, santé, toute la liste de ce que ces politiques sont censés combattre ou améliorer a depuis belle lurette été jetée aux orties : ils ne savent pas comment faire, parce que tous leurs choix se sont révélés calamiteux et qu'il est trop tard pour revenir en arrière. C'est la fin du monde qui pointe, en tout cas du monde moderne, civilisé, protecteur, remplacé par une forme de société-jungle innommable où chacun tire son épingle du jeu comme il le peut, avec l'armée prête à sortir ses tanks en cas d'émeute.

Avec cette thèse, l'Elysée sera un bunker ou ne sera plus…

Ca peut mal finir quand même

La communication politique, plus vaine et ridicule que jamais est devenu un espace du néant. Action détestable du gouvernement ou de ses représentants, réactions, prise de parole, justifications, et toujours,  le rappel des valeurs. Il n'aura jamais été autant question de valeurs que ces dernières années : valeur du travail, valeur de la laïcité, valeurs de la République. Ceux là-même qui les salissent en permanence, empêtrés dans de sombres affaires de corruption, pris en flagrant délit de mensonges ou de reniements sont les premiers à venir donner la leçon aux citoyens sur les valeurs. Il y a un moment où tout cela va mal finir. Un ministre de l'intérieur qui, des trémolos dans la voix, vient parler des valeurs de la République alors qu'il empoche tous les mois une indemnité de 1750 €  comme conseiller municipal d'une grosse mairie (celle d'Evry)en plus de son indemnité de 9000 € et quelques de ministre (indemnité de base, de fonction et de résidence), devrait se méfier : les citoyens, des fois, ça prend les armes. Comme dans une chanson. Dans la chanson, il y a des armes et des citoyens qui les prennent, les armes. Est-ce qu'il en connaît les paroles et leur signification, le ministre donneur de leçon sur la République, qui bénéficie d'un emploi fictif ?

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée