Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Fabrice Epelboin

Fillon balance les blackOps internet de l'UMP

Souvenez vous : l'armada numérique de l'UMP avait fait, durant la campagne présidentielle, les gorges chaudes de nombreux internautes. Disparitions mystérieuses d'une multitude de comptes Twitter, lancement de rumeurs intempestives, et j'en passe... bref : l'infowar, c'est maintenant.

Souvenez vous : l'armada numérique de l'UMP avait fait, durant la campagne présidentielle, les gorges chaudes de nombreux internautes. Disparitions mystérieuses d'une multitude de comptes Twitter, lancement de rumeurs intempestives, et j'en passe... bref : l'infowar, c'est maintenant.

A l'époque, personne n'y trouvait quoi que ce soit à redire au sein de l'ex parti de la majorité, et il a fallu attendre que ce même dispositif soit utilisé pour les guerres internes du parti pour que l'ex premier ministre lève le voile sur l'un des outils utilisé par l'UMP pour manipuler l'opinion sur internet : une mystérieuse "machine" a voter, évoquée par François Fillon sur Canal+.

En guise de "machine", un petit script qui, alternant les proxies pour simuler une multitude d'utilisateurs, vote en masse sur les divers sondages proposés par les médias en ligne afin de donner l'impression - dans le cas évoqué par Fillon - que Jean François Copé est le préféré des Français pour prendre la tête de l'UMP.

En infowar, on appelle cela de l'astroturfing : un ensemble de techniques utilisées pour donner l'impression au grand public d'un mouvement de masse dans l'opinion publique, tablant soit sur le comportement moutonnier des foules censées suivre le troupeau, ou utilisés, en phase initiale, pour légitimer une position ou une proposition, afin d'étayer une solution miracle à un problème imaginaire ou largement exagéré (les salafistes en Tunisie, par exemple).

Chez Reflets, on adore : cette technique fut utilisée à notre encontre, il y a quelques temps, par EuroRSCG lors d'une campagne de calomnie visant des opposants à la loi Hadopi, à l'occasion du lancement de la premiere (et dernière) campagne de communication de la riposte graduée.

L'astroturf n'a pas attendu internet pour débarquer dans le territoire médiatique, mais la déferlante des média sociaux, et la perte continue de crédibilité des médias traditionels, a sérieusement aggravé les choses. C'est également devenu ces dernières années un sport bien plus technique, ce qui a changé pas mal de choses : un abaissement significatif - en terme de coût - de la barrière à l'entrée, et un changement radical - en terme d'acteurs - des opérateurs, ou plutot des executants - les commanditaires, eux, sont toujours les mêmes.

On est passé d'un art maitrisé par les agences de RP, en particulier celles travaillant pour les lobbies, à quelque chose de bien plus technique, mis en œuvre par des hackers, condition indispensable pour ne pas se faire démasquer trop rapidement.

Pour ceux qui voudraient pousser le sujet plus loin (et ceux qui commencent à douter que nous ne soyons que d'affreux conspirationnistes), il existe un début de littérature scientifique sur le sujet, couvrant essentiellement les usages de l'astroturf par les politiques et les lobbies, en particulier sur les plateformes sociales telles que Twitter (Facebook est très peu étudié). Elle est disponible ici.

Est-ce un drame pour autant ? Relativisons. Dans une nation où la compagne du chef de l'Etat est employée par le premier groupe de presse du pays sans que personne n'y trouve rien à redire, et où l'ex femme du précédent chef de l'Etat - lors de son apparition sur une couverture d'un des titres du même groupe de presse - avait valu son licenciement au patron du titre en question, on peut penser qu'il y a plus inquiétant en matière de mise en place de dispositifs médiatiques destinés à influencer l'opinion publique.

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