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par bluetouff

Free Ad-Gate : un nouvel épisode de la guerre Free vs Google ?

Nous avons hier découvert sur Twitter que Free avait unilatéralement décidé de bloquer, pour l'ensemble de ses utilisateurs (disposant d'une Freebox Revolution), l'affichage des publicités sur les pages web. Le procédé est inquiétant, choquant, mais il mérite qu'on s'y attarde un peu plus sérieusement qu'en criant au scandale, à la censure, ou à l'atteinte grave à l'économie numérique comme nous avons pu le lire sur plusieurs sites web... souvent eux mêmes financés par la publicité.

Nous avons hier découvert sur Twitter que Free avait unilatéralement décidé de bloquer, pour l'ensemble de ses utilisateurs (disposant d'une Freebox Revolution), l'affichage des publicités sur les pages web. Le procédé est inquiétant, choquant, mais il mérite qu'on s'y attarde un peu plus sérieusement qu'en criant au scandale, à la censure, ou à l'atteinte grave à l'économie numérique comme nous avons pu le lire sur plusieurs sites web... souvent eux mêmes financés par la publicité.

La publicité, c'est l'enfant terrible d'Internet. Elle a depuis un moment les chevilles qui enflent. Combien de fois avons nous pu lire qu'Internet était financé par la publicité ? Les faits sont tout autres, la publicité n'a jamais financé aucun tuyau, et c'est peut être bien ça le message que Free souhaite faire passer. Au mieux, la publicité finance des contenus, en aucun cas elle ne finance l'infrastructure, et heureusement car si c'est sur elle qu'on comptait pour le déploiement du FTTH, nous pourrions attendre bien longtemps.

Free mène depuis des mois une petite guéguerre contre Google dont l'effet le plus sensible pour ses utilisateurs est les difficultés que les freenautes rencontrent pour accéder à certains services de Google très consommateurs de bande passante, comme Youtube.

C'est grave docteur ?

L'affaire est en tout cas assez grave pour que Fleur Pellerin, ministre en charge de "l'économie numérique" (à opposer au bien commun Internet), décide de recevoir les acteurs de la publicité en ligne et les représentants de Free. Mais pourquoi est-ce si grave ?

Il existe deux problèmes de fonds, le premier est économique, le second est éthique. Le problème économique apparait évident puisque par cette décision, Free fait en sorte que plus aucun de ses abonnés sous Freebox Revolution ne puisse venir apporter le moindre centime en revenus publicitaires à de nombreux sites, et surtout, à leur régie publicitaire. Le problème éthique est plus fin, mais il s'agit bien d'une atteinte à la neutralité du Net, Free se substituant à l'utilisateur pour placer une intelligence de filtrage sur le réseau (dans sa box, box qui est sa propriété).

Des tuyaux aux contenus, Free vient de franchir la ligne jaune

La guerre des tuyaux est aujourd'hui en train de sortir des tuyaux, Free a donc décidé de s'attaquer aux contenus. Avec tous les risques que cela comporte, comme le sur-blocage. Et le sur-blocage n'aura pas été long à avoir été mis en évidence par @nkgl puisque le magnifique dispositif mis en place sur les Freebox bloque aussi le tracking Google Analytics, ainsi, plus de possibilité pour de nombreux sites utilisant ce service de Google de comptabiliser les visites des freenautes.  Là encore il faut se rendre compte que les statistiques ne servent pas uniquement à flatter l'égo des éditeurs. Les statistiques de fréquentation sont une donnée indissociable du calcul des revenus des régies publicitaires... donc encore une fois même si certaines régies ne sont pas encore impactées, elles le sont indirectement par leurs clients qui ne justifient plus de données réalistes pour valoriser leurs contenus.

Il y a bien également un problème éthique dans la décision de Free. Un fournisseur d'accès ne peut avoir pour rôle d'amputer les services et surtout les contenus offerts à ses abonnés. L'affichage de publicités sur des pages web est, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, un élément de contenu. Retirer unilatéralement un contenu d'Internet, c'est agresser le réseau, agresser le principe de neutralité du Net. Par défaut, un fournisseur d'accès se doit d'offrir à ses abonnés le même Internet, avec ou sans pub, fourni par tous les FAI. Tout internaute doit par défaut accéder à Internet, libre à lui ensuite d'amputer les pages web qu'il désire des contenus qu'il désire.

En aucun cas Free ne peut se substituer à l'utilisateur et son contrôle sur les contenus auxquels il souhaite accéder. Et c'est pourtant ce qu'il fait en déplaçant l'intelligence normalement aux mains de l'utilisateurs, sur son poste de travail, à sa box, propriété du fournisseur d'accès. Free par cet acte place de l'intelligence dans les tuyaux, et ceci n'est d'un point de vue éthique pas acceptable de cette manière. Ceci le serait si ce dispositif n'était pas activé par défaut, si le controle était laissé à l'utilisateur, en pleine connaissance de cause.

Certes l'utilisateur peut désactiver ce dispositif anti publicitaire sur sa Freebox, mais là n'est pas le problème. Free aurait du proposer ce service aux internautes mais en aucun cas il ne peut être légitime en activant ce "service" par défaut sur les box de ses abonnés.

Google Adsense, NetAvenir, AdTech directement impactés rapporte Numerama. Toujours selon Numerama le dispositif en question filtrerait les urls des régie publicitaires depuis lesquelles les contenus sont appelés par des scripts servant de la publicité. C'est une théorie, mais ce n'est pas la seule, et la notre est sensiblement differente mais il est probablement trop tôt pour affirmer quoi que ce soit, Free n'étant pas le fournisseur d'accès le plus communicatif sur son infrastructure technique.

Quelle issue ?

Pour l'instant Free et Youtube sont dans l'impasse, et c'est bien Google et Youtube qui sont visés. Free a réussi un coup d'éclat en terme de communication en passant pour le gentil FAI qui offre une expérience utilisateurs de surf optimisée pour ses abonnées. Car oui, sans pub, les pages chargent plus vite, quoi qu'on en pense.Free par ce biais améliore donc les performances de son réseau en amputant des contenus. Un arbitrage ministériel semble donc maintenant la seule issue possible. Free aura réussi son coup, sensibiliser le gouvernement sur les problèmes de tuyauterie qu'il rencontre avec Google. Mais à quel prix ?

 

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